EXPERT DS AVOCATS. En quoi la loi Energie-climat constitue-t-elle une nouvelle étape dans l'objectif de neutralité carbone en 2050 ? Explications avec Grégory Gutierrez, avocat associé.

Nouvelle loi phare du quinquennat d'Emmanuel Macron, la loi Energie Climat franchit une nouvelle étape dans la détermination de la France à poursuivre l'objectif de neutralité carbone à l'horizon 2050. Dans le droit fil de l'Accord de Paris et des précédentes lois Grenelle 1 & 2 et du 17 août 2015 sur la transition énergétique pour une croissance verte, ce texte organise un nouveau 'climate deal' dont certaines dispositions concernent le secteur du bâtiment.

 

C'est tout d'abord le développement des énergies renouvelables qui est à l'honneur.

 

Le verdissement des toitures

 

Le législateur impose ainsi un verdissement de la toiture des bâtiments pour toute nouvelle demande d'autorisation d'urbanisme créant plus de 1.000 m² d'emprise au sol (article 47 de la loi). Cette obligation vise à intégrer au choix :
- soit un procédé de production d'énergies renouvelables,
- soit un système de végétalisation basé sur un mode cultural garantissant un haut degré d'efficacité thermique et d'isolation et favorisant la préservation et la reconquête de la biodiversité,
- soit tout autre dispositif aboutissant au même résultat.

 

Les dispositifs sont réalisés en toiture des bâtiments ou sur les ombrières et doivent au minimum couvrir 30% des surfaces.

 

 

Cette obligation s'applique déjà aux projets susceptibles d'entrer dans le champ d'application du texte et risque de perturber les projets en cours de préparation ou de dépôt. Les dispositifs de production d'énergie sont libres mais vont le plus souvent consister à implanter des panneaux solaires et des installations relatives au solaire thermique. On peut imaginer d'autres solutions.

 

Selon le texte, sont concernés les projets faisant l'objet d'une autorisation d'exploitation commerciale, ainsi que les constructions à usage industriel, artisanal, d'entrepôt, de hangars non ouverts au public faisant l'objet d'une exploitation commerciale, et les nouveaux parcs de stationnement couverts accessibles au public.

 

Deux séries de dérogations sont prévues. D'une part, l'autorité qui délivre l'autorisation d'urbanisme peut, à condition de motiver sa décision, écarter l'obligation dans certains cas prévus par la loi (aggravation des risques, obstacle technique insurmontable ou économiquement inacceptable, ou secteur protégé). Il est certain qu'un projet qui s'engagerait dans cette voie devra apporter toutes les justifications requises pour éviter de se heurter à un refus ou de fragiliser la sécurité juridique de l'opération. D'autre part, il est prévu que certains bâtiments renfermant des activités soumises à la législation sur les installations classées pour la protection de l'environnement (ICPE) échappent à l'obligation. Un projet d'arrêté ministériel soumis à la consultation publique jusqu'au 11 décembre 2019 prévoit notamment d'y faire échapper les ICPE relevant du régime Seveso pour des raisons évidentes liées à l'aggravation des risques. En l'état du projet de texte, ne sont pas seulement écartées de l'obligation les installations Seveso, mais plus largement les installations renfermant des produits d'une particulière dangerosité, ainsi que les toitures des ICPE dont la surface disponible totale, après déduction des surfaces condamnées pour des raisons de sécurité, est inférieure à 30%. Des règles relatives à l'implantation et à l'entretien des dispositifs seront prévues pour les ICPE.

 

A cette obligation s'ajoute, pour les aires de stationnement associées lorsqu'elles sont prévues par le projet, des revêtements de surface, des aménagements hydrauliques ou des dispositifs végétalisés favorisant la perméabilité et l'infiltration des eaux pluviales ou leur évaporation et préservant les fonctions écologiques des sols.

 

Au-delà des vertus louables ce texte, on peut s'interroger sur les difficultés posées par l'immédiateté de la mesure et sur les conditions d'application, non précisées par le texte, notamment en cas de mixité d'usage et en cas de franchissement du seuil par l'effet d'autorisation modificatives successives. Le mode de calcul de la surface minimale est également un point d'attention qu'il y aura lieu d'éclaircir.

 

Les mesures en faveur de l'autoconsommation

 

La loi fourmille d'autres mesures qui viennent progressivement rehausser l'ambition de neutralité carbone pour le bâtiment. A titre d'illustration, certains freins à l'utilisation du régime de l'autoconsommation en matière d'énergie électrique sont levés. Pour l'autoconsommation individuelle, la gestion et l'entretien par un tiers trouve désormais un fondement légal, ce qui ne règle pas la question du "tiers investisseur" pour les porteurs de projets qui souhaiteraient faire financer les installations par un tiers (voir, sur ce point précis, le livre blanc rédigé par DS avocats sur les Villes et territoires durables et intelligents, bientôt disponible en téléchargement sur le site internet www.dsavocats.com). Mais c'est aussi l'autoconsommation collective qui évolue avec un nouveau régime "étendu" qui permet à des producteurs et des consommateurs qui souhaitent se regrouper de ne pas avoir leurs points de soutirage et d'injection d'électricité au même endroit, mais une distance au plus égale à 2 kilomètres pour les plus éloignés. Cette nouvelle souplesse permet de réaliser des mutualisation qui n'étaient pas possibles jusqu'alors au sein d'un même territoire. Un arrêté ministériel, déjà publié, précise les conditions d'appréciation du critère de proximité géographique (Arr. minist. 21 nov. 2019, JO du 24 nov. 2019, p. 18 ).

 

Même si certaines zones d'ombre mériteront une évolution des textes à l'avenir, il était important de déverrouiller davantage le régime de l'autoconsommation dès lors qu'il constitue un des moyens d'accompagner les nouvelles dispositions légales précitées sur le verdissement des toitures.

 

Le durcissement du régime des Certificats d'économie d'énergie (CEE)

 

Tout en constatant une prolongation de la durée de la 4ème période d'obligation d'économies d'énergie et une augmentation corrélative du volume à reconstituer jusqu'au 31 décembre 2020 (l'objectif de 1.600 passant à 2.133 TWh cumac), on note aussi un renforcement du cadre légal concernant les CEE qui constituent un des principaux moyens de financer la rénovation énergétique des bâtiments. Les pouvoirs de contrôle et de sanction du pôle national des CEE, service chargé d'instruire et de contrôler les CEE, sont accrus dans l'optique de lutter contre les fraudes. Le législateur impose également un autocontrôle préalable au dépôt des demandes de CEE. Ces nouvelles contraintes auront des conséquences pour tous acteurs et laisse un doute sur la capacité à atteindre l'objectif fixé par le législateur.


La fin des passoires thermiques

 

Enfin, plusieurs mesures tendent à lutter contre les passoires thermiques dans le logement. Les deux objectifs de disparition de ces types de bâtiments sont fixés pour 2023 et 2033 en ce qui concerne les bâtiments en copropriété. Ainsi sont visés les propriétaires qui ne pourront plus augmenter les loyers à compter du 1er janvier 2021 pour les logements qui atteignent ou dépasse le seuil de consommation de 331 kWh/m²/an d'énergie primaire. Les informations du diagnostic de performance énergétique sont également renforcées. Un plafond de consommation établi à 330 kWh/m²/an d'énergie primaire obligera, à compter du 1er janvier 2028, à la réalisation de travaux de rénovation énergétique pour les bâtiments classés F ou G, sauf exceptions.

 

Au final, cette loi foisonnante vient rappeler combien la transition énergétique est un phénomène irréversible qui compte plus que jamais dans toutes les décisions de gestion du patrimoine et de réalisation des projets immobiliers, mais qui peut aussi faire naître de nouvelles opportunités et de nouveaux métiers.

 

DS Avocats est un cabinet français qui a développé son savoir-faire au bénéfice des sociétés privées mais aussi des entreprises et collectivités publiques. Créé en 1972 à Paris, il rassemble aujourd'hui plus de 400 avocats et juristes.
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