ASSISES DU LOGEMENT. 8 mois après la crise des gilets jaunes, 2 mois après les premières conclusions du Grand débat, où se situe la thématique du logement ? Pour les acteurs de la construction, de l'architecture et de l'habitat réunis ce 24 juin aux Assises du Logement, le sujet a été pratiquement éludé des discours publics.

En ce lundi caniculaire, les intervenants venus inaugurer le deuxième opus des Assises du Logement s'accordent sur un même point. Il y a bien un sujet brûlant qui court, celui du logement. Mais pour Valérie Mancret-Taylor (Anah), Marianne Louis (USH), Denis Dessus (Cnoa), Jacques Chanut (FFB), André Yché (CDC Habitat) et Benoist Apparu (In'li), cette thématique du quotidien a été effleurée par le Grand débat national, et uniquement questionnée sous son aspect budgétaire.

 

"Le logement a été assez rarement abordé, seulement à travers des questions de pouvoir d'achat que de cadre de vie", a regretté le président de CDC Habitat André Yché. Davantage abordé sur la question de son coût pour l'Etat, que sa qualité pour le citoyen, le logement a surtout été présenté dans le cadre du Grand débat national comme un potentiel poste d'économies pour tenter de réduire le déficit public.

 

Logement, un bien de première nécessité ?

 

Les intervenants présents en conférence inaugurale vont jusqu'à s'interroger sur la place du logement dans le quotidien et les revendications des citoyens. Et si le logement, son coût et sa qualité étaient intériorisés par ses résidents au point qu'il ne constitue jamais l'objet de contestations ? Pour André Yché, "les difficultés traversées par le logement social résultent au fond de cette méconnaissance et de cette incompréhension, avec un besoin de remettre à plat notre propre discours et notre propre approche du sujet".

 

Dans le même ton que le ministre du Logement Julien Denormandie qui n'a cessé de dire que "de nombreuses réponses au Grand débat transpiraient le logement", la directrice générale de l'Union sociale pour l'habitat (USH) Marianne Louis estime que l'on peut inclure le logement dans de nombreuses revendications, à commencer par celles liées au pouvoir d'achat "où l'on inclut le logement en tant que bien de première nécessité".

 

Un propos qui dresse de premières pistes sur les réflexions à porter sur le logement, et à un éventuel changement de paradigme. A savoir de faire passer l'idée du logement comme produit marchand à un bien de première nécessité, sinon y intégrer un degré plus élevé d'intérêt général. Pour Jacques Chanut, à la tête de la Fédération française du bâtiment, "il y a un devoir de pédagogie très fort à faire".

 

Remettre à plat les aides aux plus modestes

 

En matière de logements, la crise des gilets jaunes a peut-être été le révélateur d'un besoin de simplification, dans l'accès au logement et sa décence. Cela a notamment amené à l'Anah à "remettre en cause ses aides", indique Valérie Mancret-Taylor, directrice générale de l'Anah, "comment faire en sorte que dans un maquis d'aides destinées aux ménages les plus modestes, nous soyons le plus efficace possible ?".

 

Au-delà de cette réflexion sur le rôle à donner au logement, les actions futures en matière d'aménagement et de construction ne pourront se faire sans "une démarche de qualité qui intègre les enjeux sociaux, urbains et environnementaux", prévient Denis Dessus, président du Conseil national de l'Ordre des architectes.

 

Si ce think tank informel pour le logement prend déjà racine chez les architectes, et s'élargira aux bailleurs sociaux ou aux constructeurs, comment le concrétiser par des décisions publiques, du côté des collectivités ou de l'Etat. Dans une furtive allusion au logement, Emmanuel Macron a indiqué qu'il souhaitait lancer un nouvel acte de décentralisation, souhait réitéré par Edouard Philippe lors de son discours de politique générale à la mi-juin.

 

Une chaîne fragile

 

Mais pour les intervenants réunis ce lundi matin, on se demande quelles compétences pourraient bien être transférées aux élus. L'ancien ministre du Logement et président du directoire d'In'li, Benoist Apparu, y est tout simplement défavorable : "je ne vois pas aujourd'hui ce qu'il y a à décentraliser en matière de politique du logement, pour moi, seul l'Etat est en mesure de réduire les inégalités territoriales".

 

La loi SRU, qui fixe un quota de 25% de logements sociaux dans le parc d'une commune de plus de 15.000 habitants, pourrait être une première piste de décentralisation, selon André Yché qui estime que "cette loi doit faire l'objet d'adaptations territoriales".

 

Parfois opposés sur le fond, les acteurs de l'architecture, de l'habitat social ou privé et de la construction se retrouvent de plus en plus sur cette crise du logement, par le prisme de la qualité et surtout celui du coût. Mais cette apparente chaîne de solidarité pourrait-elle tenir, au vu des affaiblissements de chaque maillon ? Entre autorité de l'architecte mise à mal par la loi Elan, le modèle économique des bailleurs sociaux appelé à s'adapter à de nouvelles contraintes budgétaires, et le secteur du bâtiment qui craint à nouveau qu'il ne soit le bouc-émissaire fiscal de l'Etat.

 

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