Polluée, saturée par le trafic automobile et encore à moitié en ruines, Kaboul n'en attire pas moins les convoitises des spéculateurs immobiliers, pour le plus grand profit de quelques privilégiés.

Alors que les réfugiés de retour au pays trouvent un abri dans les maisons détruites de la capitale, les prix flambent dans le quartier aisé de Wazir Akbar Khan, épargné par les obus de la guerre civile."Les loyers à Wazir Akbar Khan et dans le quartier voisin de Shar-i-Naw tournent entre 3.000 et 25.000 dollars par mois pour des maisons qui se louaient entre 150 et 300 dollars sous les talibans", indique Mahmood, gestionnaire d'une agence immobilière.

Faites le plus souvent de dalles de béton superposées, ces maisons aux formes rectangulaires, sans aucun charme, construites à la soviétique dans les années 1970, se vendent entre 350.000 et un million de dollars, dans un pays où le revenu par habitant est un des plus bas du monde.
"La plupart des organisations internationales, agences onusiennes, diplomates, hommes d'affaires préfèrent Wazir, c'est une des raisons de cette inflation hors norme", explique un agent immobilier, Tawab Jan.
Ce quartier est relativement sûr par rapport au reste de Kaboul. De nombreux ministres et personnalités politiques vivent là sous protection policière. L'approvisionnement en eau et en électricité y est à peu près régulier.

Autre raison de cette flambée des prix, beaucoup moins avouable: l'argent de la drogue. Dans un pays qui produit les trois quarts de l'opium mondial et où ce juteux trafic, selon l'Onu, génère 2,3 milliards de dollars par an, l'immobilier est un moyen aisé de blanchir l'argent sale.

Cette montée en flèche de l'immobilier n'est pas passée inaperçue. En septembre, des dizaines de familles pauvres ont été expulsées manu militari de leurs maisons de fortune, reconstruites à Shir Pur, sur un terrain du ministère de la Défense adjacent au quartier de Wazir Akbar Khan.
Cette expulsion a été publiquement critiquée par l'ONU et plusieurs organisations internationales, qui reprochent au gouvernement d'avoir détruit les petites maisons de boue séchée à coups de bulldozer, alors que leurs habitants se trouvaient encore à l'intérieur.
Chaque concession de Shir Pur, estimée entre 70.000 et 170.000 dollars, avait auparavant été distribuée aux ministres et personnalités influentes, notamment militaires, du gouvernement.
L'affaire a fait scandale, entraînant au passage le limogeage du chef de la police de Kaboul, et un haut responsable onusien, Miloon Kothari, a accusé les officiels afghans de tirer profit de leur position au sein du gouvernement pour s'approprier illégalement des biens immobiliers.
"En fait, tout Kaboul est concerné par la hausse des prix de l'immobilier.
La moitié de la ville est en ruines, les réfugiés rentrent d'exil par milliers et ne trouvent pas où se loger",
explique un autre agent immobilier, Anayatullah Yadgar.
Beaucoup de réfugiés ont trouvé à leur retour leur ancienne maison saisie par un "commandant" ou illégalement occupée par des inconnus, généralement toujours bien connectés avec des autorités.
La violation de propriété représente ainsi la moitié des plaintes reçues par la Commission indépendante afghane des droits de l'Homme entre juin et septembre.
Entre 30% et 40% des habitants du grand Kaboul sont d'anciens réfugiés, selon le HCR, qui prévoit d'aider à la réhabilitation d'une trentaine de bâtiments publics de la capitale, pour y loger 1.400 familles squattant encore des maisons en ruines.

Le gouvernement a annoncé son intention de construire de nouveaux logements en périphérie de Kaboul. Mais les prix de l'immobilier n'ont marqué jusqu'à présent aucun signe d'essoufflement.

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