POSITIONNEMENT. L'ancien ministre de la Ville Jean-Louis Borloo regrette dans un entretien au magazine Zadig que ses propositions pour "une réconciliation nationale" avec les banlieues n'aient pas été suivies par le chef de l'État. Il dénonce le peu de chances de réussite des habitants des quartiers par rapport au reste de la population.

"Dans les quartiers, il y a quatre fois moins de moyens qu'ailleurs, rapporté au nombre d'habitants", s'insurge Jean-Louis Borloo, dans un entretien pour la revue trimestrielle Zadig, lancée par l'ancien directeur du Monde Eric Fottorino. L'ancien ministre centriste, considéré comme le père de la rénovation urbaine, dénonce le manque de moyens accordés aux quartiers pauvres et parle même "ségrégation urbaine" persistante dans l'Hexagone. "La République fait beaucoup moins pour ces zones en apesanteur que pour les autres", continue-t-il.

 

L'homme politique, qui a dirigé plusieurs ministères sous les mandats de Jacques Chirac et Nicolas Sarkozy, notamment le ministère de la Ville, avait été chargé par Emmanuel Macron de lui faire parvenir un vaste plan pour les banlieues. Remis au Premier ministre de l'époque Édouard Philippe, le rapport, intitulé "Vivre ensemble, vivre en grand, pour une réconciliation nationale", avait finalement été en partie rejeté par le président de la République en mai 2018.

 

"Une stratégie aussi âgée que [Macron]"

 

"Quelque part ça n'aurait aucun sens que deux mâles blancs [lui-même et Jean-Louis Borloo], ne vivant pas dans ces quartiers, s'échangent l'un, un rapport, et l'autre disant 'on m'a remis un plan, je l'ai découvert.' Ce n'est pas vrai, ça ne marche plus comme ça", avait donné comme explication Emmanuel Macron à cette époque, dans un discours à l'Élysée, évoquant une "stratégie aussi âgée que lui".

 

Six mois plut tôt, le chef de l'État avait appelé l'ancien ministre alors qu'il faisait face à la colère des élus de banlieues et des associations qui se plaignaient des coupes budgétaires de 2017, ainsi que du gel des emplois aidés. Jean-Louis Borloo avait pourtant de nombreuses propositions, qu'il a partagées de nouveau dans une interview pour la revue française, dont le dernier numéro "Ces banlieues qui réinventent la France" est sorti ce mercredi 1er septembre.

 

La clé ? "Soutenir les associations et emplois aidés"

 

 

L'ex-député centriste avait notamment imaginé une "cour d'équité territoriale" visant à corriger des inégalités de dotations budgétaires. Il avait également appelé à soutenir les associations et les emplois aidés, ainsi qu'à créer des "campus numériques" destinés aux jeunes des quartiers populaires. La jeunesse des quartiers "représente une forme d'avant-garde ! Mais on en fait l'inverse", déclare Jean-Louis Borloo. "Vous connaissez un pays qui peut se permettre d'avoir 150.000 jeunes en bas des immeubles, qui attendent ? C'est absurde ! Ces quartiers sont une chance ou un drame pour notre pays, il faut juste savoir ce qu'on veut."

 

Selon, l'une des solutions seraient de "défiscaliser toutes les créations d'entreprises, d'instaurer une baisse de la TVA" et "de créer des places de crèche même si les villes sont pauvres". Il insiste sur la "ségrégation urbaine", jugeant que "le séparatisme des élites est au moins aussi important que celui des banlieues". L'ancien édile de Valenciennes considère que "le problème est le même dans ces quartiers que dans les zones rurales très délaissées, dans les Dom et dans les petites villes moyennes 'en déprise' : les habitants y ont moitié moins d'espérance de réussite que sur le reste du territoire de la République".

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