SYNTHESE. Les différents produits utilisés en façade, lors de la rénovation de la Grenfell Tower en 2015-2016, commencent à être connus. Panneaux composites, polystyrène, polyéthylène ou polyisocyanurate, mise en œuvre... Batiactu fait le point sur les solutions employées lors de l'isolation par l'extérieur de cette tour qui s'est embrasée dans la nuit du 13 au 14 juin 2017, faisant près de 80 victimes.

Pour différents experts, il ne fait aucun doute que l'isolation thermique par l'extérieur (ITE) mise en place sur la tour Grenfell lors de sa rénovation en 2015-2016 a participé à la propagation rapide du sinistre qui l'a ravagée, la nuit du 13 au 14 juin. Mais quels étaient les produits employés en façade ? Batiactu livre les derniers éléments recueillis.

 

 

Initialement, dans les premières heures après la catastrophe, les sources parlent d'un revêtement composite aluminium et d'une isolation thermique. Des termes relativement vagues qui pouvaient recouvrir nombre de réalités. Le lendemain, le Construction Enquirer explique que le bardage, ces panneaux esthétiques rapportés en façade, était constitué d'aluminium et d'un isolant synthétique type polyéthylène. Un architecte, cité par le média britannique, évoquait également la possibilité d'un espace vide entre les panneaux et les parois du bâtiment, nécessaire à ventiler l'ensemble pour lutter contre l'humidité qui abîme les isolants et réduit leurs capacités. Un vide qui créerait, dans le cas d'un incendie, un véritable conduit de cheminée aspirant verticalement les gaz de combustion et propageant les flammes tout au long de la façade du bâtiment.

 

Un isolant poly…

 

Dès le jeudi 15 juin, la marque Celotex (rachetée par Saint-Gobain en 2012) publie un communiqué sur son site Internet, qui précise : "Nos archives montrent qu'un produit Celotex (RS5000) a été commandé pour être utilisé lors de la rénovation du bâtiment. Les données techniques complètes de tous nos produits sont disponibles sur notre site. Si nécessaire, nous répondrons aux demandes des autorités compétentes, au moment opportun. Compte tenu de la nature évolutive de la situation, il serait inapproprié pour nous de commenter ou de spéculer davantage sur cette tragédie". Le produit en question s'avère être un isolant polyisocyanurate (PIR) utilisé pour des bâtiments d'une hauteur supérieure à 18 mètres. D'une épaisseur de 50 à 150 mm selon la performance recherchée, il affiche un lambda de 0,021 W/mK et dispose d'écrans aluminium texturés à très faible émissivité.

 

Le lendemain, vendredi 16 juin, la société complète ses déclarations : "Il est important de préciser que Celotex fabrique uniquement des panneaux d'isolants rigides. Nous ne produisons, ne fournissons, ni n'installons de bardage. L'isolation n'est qu'une des composantes d'un système d'écran pare-pluie, et elle est positionnée derrière le matériau de bardage". Un peu plus loin, l'industriel assure que son produit est classe 0, ce qui correspond à la plus haute résistance au feu, et que le composant a été testé selon les standards britanniques (BS8414-2:2005). Il fait valoir que s'il est employé correctement, il répond aux critères du rapport du British Research Establishment intitulé : "Performance au feu de l'isolation thermique par l'extérieur pour les murs de bâtiments à multiples étages".

 

… et un bardage composite

 

Le bardage employé, quant à lui, serait de type Reynobond PE, selon les éléments révélés par la BBC et le Guardian. Il s'agit d'un sandwich de polyéthylène (PE) pris entre deux plaques d'aluminium auxquelles il vient apporter résistance et rigidité. Un produit d'entrée de gamme, recommandé pour les immeubles de faible hauteur, d'une élévation inférieure à 10 mètres (R+3). Selon les données fournies par le constructeur Arconic, la résistance au feu du produit satisferait à toutes les exigences réglementaires. Mais la gamme comporte des versions dite "FR", pour Fire Retardant, dont les performances incendie seraient améliorées et même "A2" pour les tours de plus de 30 mètres, qui serait totalement ignifugée. La problématique serait donc celle du choix des panneaux, inadaptés pour une tour d'habitation de 60 mètres.

 

L'usage d'aluminium laqué, léger et esthétique, pourrait donc avoir eu une incidence sur le déroulé des événements, puisque ce métal fond dès 660 °C, une température largement dépassée lors d'un sinistre où les 1.000 °C sont atteints. Le comportement au feu du cœur de ces panneaux, en polyéthylène basse densité non traité, pose également question. La présence d'une lame d'air entre les panneaux extérieurs et l'isolant polyisocyanurate fixé en façade aurait, quant à elle, accéléré la propagation des flammes. Lors d'essais de tenue au feu organisés au pôle européen de sécurité CNPP de Vernon, dans l'Eure, Batiactu avait constaté que cet isolant présentait une certaine résistance à l'incendie, de l'ordre de 10 à 20 minutes, supérieure à celle du polystyrène expansé. Un temps que les pompiers considéraient comme suffisant pour leur laisser le temps d'intervenir sur le sinistre. Mais, comme nous l'expliquaient des partisans de la laine de roche, "ce matériau à la fâcheuse tendance de générer des fumées nocives, notamment de l'acide cyanhydrique, beaucoup plus toxique que le monoxyde de carbone". Un problème qui serait donc venu compliquer le travail des pompiers britanniques et qui aurait laissé peu de chances aux résidents de la tour Grenfell.

 

 

Comme souvent dans la longue histoire des catastrophes, celle de cet incendie meurtrier résulterait donc de la coordination de différents facteurs : des panneaux inadaptés à un IGH, un isolant générant des fumées toxiques, une mise en œuvre qui tend à faciliter la progression du feu vers les étages supérieurs… Une situation exceptionnelle que les autorités britanniques cherchent à ne pas reproduire.

 

Mise à jour du 21/07/2017
Un isolant de la marque Kingspan faisait également partie de l'ITE de la tour Grenfell, d'après les médias britanniques. Il s'agissait visiblement de panneaux isolants en mousse résolique à très hautes performances pour façades ventilées Kooltherm K15. Ce produit constituait moins de 5% de la façade. La société a réagi en affirmant que son produit avait été utilisé dans le cadre d'un procédé constructif pour lequel il n'avait pas été conçu. "Kingspan ne l'aurait jamais recommandé", a affirmé la société au Guardian. "Ce matériau n'avait jamais été testé avec des panneaux composite aluminium/polyéthylène", ajoute le journal.

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