Suite à l'incendie ayant ravagé deux immeubles dans la nuit de vendredi à samedi dans le quartier des Halles à Paris, Charles Baloche, responsable du département Sécurité, Structure et Feu au CSTB (Centre scientifique et technique du bâtiment) revient sur les moyens pour prévenir ce type d'accidents. Interview?

Batiactu : Quel sentiment avez-vous suite à l'incendie dans le quartier des Halles qui a fait trois victimes, samedi dernier ?
Charles Baloche :
Le sentiment que la lutte sans relâche pour améliorer la sécurité incendie de nos bâtiments est malheureusement toujours indispensable et des drames comme celui-ci justifient la continuation des efforts de prévention engagés en ce sens. Malgré l'efficacité des pompiers et la solidité des réglementations dans ce domaine, l'évolution permanente des conditions d'exploitation des ouvrages et de nos modes de vie exige une adaptation permanente aux risques liés au feu et ses conséquences.

Batiactu : Quel constat peut-on dresser de la situation ?
C. B. :
Malgré un nombre de départs de feux en constante augmentation, le nombre de victimes reste globalement contenu grâce aux moyens efficaces de l'ensemble des acteurs en charge des secours et tout particulièrement les préventionnistes qui améliorent sans cesse nos règles de construction et les pompiers de la Brigade des Sapeurs Pompiers de Paris dont l'efficacité n'est plus à démontrer dans la mise en oeuvre des moyens de lutte contre le feu. Notre mode de vie et notre manque de vigilance, nos actions au quotidien, notre environnement largement agrémenté par des produits combustibles nécessaires au confort de notre société moderne conduisent à une plus grande variété des situations de danger. Il convient de tenir compte de ces évolutions de contexte dans nos pratiques de conception et de mise en oeuvre des ouvrages de bâtiments et autres lieux de vie.

Batiactu : Quelles mesures faut-il prendre pour prévenir les risques d'incendie dans les anciens bâtiments ?
C. B. :
Sans doute est-il nécessaire de procéder à un diagnostic systématique des bâtiments anciens vis-à-vis de leur capacité à répondre aux exigences de sécurité minimales souhaitables compte tenu du mode d'utilisation qui en est fait. En outre, il est probable qu'un certain nombre d'aménagements ultérieurs à la livraison de l'ouvrage ont été réalisés au cours du temps par les propriétaires sans un examen approfondi des conséquences de ces aménagements sur les performances de l'ouvrage en matière de protection contre le feu.
Enfin, des technologies modernes de détection et d'alerte sont désormais disponibles. Il est envisageable de procéder à l'étude de l'adaptation de ces techniques à l'ouvrage considéré dans le but de compenser une insuffisance de sécurité constatée lors de tels diagnostics.

Batiactu : Quelles solutions peut-on envisager ?
C. B. :
Le problème de la maîtrise du risque dans les ouvrages vieillis est un véritable champ de recherche actuellement pour les spécialistes et scientifiques. Ils se sont regroupés au sein d'un programme de recherche de grande ampleur appelé « Projet National Ingénierie de la Sécurité Incendie » portant sur plusieurs années, et visant à exploiter une nouvelle approche de qualification du risque: l'approche par les scénarios de danger probabilisés. Cette nouvelle approche consiste notamment à recenser l'ensemble des scénarios de naissance et de développement du feu, de détection et d'alerte, de comportement des personnes durant la phase d'évacuation, de comportement des ouvrages puis de lutte contre le feu par les moyens de secours. Ensuite, chaque scénario étant assorti d'une probabilité d'occurrence et d'une gravité des conséquences, le risque global est obtenu par sommation des couples gravité-probabilité. Cette méthode est particulièrement adaptée au cas des ouvrages anciens, modifiés, vieillis ou de conception inhabituelle.
Ce programme de recherche aboutira dans quatre ans sur des propositions de mesure du risque à destination des propriétaires et des Autorités Publiques.



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