ENTRETIEN. Comme il y a le 1% artistique, "il faut inventer le '5% bonheur de vivre'", estime Jean-Michel Wilmotte, qui a répondu aux questions de Batiactu sur l'architecture dans l'après-covid.

Batiactu : Les espaces de travail seront-ils conçus de la même façon après la pandémie que nous vivons ?

 

Jean-Michel Wilmotte : Je ne crois pas que l'on retravaillera de la même façon. Même si les mesures de précautions mises en place aujourd'hui sont réduites avec le temps, il en restera quelque chose. Et c'est aux architectes de faire des propositions, sur le cloisonnement des espaces, la distribution des postes de travail, les circulations dans le bâtiment. Covid ou pas, la promiscuité au travail favorise la transmission de microbes. Nous constatons que les clients s'orientent déjà vers une demande de pouvoir cloisonner les espaces. Il faut prévoir cela dans nos plans : la possibilité de passer d'espaces ouverts à des espaces cloisonnés.

 

Quels changements sont à attendre dans la conception des logements ?

 

J-M. W. : Il faut que l'on améliore les espaces publics, communs, ou partagés. Nous avons réduit la taille des espaces privés, il faut soigner nos espaces partagés. Les concevoir mieux, plus grands, avec plus de moyens. On a inventé le 1% artistique, il faut maintenant un '5% bonheur de vivre', ou '5% générosité pour la communauté'. Ce serait formidable d'avoir un pourcentage des productions immobilières, un pourcentage de surface, dédié à des espaces permettant de faire sas, d'assurer la transition entre l'espace public et la sphère privée. Il faut créer des séquences successives, en faisant intervenir artistes, paysagistes, en travaillant le traitement des sols… et imaginer des antichambres jardins, des entrées qui ne servent pas qu'à poser des boîtes aux lettres.

 


 

Cet espace tampon entre le public et le privé sert, dans certains pays d'Asie, de sas de nettoyage : on y retire ses vêtements extérieurs, ses chaussures. C'est également le cas dans certains bureaux. On souriait, nous européens, en voyant cela. En fait c'est devenu nécessaire aujourd'hui.

 

"On pourrait financer ce '5% bonheur de vivre' en donnant de la constructibilité supplémentaire. Par exemple, donner 50% de constructibilité supplémentaire sur le dernier étage, en échange d'une surface consacrée aux communs".

 

Les promoteurs ne se sont-ils pas déjà lancés dans le développement d'espaces partagées au sein des résidences ?

 

J-M. W. : Le fait qu'il y ait au troisième étage un espace pour jouer au bridge c'est bien, mais ce n'est pas l'enjeu principal. Il faut travailler la transition entre la rue, la copropriété et la vie privée. Il faut des tampons entre ces espaces. Il faut que les promoteurs trouvent une case budgétaire pour ces espaces. On peut imaginer un modèle comme au Brésil, où quand un promoteur fait une opération, il participe à l'aménagement de l'espace public alentour. On pourrait financer ce '5% bonheur de vivre' en donnant, par exemple, 50% de constructibilité supplémentaire sur le dernier étage d'un immeuble, en échange d'une surface consacrée aux communs. D'une manière générale, monter en étages est vertueux, si cela permet d'améliorer la qualité du niveau du sol. Aujourd'hui on voit encore trop souvent des petits halls d'entrée et des logements en rez-de-chaussée. Ce droit à constructibilité supplémentaire vaut pour le neuf mais il peut aussi être mis en œuvre dans la rénovation.

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