RETOUR D'EXPERIENCE (2/3). Accompagnement de l'auto-rénovation, développement du tiers-payant, communication auprès des agences immobilières… Les expérimentations du Plan Bâtiment Durable et de l'Ademe visant à massifier la rénovation énergétique ont également porté sur ces divers aspects qui touchent aux professionnels du logement. Zoom.

Après avoir exploré la piste des VEFA Réno, le Plan Bâtiment Durable et l'Ademe soutiennent d'autres types d'initiatives locales dans le cadre des ExpéRénos. Notamment des expérimentations qui s'adressent spécifiquement aux professionnels que sont les artisans d'un côté, et les agents immobiliers de l'autre.

 

 

Développer le tiers-financement ou l'accompagnement artisan

 

L'expérimentation "Ara", menée par la Fédac (Fédération des accompagnateurs à l'autoproduction et l'entraide dans le bâtiment), vise à actionner un levier jusqu'ici sous-exploité : celui de l'auto-rénovation. Mais pas sans encadrement, comme le précise Lucie Labarthe : "L'accompagnement est le sujet. Une réponse à l'enjeu de rénovation énergétique est l'émergence de cette pratique". Une idée d'entraide qui tend à faire partager l'expertise des artisans et qui nécessite un cadre assurantiel précis. Tassadit Bonnardot, ingénieure thermicienne, animatrice de projets, rajoute : "Il a fallu produire un référentiel qualité pour les professionnels, et leur donner des outils pour débloquer des chantiers". L'expérimentation, qui a concerné plus de 120 artisans, doit sécuriser ces professionnels et identifier les freins à l'auto-rénovation accompagnée. En explorant la dimension juridique de ces interventions avec l'aide de maître Sarah Roméo, la Fédac a mis au point un modèle de contrat d'accompagnement ainsi qu'un contrat d'assurance. L'avocate fait d'ailleurs remarquer que le frein à la plupart des initiatives est tout d'abord le manque de soutien de la part des compagnies, très frileuses.

 

Autre expérimentation, menée cette fois par l'association Camel (Collectif pour l'amélioration énergétique du logement) et l'Agence locale de l'énergie et du climat de Nancy, celle du tiers-payant artisan. Un concept simple qui doit permettre à des ménages de passer plus facilement à l'action en lançant des travaux de rénovation. Thomas Formentin et Guillaume Thiriet, deux acteurs de cette initiative, détaillent : "Tout repose sur la mise en place d'une caisse d'avance pour préfinancer ces travaux et payer directement les artisans pour se rembourser ensuite sur les subventions versées après la fin des travaux". Le Plan Bâtiment Durable précise que différents formats ont été testés, y compris sur la manière de collecter les fonds peut-être en crowdfunding. Un travail a encore une fois été réalisé sur les questions juridiques et économiques des modèles. L'association Camel s'est adressée en priorité à des foyers en situation de précarité énergétique tandis que l'Alec Nancy a proposé le préfinancement comme produit d'appel pour des artisans, afin qu'ils puissent convaincre des foyers à s'engager dans des réhabilitations embarquant la performance thermique. Les deux spécialistes reprennent : "Nous avons estimé qu'un fonds de roulement de 300.000 euros était nécessaire. Pour l'heure, 10 dossiers d'amélioration énergétique ont été préfinancés et une centaine d'artisans rencontrés". L'établissement d'un partenariat avec une collectivité est envisagé avec des premiers retours d'expérience dans le Pays de Saint-Dié (Vosges).

 

Agents immobiliers, mobilisez-vous !

 

 

Du côté de la Maison de l'habitat durable de Lille, la démarche "Mon pro immo, un pro sur la réno" est différente. Les acteurs locaux de la rénovation énergétique s'interrogent sur la façon d'inciter les bailleurs privés à réhabiliter les logements qu'ils mettent en location. Hervé Frys, chargé de mission à la métropole, révèle : "A Lille tout se loue, nous sommes en zone tendue. Ce qui fait qu'un habitant sur quatre est en situation de précarité énergétique, en particuliers les locataires du privé". L'ExpéRéno menée dans le Nord cherche donc à monter des partenariats entre conseillers énergie et agences immobilières. Le spécialiste poursuit : "D'où l'idée de médiations énergétiques pour réaliser des audits et inciter les propriétaires-bailleurs à entreprendre des travaux". Des approches ont été faites auprès de réseaux d'agences et de gestionnaires de biens, par le biais de la Fnaim et de l'Unis. Les animateurs du projet ont développé des outils de communication spécifiques (flyers) distribués par les agents immobiliers. Pour l'heure, 120 propriétaires auraient été sensibilisés. L'espoir des porteurs serait de transformer les intentions en offre attractive avec un argumentaire ciblé.

 

Autre test, mené cette fois par l'Agence locale de l'énergie et du climat de Grenoble, la "Mission Réno" qui s'adresse également au monde de l'immobilier. L'expérimentation consiste à outiller ces professionnels afin d'en faire des relais des services proposés par la plateforme de rénovation énergétique. Des kits de communication ont, ici aussi, été spécifiquement conçus tandis qu'une approche partenariale a été initiée pour fédérer les acteurs. Julien Desbief note : "Mur mur 2 est une campagne territoriale d'isolation des logements, copropriétés et maisons individuelles, qui s'appuie sur des acteurs relais comme les agents immobiliers. Huit d'entre eux ont été rencontrés, débouchant sur la création d'un kit avec plaquettes et formulaire de contact pour parler de Mur mur à leurs clients et qu'ils les mettent en relation avec l'Alec". Cette dernière a mis en place un service de hotline, une newsletter, des formations et propose même des études thermiques. Cependant, l'initiative n'en est qu'à ses balbutiements puisque seule une évaluation de projet est encourageante… La massification n'est pas encore là, mais les acteurs des ExpéRénos ne se démotivent pas.

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