INFLATION. Lors d'une conférence de presse consacrée à l'approvisionnement énergétique de la France en vue de cet hiver, la Première ministre a appelé particuliers, entreprises et collectivités à prendre leurs responsabilités. Le bouclier tarifaire est maintenu mais allégé, et les entreprises ne disposeront que d'une protection relative face à la flambée des prix.

La France devrait passer l'hiver sans trop de difficultés... à condition que les Français fassent un effort. Lors d'une conférence de presse consacrée à l'approvisionnement énergétique de la France en vue de cet hiver, organisée dans la foulée de la publication par les gestionnaires de réseaux d'énergie de leurs prévisions pour la mauvaise saison, la Première ministre s'est voulue rassurante. Tout en appelant chacun à prendre ses responsabilités.

 

 

Ce matin, RTE a annoncé que "le risque de tension" sur le réseau électrique est "accru" pour la période hivernale, mais qu'il reste "maîtrisable grâce à une forte mobilisation" sur les économies d'énergie. "Le risque de coupure ne peut pas être totalement exclu, mais il pourrait être évité en baissant la consommation nationale de 1 à 5% dans la majorité des cas, et jusqu'à 15% dans les situations météorologiques les plus extrêmes", a indiqué le gestionnaire du réseau électrique.

 

Côté gaz, la réorganisation des approvisionnements et le quasi-remplissage intégral des réserves n'empêchent pas GRT Gaz de faire montre de prudence. Selon l'un des deux gestionnaires du réseau gazier (avec Téréga), "si l'hiver est froid ou très froid, on pourrait se retrouver en situation de tension plutôt en fin d'hiver, et donc il faut vraiment un effort de sobriété indispensable dès maintenant pour préserver les stockages tout au long de l'hiver", a expliqué dans la matinée son directeur général Thierry Trouvé. Lequel n'a pas exclu des "difficultés" qui, au pire, déboucheraient sur des délestages - des arrêts d'approvisionnement ponctuels de quelques jours.

 

Pratiquer la sobriété pour ne pas subir de coupures

 

Dans la foulée, Élisabeth Borne a donc déclaré que "la réussite du plan de sobriété énergétique annoncé en juillet" était un "enjeu". "Notre objectif est de baisser de 10% notre consommation d'énergie par rapport à l'année dernière et d'éviter au maximum les pics de consommation. La sobriété, ce n'est pas produire moins ; il s'agit de réduire un peu le chauffage et d'éviter toutes les consommations inutiles", a-t-elle précisé.

 

"Ce sont donc des millions de décisions individuelles, chaque jour, de chacun d'entre nous, qui sont indispensables pour que l'hiver prochain se passe bien. État, collectivités, entreprises, particuliers... Tout le monde a son rôle à jouer selon ses moyens et ses capacités", a-t-elle ajouté. Sur la base des prévisions de RTE, de GRT Gaz et de Téréga, l'exécutif veut tout de même limiter la casse. "Dans les scénarios les plus probables, si chacun prend ses responsabilités et fait preuve de la sobriété nécessaire, il n'y aura pas de coupures", a souligné la locataire de Matignon. Et de marteler la stratégie des pouvoirs publics : "Une sobriété choisie plutôt que des coupures subies".

 

Par conséquent, le Gouvernement a décidé de prolonger le bouclier tarifaire pour l'année prochaine, lequel comprendra une hausse des tarifs du gaz (en janvier prochain) et de l'électricité (en février) limitée à 15% pour "tous les ménages, les copropriétés, les logements sociaux, les petites entreprises et les plus petites communes". En outre, 12 millions de foyers modestes recevront de nouveaux chèques-énergie "exceptionnels" d'une valeur de 100 à 200 euros "d'ici la fin de l'année".

 

Bouclier tarifaire amoindri

 

Les Français vont donc finir par connaître la douloureuse sur leurs factures d'énergie dans les semaines qui viennent. "Ces augmentations vont conduire à une hausse moyenne des factures de l'ordre de 25 euros par mois pour les ménages qui se chauffent au gaz, au lieu d'environ 200 euros par mois sans bouclier tarifaire ; et à une augmentation moyenne de l'ordre de 20 euros par mois pour les ménages qui se chauffent à l'électricité, au lieu de 180 euros par mois, sans bouclier tarifaire", a fait valoir Élisabeth Borne. La cheffe du Gouvernement a aussi reconnu que ces mesures auront, à l'image des précédentes prises depuis plusieurs mois, un coût non négligeable pour les finances publiques : 17 milliards d'euros pour l'exercice 2023.

 

La ministre de la Transition énergétique a également pris la parole pour faire un point d'étape sur l'élaboration du plan de sobriété énergétique, menée notamment par la dizaine de groupes de travail lancés sur le sujet depuis le début de l'été. "Pour les entreprises et collectivités, les maîtres-mots sont concertation, bonnes pratiques et responsabilité", a affirmé Agnès Pannier-Runacher. Chaque secteur, chaque entreprise doit donc définir ses mesures de sobriété en fonction de sa propre situation, sachant qu'aucune baisse de la production n'est prévue, et qu'aucune disposition coercitive n'est envisagée, du moins pour l'instant.

 

Réduire le chauffage et l'éclairage sont deux exemples concrets des mesures attendues. Ceci "pour éviter de prendre des mesures plus contraignantes", prévient la ministre. Le Gouvernement fera le point avec l'ensemble des groupes de travail début octobre, avant de présenter le plan de sobriété de l'État et des collectivités. "Nous ne demanderons jamais d'efforts aux Français en situation de précarité énergétique et de sobriété contrainte, mais nous appellerons à la mobilisation de tous ceux qui le peuvent", a insisté Agnès Pannier-Runacher.

 

 

Sur le plan énergétique à proprement parler, le Gouvernement continue à mettre la pression sur EDF pour qu'il tienne son programme de maintenance des réacteurs nucléaires, et il mise aussi beaucoup sur son projet de loi d'accélération du développement des énergies renouvelables, qui devrait être présenté en Conseil des ministres d'ici la fin du mois.

 

Bientôt un tournant pour la rénovation énergétique ?

 

Interpellés sur les passoires thermiques, les membres de l'exécutif ont rétorqué que les mesures actuelles manquaient plus d'organisation que de moyens financiers. "Un certain nombre de dispositifs ont été pris pour soutenir les rénovations les plus difficiles à mener, celles en copropriétés et les rénovations globales. Nous allons continuer - la Première ministre est interrogative sur la pertinence du dispositif", a répondu dans un premier temps Agnès Pannier-Runacher. L'exécutif juge apparemment que l'accompagnement des ménages peut faire défaut en la matière, et qu'une amélioration s'impose, même si elle demande "du temps".

 

"Les passoires thermiques sont un enjeu important, mais ce n'est pas une question de financement - les financements existent. On sait qu'on a du mal à fournir le bon accompagnement pour aider à monter les dossiers, à enclencher les travaux", a abondé Élisabeth Borne, qui a assuré "travailler main dans la main avec les collectivités territoriales". Les acteurs du bâtiment attendent justement que la puissance publique accélère dans sa politique de transition énergétique.

 

En attendant, les entreprises sont évidemment au premier rang des acteurs économiques impactés par cette inflation disproportionnée des énergies. C'est pourquoi la Première ministre a souhaité adresser une "recommandation" aux entreprises et collectivités locales : "Soyez prudentes quand vous engagez de nouveaux contrats d'achat d'énergie, surtout s'ils portent sur plusieurs années", dans la mesure où les prix actuels sont, d'après elle, "déraisonnables" et "anormalement élevés".

 

Pas de retour du "quoi qu'il en coûte"

 

"Le renouvellement des contrats arrivés à terme montre que la marge de négociation des PME auprès des énergéticiens est quasiment nulle, ces derniers refusant même fréquemment de prendre des engagements sur les prix ou les volumes de livraison. La mise en place d'aides ponctuelles ne résoudra malheureusement pas le problème. La 'chasse au gaspi' engagée dans les entreprises, non plus", avertit malgré cela la Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME, à laquelle appartient la Fédération française du bâtiment).

 

Et de poursuivre : "Pour éviter une vague de faillites, il est désormais essentiel d'agir pour limiter les hausses de prix et garantir les volumes de livraison. Les discussions sur la fixation des prix de l'énergie se déroulant à l'échelon européen, la CPME réclame donc la mise en place d'un 'bouclier tarifaire' européen pour les PME, tant pour le gaz que pour l'électricité. La mise en place d'un tarif réglementé accessible à toutes les entreprises est une absolue nécessité."

 

"Il n'est pas question de remettre un 'quoi qu'il en coûte' en place, car cela ne ferait qu'alimenter l'inflation. Il faut bien que des prix passent, car si l'État compense toutes ces augmentations de prix, l'inflation ne finira jamais", a répliqué le ministre de l'Économie, Bruno Le Maire, pendant la conférence. Bercy vise donc "des mesures ciblées pour éteindre l'incendie inflationniste". Autrement dit, les entreprises ne bénéficieront que d'une protection relative pour affronter les prochains mois, qui vont vraisemblablement s'avérer délicats.

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