OBSERVATOIRE. L'Agence qualité construction vient de publier sa liste des malfaçons les plus fréquentes et coûteuses dans le secteur de la construction. Explications avec Philippe Estingoy, directeur général de l'organisme, contacté par Batiactu.

L'Agence qualité construction (AQC) vient de publier l'édition 2020 de son rapport "Observatoire de la qualité de la construction". Un document qui liste les malfaçons les plus coûteuses et les plus fréquentes dans le secteur du Bâtiment. L'AQC regroupe les informations sur les pathologies collectées par ses quatre dispositifs d'observation, dont le Sycodès, un outil statistique qui regroupe l'ensemble des désordres ayant fait l'objet d'une déclaration de sinistre à caractère décennal et dont le coût de réparation se situe entre 762 euros et 250.000 euros (cela ne concerne donc pas l'ensemble des sinistres, mais l'AQC considère que c'est tout de même, dans une certaine mesure, représentatif de la réalité du terrain). Élément de contexte important : la sinistralité dommage/ouvrage s'est située, en 2018, à 782 millions d'euros, la hausse moyenne de ce chiffre depuis 2009 étant de +6,2%.


Carrelage : une amélioration attendue dans les années à venir

 

En maison individuelle, les dommages sur les revêtements de sols intérieurs, principalement le carrelage, sont toujours en expansion ces dernières années et représentent le premier poste (13% sur 2017-2019 en matière de nombre de désordres, 18% en matière de coût). "La situation devrait évoluer favorablement dans les années à venir", prévoit toutefois Philippe Estingoy, directeur général de l'AQC, contacté par Batiactu. "Nous avons refait le DTU 52.1 'Revêtements durs', en faisant modifier quelques règles de pose. Des études spécifiques ont été menées sur les causes de ces désordres. Nous devrions en voir les résultats sur la période 2023-2025." "Le retrait différentiel des chapes ou du mortier de scellement en pose désolidarisée, qui génère de la fissuration au niveau du carrelage", complète Christian Garcia, directeur technique GIE de Socobat, cité dans le rapport de l'AQC.

 

Une part visiblement importante de ces dommages est par ailleurs liée au développement des douches à l'italienne, souvent privilégiées dans un souci d'accessibilité aux personnes handicapées. "Ce type d'ouvrage nécessite des compétences de carreleur mais aussi d'étancheur", expose Christian Garcia. "Or, nous constatons beaucoup de malfaçons, en particulier au niveau de l'étanchéité." Le directeur général de l'agence réaffirme auprès de Batiactu, quoi qu'il en soit, son opposition au fait de généraliser ce type d'installations. "Il nous faut absolument trouver les meilleures solutions pour permettre l'accessibilité des logements, mais installer partout des douches de ce type risque d'être extrêmement coûteux."

 

 

Fondations superficielles, des progrès à confirmer

 

Pour progresser sur le sujet du carrelage, l'AQC dispose d'un retour d'expérience positif sur les désordres aux fondations superficielles, liés notamment à la présence de certains argiles dans les sols. Ce type de sinistres en maison est en baisse sur la période 2017-2020 (ne représentant 'plus que' 14% du coût général, contre 19% sur 2009-2019). "Nous nous battons depuis une dizaine d'années sur ce sujet", explique Philippe Estingoy. "Nous allons faire encore plus de progrès grâce à la loi Elan", qui a instauré des contrôles systématiques dans certaines régions ciblées depuis janvier 2020. Le DTU concerné, 13.1, a également été revu en septembre 2019.

 

Enfin, les problèmes liés aux ossatures poutres-poteaux sont également en hausse en 2017-2020, représentant 7% du coût total des sinistres. Le directeur général de l'AQC en appelle à la prudence sur les causes. "Nous avons une étude en cours pour comprendre cette augmentation", nous explique-t-il. "Nous espérons qu'elle débouchera sur l'identification des problèmes, de manière à éventuellement apporter une évolution au DTU concerné."


En logement collectif, un problème de "casse de verre" à élucider

 

En logements collectifs, la situation est relativement comparable à celle de la maison, à ceci près que les études de sol étant obligatoires, les désordres aux fondations superficielles sont quasi-inexistants. Les revêtements de sol intérieur occupent la première place en collectif neuf (16% du coût en 2017-2020) et les soucis liés aux poteaux-poutres sont aussi une réalité (8% du coût). Christian Garcia explique ce dernier chiffre par "des problèmes de conception ou de mise en œuvre", des "erreurs de calcul", le tout lié à des délais de conception et de réalisation de plus en plus serrés.

 

Particularité du collectif : la présence dans le top 10 en coût des fenêtres et porte-fenêtres (8% du nombre des sinistres et 5% en coût sur 2017-2020). "Il s'agit notamment de problèmes de casse de verre", détaille Philippe Estingoy. Un travail est à effectuer sur la partie indutrielle, éventuellement en essayant d'associer ces sinistres à la composition chimique de certains verres.

 

Offres d'isolation à un euro : gare aux risques d'incendie

 

Au-delà de ce top 10 des malfaçons les plus criantes, l'AQC a inclus dans son rapport un extrait de son étude sur la sécurité des balcons, qui lui avait été commandée par les pouvoirs publics il y a plusieurs années. Un autre article intégré est consacré aux non-qualités observées sur des chantiers d'isolation thermique par l'extérieur. Enfin, l'AQC lance une alerte sur un "nombre accru de déclarations d'incendie et de feux couvant prenant leur source dans des combles perdus". Ce fait est visiblement dû au développement des offres d'isolation dites "à 1 euro", où les entreprises posent laine de verre ou ouate de cellulose dans des maisons. "Des progrès considérables ont été effectués par la profession ces dernières années, mais malheureusement certains acteurs ne respectent pas les règles et cela peut déboucher sur des incendies", explique Philippe Estingoy, qui regrette que des "non-professionnels" effectuent parfois ce genre d'opérations sensibles.

 

Top 10 sinistres qui coûtent le plus cher en maison individuelle (2017-2020)

 

1 - Revêtement de sol intérieur (18% du coût total)
2 - Fondations superficielles (14%)
3 - Ossature poutres poteaux (7%)
4 - Couverture en petits éléments (5%)
5 - Réseaux d'eau intérieurs au bâtiment (4%)
6 - Mur enterré ou de soubassement (4%)
7 - Couverture en grands éléments (3%)
8 - Fenêtre et porte-fenêtre (hors toiture) (3%)
9 - Façade à base de maçonnerie en blocs de béton (3%)
10 - Réseaux extérieurs au bâtiment (3%)

 

Top 10 des sinistres qui coûtent le plus cher en logements collectifs (2017-2020)

 

1 - Revêtement de sol intérieur (16%)
2 - Ossature poutres poteaux (8%)
3 - Réseaux d'eau intérieurs au bâtiment (6%)
4 - Fenêtre et porte-fenêtre (hors toiture) (5%)
5 - Toiture-terrasse non accessible avec isolant et protection rapportée (5%)
6 - Équipement sanitaire (5%)
7 - Façade à base de maçonnerie e blocs de béton (3%)
8 - Toiture-terrasse non accessible avec isolant et étanchéité autoprotégée (3%)
9 - Couverture en grands éléments (3%)
10 - Réseaux extérieurs au bâtiment (3%)

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