Avant d'être appelé à exprimer la volonté de renaissance d'une ville amputée le 11 septembre 2001, ce fils de survivants juifs de l'Holocauste a laissé une empreinte forte à Berlin.

New York - Berlin. C'est dans ces deux mégapoles chacune - porteuse d'une lourde charge symbolique - qu'à choisi de vivre, avec sa femme et ses trois enfants, l'architecte d'origine polonaise Daniel Libeskind.

New York - Berlin. C'est dans ces deux mégapoles que Daniel Libeskind laissera deux des plus grandes réalisations architecturales de ces derniers temps qui symboliseront pour l'une la fin d'un siècle de traumatisme, pour l'autre l'espoir d'une ère nouvelle.

A Berlin, l'architecte qui aime à rappeler, en allusion aux traumatismes du XXème siècle, que "nous sommes tous des survivants, nous avons transformé la mort", y a conçu son oeuvre-phare, le musée juif. En forme d'étoile de David déchiquetée, l'extérieur de ce bâtiment surprend par l'agressivité des pans de mur recouverts de zincs et dont les ouvertures semblent avoir été comme découpées au cutter.
Lorsque l'on pénètre à l'intérieur de ce bâtiment de guingois, tout force le visiteur à ressentir l'oppression, le désespoir et la mort qu'ont pu, à un degré incomparable, vivre les victimes de la Shoah. D'un point de vue architectural, cela se traduit par un escalier traversé de poutres de béton enchevêtrées, des couloirs allant en se rétrécissant, des plans inclinants et des contrastes violents.

A New York, Libeskind devra exprimer une tragédie que le monde entier a vécu en direct, mais également l'espoir. "Ce projet est destiné à parler au coeur et à l'âme de cette grande ville et de ce grand pays et du monde" a déclaré Daniel Libeskind. La mémoire sera gardée en sous-sol car l'architecte à choisi de préserver partie de la fosse - le fameux "Ground Zero" - et notamment le mur de soutènement (baptisé "la baignoire") qui l'isole du lit du fleuve Hudson tout proche. La fosse, baptisée "Memorial Garden", sera notamment entourée d'un musée consacré au drame du 11 septembre.
Autre dimension symbolique, voire spirituelle : tous les ans le 11 septembre au matin, le soleil éclairera deux vastes espaces publics sans aucune ombre entre 8h.46, heure où le premier avion a percuté la première tour, et 10h.28, heure à laquelle s'est effondrée la deuxième.
L'espoir sera symbolisé par l'édification de plusieurs immeubles de verre et d'acier à pans coupés et une flèche s'élevant à plus de 541 mètres de haut (soit 1.776 pieds, en hommage à l'année de l'indépendance américaine, 1776), qui devrait être la plus haute habitée du monde.

Avec ces deux projets qui marqueront l'histoire de l'humanité, Libeskind s'impose définitivement comme l'architecte du symbole, voire de l'irrationnel. "Le mystère de l'architecture occupe une place importante dans le travail de Daniel Libeskind. Il voit l'architecture comme un domaine spirituel, un espace de présence invisible. Son oeuvre nous montre une sensibilité en harmonie avec la profondeur de l'âme humaine", dit de lui l'expert Marc Schoonderbeek.

Rien d'étonnant lorsque l'on se penche sur la vie de ce fils de survivant juifs de l'Holocauste. Né en Pologne, en 1946, Libeskind étudie la musique, la peinture et les mathématiques en Israël avant de partir pour New York, où il se fera naturalisé américain en 1965. C'est sur le sol américain qu'il se tournera définitivement vers l'architecture, d'abord comme théoricien, puis comme bâtisseur. Il réalisera notamment l'agrandissement du musée Victoria et Albert à Londres, l'Imperial War Museum et le centre de la Shoah à Manchester ou encore le musée juif de San Francisco.

Autant de projets qui bouleversent les conventions, en puisant dans l'irrationnel et le symbole, l'asymétrie et parfois même l'absurde.

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