CONTESTATION. Alors que la mobilisation des personnels et étudiants des Ecoles nationales supérieures d'architecture (Ensa) s'intensifie, le ministère de la Culture, qui reconnait un besoin structurel de moyens supplémentaires, assure que "le plan d'action est en cours" pour "remettre à niveau les Ecoles".

Cela fait près de deux mois que la contestation fait rage dans les Ensa. Partie de l'établissement de Rouen, où un grave manque de personnels a empêché d'assurer la rentrée et déclenché un mouvement à la fois des administratifs, des enseignants et des étudiants, elle s'est rapidement propagée et touche maintenant l'ensemble des Ecoles, sur des revendications structurelles, à la fois sur des questions de moyens (budget par étudiant, salaires des personnels, état des locaux) que sur les manières d'enseigner le métier d'architecte et l'avenir même de l'architecture.

 

 

Le ministère de la Culture, qui n'avait pas réagi jusqu'ici publiquement, s'est livré, le 27 mars, à un exercice d'explication sur la réponse apportée à cette mobilisation. Avec un message-clé : la "remise à niveau" des Ecoles est engagée, et les moyens financiers, déjà "fortement" augmentés, doivent continuer de croître.

 

Une mobilisation "pas orthodoxe"

 

Cette mobilisation, rappellent les collaborateurs de la ministre Rima Abdul-Malak, cumule des revendications en lien avec "des problèmes spécifiques locaux" et des demandes plus structurelles, relatives à la place de l'architecture et de l'architecte dans la société. Le collectif Ensa en lutte, qui coordonne les actions dans les 20 Ecoles du pays, ne demande pas moins que des "Etats généraux pour l'enseignement de l'architecture". Une rencontre doit avoir lieu le 30 mars avec le ministère, pour faire suite à plusieurs rencontres au sein de certains établissements. En particulier celui de Rouen (encore le 24 mars), qui a obtenu, rappellent le cabinet de la ministre et l'administration, une aide d'urgence et notamment "un emploi et demi" de personnel administratif.

 

Cette mobilisation prend des formes variées selon les Ecoles, certaines considérées comme "pas orthodoxes" côté rue de Valois. "Les cours ne sont pas assurés mais les enseignants sont là, ils occupent les étudiants à autre chose", explique un conseiller, qui décrit une situation "mouvante et diffuse" dans les Ecoles, avec des "blocages informels". Une chose est sûre : tous les établissements sont désormais touchés, à des degrés divers.

 

"Notre budget a déjà augmenté de 20% en 2023"

 

Aux personnels et futurs architectes qui décrivent une situation d'"indigence" et réclament une augmentation des moyens, le ministère répond que Rima Abdul Malak, qui estimait, en janvier, dans un entretien à Batiactu, que "nous n'avons jamais eu autant besoin d'architectes", a obtenu, depuis son arrivée en 2022, "un effort financier sans précédent" pour les Ensa, avec l'augmentation, dans le budget 2023, de 20% du budget alloué à l'architecture.

 

Cet afflux de moyens doit permettre de "remettre à niveau les Ecoles", explique l'entourage de la ministre, après les "fortes baisses de dotations du début des années 2010". L'effort, "très important", est donc engagé, selon la rue de Valois, qui espère que "chaque année verra une augmentation du budget pour arriver à cette remise à niveau". Le plan d'action est donc "en cours", et il doit se poursuivre ; il n'y aurait donc "pas lieu à un surplus budgétaire suite à cette mobilisation".

 

"Le plan de relance a bénéficié aux Ensa"

 

Parallèlement à cette augmentation du budget, l'entourage de la ministre fait valoir que les Ecoles ont bénéficié du plan de relance, puisque 75 millions d'euros ont été fléchés vers la rénovation d'établissements (Bordeaux, Lyon, Rouen), et la création de nouveaux locaux, comme à Marseille où l'Institut méditerranéen de la ville et des territoires rassemblera, près du Mucem, enseignements d'architecture, d'urbanisme et de paysage.

 

A cet "effort immobilier" succède donc, depuis le 1er janvier, grâce à l'augmentation du budget, un "effort de revalorisation pour les acteurs des écoles". En particulier, les enseignants contractuels ont été revalorisés à cette date, tandis que les enseignants-chercheurs titulaires doivent l'être à partir de septembre, "les statuts de la profession devant être modifiés". Des discussions sont en cours notamment avec les partenaires sociaux sur ce point. Quant au nombre de postes créés d'enseignants créé, il est de 80 sur les 150 prévus par la réforme de 2018, la pandémie ayant interrompu le mouvement. "La dynamique reprend", assure-t-on rue de Valois.

 

 

"L'effort par étudiant est comparable à celui en université"

 

Cette question des moyens financiers des écoles s'inscrit dans un contexte où deux rapports d'inspection ces deux dernières années montraient que la dépense moyenne par étudiant en architecture était largement inférieure à celle des étudiants à l'université. Cette dépense était estimée à 8.500 euros, contre environ 11.000 par étudiant lambda. Un chiffre repris par François Brouat, président du collège des directeurs d'Ensa, lors de son audition, ce mois-ci devant les sénateurs.

 

"Ce montant est sous-évalué" affirment les conseillers. Après avoir "refait les calculs avec les mêmes critères que pour la dépense moyenne par étudiant des établissements d'enseignement supérieurs", ils obtiennent le montant de 11.300 euros. L'effort serait donc "comparable". Non pas que la dépense par étudiant français soit particulièrement élevée, en comparaison avec les autres pays de l'OCDE…

 

Enfin, tant qu'à tordre le cou aux idées reçues, les collaborateurs de la ministre estiment que, concernant le nombre d'architectes exerçant en France, les comparaisons internationales ne sont "pas très fiables". Le chiffre de dix fois plus d'architectes ailleurs en Europe ne "recoupe pas les mêmes réalités du métier", en particulier. Le ministère s'en remet au rapport de l'Inspection générale des affaires culturelles, qui évoque "5% d'augmentation" souhaitable.

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