RÉGLEMENTATION. Lors du Conseil des ministres du 25 mars 2020, pas moins de 25 ordonnances ont été présentées par le Gouvernement dans le cadre de la loi d'état d'urgence sanitaire, adoptée trois jours plus tôt au Parlement. Ces textes modifient temporairement certaines dispositions législatives et réglementaires, notamment pour le BTP et les collectivités territoriales.

C'est un record "historique depuis 1958", selon les propres mots d'Edouard Philippe. Lors du Conseil des ministres qui s'est tenu ce 25 mars 2020, pas moins de 25 ordonnances ont été présentées par le Gouvernement dans le cadre de la loi d'état d'urgence sanitaire, adoptée trois jours plus tôt au Parlement. Avec cette importante batterie de mesures législatives et réglementaires, l'exécutif entend adapter rapidement et efficacement la loi et le droit afin de contrer les conséquences économiques de la pandémie de coronavirus sur le sol français.

 

 

Dans les faits, les pouvoirs conférés au Gouvernement sont exceptionnellement larges, ce qui inquiète notamment les syndicats, d'autant que le projet de loi prévoit de faire appliquer au total 43 ordonnances, dont les mesures seront cependant, d'après le texte, "strictement proportionnées aux risques sanitaires encourus", et ce pour une période de deux mois maximum. Deux institutions sont par ailleurs chargées de veiller à la préservation de l'Etat de droit et d'éviter tout abus de pouvoir de l'exécutif : le Conseil d'Etat et le Sénat. Les ordonnances en question impactent un grand nombre de secteurs d'activité, dont le BTP, ainsi que différents acteurs économiques, comme les collectivités territoriales.

Voici la liste des mesures adoptées ce 25 mars qui concernent le bâtiment et les travaux publics, que ce soit dans les domaines du soutien aux entreprises, des marchés publics, des procédures administratives ou encore du droit du travail.

Trois ordonnances présentées par Bruno Le Maire, le ministre de l'Economie et des Finances, doivent être soulignées :

 

- une ordonnance porte "création d'un fonds de solidarité à destination des entreprises particulièrement touchées par les conséquences économiques, financières et sociales de la propagation de l'épidémie de Covid-19 et des mesures prises pour limiter cette propagation". Comme Batiactu l'a déjà annoncé, des aides seront donc versées à ces entreprises via le fonds de solidarité, dont les modalités de financements sont organisées entre l'Etat et "les collectivités territoriales volontaires, notamment les régions, les collectivités relevant de l'article 74 de la Constitution [certaines collectivités ultramarines, ndlr] et la Nouvelle-Calédonie".

 

- une autre ordonnance porte "diverses mesures d'adaptation des règles de passation, de procédure ou d'exécution des contrats soumis au Code de la commande publique et des contrats publics qui n'en relèvent pas pendant la crise sanitaire née de l'épidémie de Covid-19". Ce texte a pour objet d'adapter un certain nombre de dispositions dans ce domaine : "Les délais des procédures de passation en cours peuvent être prolongés et les modalités de mise en concurrence aménagées", explique ainsi le compte-rendu du Conseil des ministres.

 

"Les contrats dont la durée d'exécution arrive à échéance pendant cette période peuvent être prolongés au-delà de la durée maximale fixée par le Code de la commande publique, et les autorités contractantes sont autorisées à s'approvisionner auprès de tiers nonobstant d'éventuelles clauses d'exclusivité. Des mesures sont également prises pour faire obstacle aux sanctions pouvant être infligées aux titulaires de contrats publics qui ne seraient pas en mesure, en raison de l'état d'urgence sanitaire, de respecter certaines clauses. L'ordonnance prévoit également des règles dérogatoires s'agissant du paiement des avances et des modalités d'indemnisation en cas de résiliation de marchés publics ou d'annulation de bons de commande."

 

- une troisième ordonnance est relative à "l'adaptation des délais et des procédures applicables à l'implantation ou la modification d'une installation de communications électroniques afin d'assurer le fonctionnement des services et des réseaux de communications électroniques". En effet, du fait du confinement sanitaire de la population française, ces réseaux se retrouvent en surchauffe car les usages numériques ont explosé, que ce soit pour le télétravail ou pour le divertissement.

 

Pour garantir le bon fonctionnement de ces services, le texte introduit donc des adaptations pour quatre procédures administratives préalables le temps de l'état d'urgence sanitaire : la "suspension de l'obligation de transmission d'un dossier d'information au maire ou au président d'intercommunalité en vue de l'exploitation ou de la modification d'une installation radioélectrique" ; la "possibilité pour l'exploitant d'une station radioélectrique de prendre une décision d'implantation sans accord préalable de l'Agence nationale des fréquences" ; la "réduction du délai d'instruction des demandes de permissions de voirie relatives aux installations de communications électroniques implantées à titre temporaire et dans le cadre d'interventions urgentes" ; une "dispense d'autorisation d'urbanisme pour les constructions, installations et aménagements nécessaires à la continuité des réseaux et services de communications électroniques ayant un caractère temporaire".

 

De son côté, la ministre du Travail, Muriel Pénicaud, a notamment dévoilé les deux ordonnances suivantes :

 

- une "adaptant temporairement les conditions et modalités d'attribution de l'indemnité complémentaire prévue à l'article L. 1226-1 du Code du travail et modifiant, à titre exceptionnel, les dates limites et les modalités de versement des sommes versées au titre de l'intéressement et de la participation". Dans la pratique, l'Elysée précise que "les conditions d'attribution de l'allocation complémentaire à l'indemnité journalière perçue en cas d'arrêt maladie ou d'accident du travail en cas de risque sanitaire grave et exceptionnel, notamment d'épidémie, sont aménagées, et le champ des salariés éligibles est élargi". Le texte concerne en outre l'épargne salariale, dont "la date limite de versement des sommes attribuées au titre d'un régime d'intéressement ou de participation est reportée au 31 décembre 2020".

 

- une autre ordonnance "portant mesures d'urgence en matière de congés payés, de durée du travail et de jours de repos". Très attendu au tournant et déjà dénoncé par certains syndicats, ce texte détaille "les conditions et limites dans lesquelles un accord d'entreprise ou de branche autorisera l'employeur à imposer ou à modifier les dates de prise d'une partie des congés payés, ainsi que les modalités permettant à l'employeur d'imposer ou de modifier unilatéralement les dates des jours de réduction du temps de travail, des jours de repos prévus par les conventions de forfait et des jours de repos affectés sur le compte épargne-temps du salarié". Le Gouvernement ajoute que cette ordonnance prévoit aussi "des dérogations en matière de durée du travail et des dérogations en matière de repos hebdomadaire et dominical pour permettre aux entreprises de secteurs particulièrement nécessaires à la sécurité de la Nation ou à la continuité de la vie économique et sociale de déroger aux règles actuellement en vigueur".

 

 

Le ministère de la Transition écologique et solidaire, en lien avec Bercy, a quant à lui présenté une ordonnance "relative au paiement des loyers, des factures d'eau, de gaz et d'électricité afférents aux locaux professionnels et commerciaux des entreprises dont l'activité est affectée par la propagation de l'épidémie de Covid-19". Dans l'optique d'anticiper et de limiter autant que possible la cessation d'activité des très petites entreprises, ce texte interdit deux choses : d'une part, "la suspension, l'interruption et la réduction de la fourniture d'électricité, de gaz et d'eau pour ces entreprises, et prévoit si elles le demandent l'échelonnement dans le temps du paiement des factures correspondantes, sans pénalité" ; d'autre part, "l'application de pénalités financières, de dommages et intérêts, d'exécution de clauses résolutoires ou de clauses pénales ou d'activation des garanties ou cautions, en raison du défaut de paiement de loyers ou de charges locatives afférents aux locaux professionnels et commerciaux de ces entreprises". Les petites structures et indépendants sont ici concernés, puisque "le périmètre des entreprises concernées est le même que celui du fonds de solidarité", souligne l'exécutif.

 

Enfin, la dernière ordonnance notable adoptée ce 25 mars en Conseil des ministres a été préparée par Bercy et par le ministère de la Cohésion des territoires et des Relations avec les collectivités territoriales, et concerne justement les "mesures de continuité budgétaire, financière et fiscale des collectivités territoriales et des établissements publics locaux afin de faire face aux conséquences de l'épidémie de Covid-19". Avec ce texte, le Gouvernement entend apporter "les souplesses nécessaires, en particulier en ce qui concerne les délais de vote annuel du budget, de fixation des taux de fiscalité locale ou des montants des redevances, jusqu'au rétablissement de conditions sanitaires permettant la réunion de leurs organes délibérants". A noter : concernant les "collectivités n'ayant pas adopté leur budget primitif, le projet d'ordonnance étend les pouvoirs habituels des exécutifs locaux pour engager, liquider et mandater des dépenses".

 


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