PAROLES D'ARCHITECTES. Les cofondateurs de l'agence d'architecture Atelier Novembre cherchent à inscrire chacun de leurs projets dans leurs territoires, et à leur redonner une impulsion créatrice. Marc Iseppi et Jacques Pajot nous livrent leurs réflexions dans un long entretien.


Ils ont à cœur de rendre hommage à l'histoire des bâtiments en proposant une architecture discrète et contemporaine. Marc Iseppi et Jacques Pajot sont les auteurs de nombreuses réhabilitations d'importance en France. Fondateurs de l'agence parisienne Atelier Novembre, qui compte actuellement 24 salariés, les deux hommes se sont rencontrés lors de leurs études à l'École nationale supérieure des arts décoratifs, à Paris, en 1979. L'un a obtenu son diplôme à l'Ecole d'architecture de Nanterre et l'autre à l'Ecole d'architecture de Nantes. En 1989, ils créent leur agence. L'année suivante ils remportent leur premier concours, celui de l'immeuble de l'état civil à Nantes pour le compte du ministère des Affaires Étrangères. Le parcours de l'agence est marqué d'une longue série de projets culturels, avec notamment l'aménagement du musée Grasset, à Varzy (Nièvre), mais aussi la réhabilitation de logements, de groupes scolaires et même du centre historique de Lewarde (Nord). En 2008, les deux architectes imaginent le CentQuatre, lieu culturel parisien incontournable. Pour notre série Paroles d'architectes, ils ont accepté de répondre à nos questions.

Vous considérez que les enjeux véritables de l'architecte reposent essentiellement sur ses prises de position sur la ville (urbanité) et le territoire (histoire). A ce titre, comment imaginez-vous la ville de demain ?

Marc Iseppi : Nous prenons toujours en compte le contexte et l'histoire d'un projet. Même dans la réalisation de bâtiments neufs, nous faisons attention à leur paysage urbain et naturel. Le point de départ de l'agence est toujours de raccrocher un édifice à son territoire et à sa population. L'un des premiers concours que nous avions présenté était un bâtiment à Bastia, situé sur un terrain vallonné. Nous l'avions inscrit dans des proportions assez basses pour que le paysage soit visible. Le projet lauréat était finalement celui d'une tour, soit à l'antithèse de ce que nous voulions faire. Nous cherchons toujours à être doux et discrets dans nos interventions.

 

Atelier Novembre Conservatoire à rayonnement
Atelier Novembre imagine le conservatoire à rayonnement départemental à Orsay. © Takuji Shimmura

 

Jacques Pajot : Concernant la ville de demain, je pense qu'elle proposera, à l'instar des villes du XIXe siècle, une continuité urbaine. Nous ne souhaitons pas d'architectures qui s'ignorent.

Que voulez-vous dire ?

Marc Iseppi : Dans un concours que nous avions présenté, nous avions fait un travail de couture, en créant des relations entre les bâtiments implantés d'un centre urbain. Nous avons créé des places et des traversées. L'idée était de rester dans un continuum de la ville.

 

Jacques Pajot : Nous voulons des projets réversibles et mixtes. Des bureaux peuvent, par exemple, devenir des logements. Sur le projet de restructuration globale et d'extension du lycée professionnel Adolphe Chérioux, à Vitry-sur-Seine (Val-de-Marne), nous avons permis des ouvertures en ne collant pas les bâtiments les uns à côté des autres. Je pense que nous ne pouvons pas apporter de qualité architecturale s'il n'y en a déjà pas dans la commande.

Comment définiriez-vous cette qualité architecturale ?

Marc Iseppi : Nous avons la chance, en France, d'avoir un système de concours publics qui fonctionne même si on pourrait faire mieux. Les délais pour concevoir les projets sont souvent très courts, et ce temps en amont est notamment garant d'une certaine qualité. Nous n'avons parfois que deux mois pour travailler sur une opération complexe qui nécessite la collaboration d'une équipe pluridisciplinaire. Le délai de réflexion n'est pas assez cadré et valorisé. C'est un problème qu'on rencontre souvent. S'impliquer dans un concours et bien vivre le projet prend du temps. L'opération est longue à prendre forme. L'architecte doit s'imprégner de l'histoire du bâtiment, surtout lorsqu'il est historique. Notre agence a ainsi à cœur de transmettre la façon dont le bâtiment a été imaginé. Cela demande une introspection. Il faut ensuite intégrer le nouveau programme.

 

Jacques Pajot : Pour revenir à votre question, il est difficile de définir la qualité architecturale. C'est une donnée subjective bien que je pense qu'il existe quelques éléments importants permettant d'apprécier l'architecture. La commande, le temps passé sur la conception et la réalisation, et aussi le montant des travaux - aujourd'hui souvent inférieur au coût réel de la construction - sont des facteurs. Nous aimerions que les maîtrises d'ouvrage donnent plus de temps aux architectes pour penser la vie du bâtiment.
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