Le Conseil constitutionnel a interdit, jeudi 13 juin, aux branches professionnelles d'imposer à leurs entreprises un assureur en matière de complémentaire santé, l'une des mesures inscrites dans la loi sur la sécurisation de l'emploi. En revanche, il ne remet pas en cause la généralisation de la complémentaire santé à tous les salariés à compter du 1er janvier 2016. Explications et réactions.

Avis de tempête dans le secteur des complémentaires santé et de la prévoyance ? Alors que le Conseil constitutionnel a donné son feu vert, jeudi 13 juin, pour l'essentiel de la loi sur la Sécurisation de l'emploi, les sages de la rue Montpensier ont toutefois invalidé la disposition concernant le choix des complémentaires santé. Ainsi, "la clause de désignation", l'une des clefs de la négociation entre le patronat et les syndicats, adoptée également en avril dernier dans le cadre du projet de loi, a été rejetée par le Conseil constitutionnel.

 

Cette disposition inscrite dans le Code de la Sécurité sociale n'a pas reçu, en effet, l'aval des Sages. Elle donnait la possibilité pour les branches professionnelles d'imposer à l'ensemble des entreprises de la branche un organisme unique en matière de complémentaires santé, c'est-à-dire, ce que l'on appelle dans ce secteur "la clause de désignation".

 

"La liberté d'entreprendre" invoquée
En transposant l'accord, le Gouvernement avait introduit, pour rappel, ces clauses qui favorisent les institutions de prévoyance, spécialistes des contrats santé collectifs, par rapport aux mutuelles et aux compagnies d'assurance. L'Autorité de la Concurrence avait d'ailleurs demandé que ces clauses, en vigueur depuis 1994, soient davantage encadrées. Mais après plusieurs plaintes en justice, elles avaient été jugées conformes au droit de la concurrence européen.

 

Le Conseil constitutionnel les a finalement jugées contraires à la constitution, au nom de "la liberté d'entreprendre" et de "la liberté contractuelle", estimant aussi inconstitutionnel l'article L.912-1 du Code de la Sécurité sociale les autorisant jusqu'à présent. Dans leur décision, les sages précisent dans un communiqué que les contrats déjà conclus (d'une durée maximale de cinq ans) ne sont pas remis en cause.

 

Le Bâtiment en colère
Alors que le ministère du Travail a déjà précisé que cette récente décision du Conseil constitutionnel ne remettrait pas en cause la généralisation des complémentaires, les organisations patronales et professionnelles n'ont pas tardé à réagir, vendredi 14 juin.

 

Patrick Liébus, président de la Capeb, négociateur par ailleurs de l'UPA de l'accord interprofessionnel sur la sécurisation de l'emploi, déplore "la décision des Sages, qui remet en cause l'existence des clauses de désignation." Elles sont, d'après le président de la Confédération des artisans du bâtiment, "un outil essentiel de régulation sociale dans les branches professionnelles grâce aux principes de mutualisation et de solidarité sur lesquels elles reposent. Il est regrettable qu'elles ne soient pas maintenues. Encore une fois, ce sont les entreprises artisanales qui sont les grandes perdantes".

 

Et d'ajouter : "Une telle décision place les TPE du bâtiment dans une situation de vulnérabilité au regard des démarches et des pressions de toutes natures que ne manquera pas d'exercer sur elles le secteur de l'assurance."

 

1,6 million de salariés dans le BTP "livrés à eux-mêmes"
Par conséquent, d'après Patrick Liébus, "les 1,6 million de salariés et 170.000 entreprises employant jusqu'à 20 salariés qui cotisent auprès de BTP Prévoyance (731 M€ de prestations versées) se trouvent ainsi livrés à eux-mêmes."

 

La Capeb déplore aussi que "le manque d'unité patronale sur un sujet majeur pour les garanties sociales des salariés des petites entreprises les expose aujourd'hui à des niveaux de garanties incertains.'' Elle demande donc au "Gouvernement de trouver rapidement les solutions qui préserveront leurs droits."

 

 

De son côté, l'UPA (Union professionnelle artisanale) a qualifié d'"incompréhensible" cette décision qui "remet en cause l'ensemble des garanties collectives en matière de prévoyance dont bénéficient les salariés, et tout particulièrement ceux des plus petites entreprises".

 

Enfin, pour le Medef de Laurence Parisot, "il ne s'agit pas d'une véritable victoire". L'organisation patronale avait accepté de lâcher du lest sur les complémentaires santé, en échange de concessions de la part des syndicats sur la flexibilité. Au sein de l'organisation, de nombreuses voix s'étaient néanmoins élevées contre le coût et les contraintes induits par la mesure.

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