Cécile Duflot n'en finit plus de faire des annonces depuis sa prise de fonction au ministère du Logement. Cette fois, elle a détaillé les modalités d'un imminent décret qui vise à bloquer les prix des loyers à la relocation dans les zones tendues notamment. Explications.

Le problème du logement est intenable, et il est urgent d'y répondre. C'est pour résoudre ces deux équations que la ministre du Logement vient de confirmer la publication prochaine d'un décret qui visera à bloquer les loyers en zones tendues. Interviewée par le quotidien Libération, elle détaille le contenu de ce texte qui devrait être présenté au Conseil d'Etat courant juin, publié cet été et entrer en application à la rentrée. « François Hollande avait promis l'encadrement des loyers et c'est dans cet objectif que s'inscrit ce projet de décret (…) », a-t-elle expliqué.

 

Un processus en trois étapes
Cécile Duflot a évoqué trois étapes de travail afin d'aboutir à un décret en Conseil d'Etat. Tout d'abord, se servir de la loi du 6 juillet 1989, dite loi Mermaz-Malandain, qui régit les rapports locataires-propriétaires et qui indique, à l'article 18 que « dans la zone géographique où le niveau et l'évolution des loyers comparés à ceux constatés sur l'ensemble du territoire relèvent une situation anormale, […] un décret en Conseil d'Etat, pris après avis de la Commission nationale de concertation, peut fixer le montant maximum d'évolution des loyers des logements vacants ». Puis, établir un « panorama complet du logement et des loyers en France ». Enfin, elle compte engager un processus de « concertation » auprès de tous les acteurs du logement, tant privés que publics, pour travailler sur la réforme de la loi de 1989.

 

Concrètement, la mesure que souhaite adopter le gouvernement ne signifie pas que les loyers seront figés : ils continueront d'évoluer selon l'indice de révision en vigueur qui colle à l'inflation. La nouveauté, c'est que les propriétaires n'auront plus désormais la possibilité d'augmenter le loyer comme bon leur semble à l'occasion d'un changement de locataire. Selon le gouvernement, il faut « stopper la spirale » qui fait que de relocation en relocation, les loyers atteignent des sommets en particulier dans les zones où des distorsions existent entre l'offre et la demande. Il s'agit donc là d'une « mesure rapide », en attendant une grande loi sur le logement qui devrait voir le jour à partir de 2013. Celle-ci contiendra le dispositif sur l'encadrement des loyers, apparemment plus difficile à mettre en œuvre que le simple blocage décidé ce jour : avant cela, l'ensemble des communes doit établir un observatoire des loyers ; or, seules la région parisienne et quelques grandes villes de province possèdent un tel outil actuellement.

 

Des réactions mitigées
L'annonce de Cécile Duflot n'a pas tardé à faire réagir les professionnels du secteur. Ainsi, peut-on lire dans les colonnes de Libération, la Fnaim, par la voix de son président encore en exercice, René Pallincourt, s'est insurgé contre cette mesure : « Toute mesure qui contraint le bailleur n'est pas viable. Elle est même susceptible d'en décourager beaucoup. Or, on manque d'investisseur dans l'immobilier ». Jugeant cette annonce « absurde », la Fédération nationale de l'immobilier propose un « bail puissance trois » qui consiste à inciter un propriétaire bailleur à louer son bien immobilier à un tarif inférieur de 50 % aux tarifs du marché. L'ancien ministre délégué au Logement, Benoist Apparu, de renchérir : « Le blocage annoncé à titre provisoire va en fait durer plusieurs années, jusqu'à la mise en place de l'encadrement, qui prendra probablement deux à trois ans ». Ce dispositif ne fera que « perpétuer les injustices : les loyers chers resteront chers, et les loyers pas chers resteront pas chers », estime-t-il auprès de nos confrères de Libération.

 

Des propos que réfutent en bloc le représentant de la Fondation Abbé-Pierre, qui estime « peu crédible » l'argument de la Fnaim. « C'est une menace pas très crédible. Quel propriétaire acceptera de renoncer à un loyer annuel de 12.000 euros pour un deux pièces à Paris, au motif qu'il ne pourrait le louer 100 euros plus cher ? », s'est-il demandé. Et de rappeler que la hausse des loyers à la relocation dans la Capitale s'est élevée à 50% entre 2001 et 2011, comme l'a noté l'Observatoire des loyers de l'agglomération parisienne. De son côté, la Confédération nationale du logement (CNL) s'est félicitée de cette annonce, elle qui avait, le 10 mai dernier, réclamé le blocage des loyers et la revalorisation des aides au logement.

 

Consciente de l'urgence de la réforme, Cécile Duflot a également précisé que seront prochainement abordés des changements de plus grande ampleur comme la rénovation thermique d'un million de logements chaque année ou encore la réévaluation du seuil de la loi SRU.

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