INTERVIEW. Plus du tiers des commercialisations de bureaux de Nexity étaient en construction bois en 2019. Si ce matériau est indispensable pour les projets bas-carbone, il ne suffira pas, explique Véronique Bédague, directrice générale déléguée du promoteur en charge des clients entreprise et collectivité.

Batiactu : Quelle est la stratégie de Nexity en matière de construction d'immeubles de bureaux en bois ?

 

Véronique Bédague : Nexity est l'un des premiers constructeurs à s'être lancé dans les bureaux bois, avant même que ce soit la mode. A ce jour, nous avons produit 120.000m² de bureaux en bois, et dans nos commercialisations de bureaux réalisées en 2019, 36% sont en construction bois. Cette année, nous allons encore en commercialiser 47.000m². Nous nous appuyons sur deux filiales pour les bureaux en bois, et produisons également sous la marque Nexity directement.

Quelles sont ces deux filiales ?

Ywood, la première, est plutôt spécialisée dans les tours : c'est avec elle que nous avons livré, en début d'année, Palazzo Méridia, à Nice, dans l'écovallée [7.800m² en R+9, ndlr]. C'est à ce stade l'immeuble bois le plus haut de France avec 35 mètres. Nul doute que d'autres vont rapidement construire plus haut, vu l'engouement pour ce type de produits. Pour Nexity, ce projet était une première, un essai : construire en hauteur et en bois, avec tous les défis que cela pose.
Nous avons acquis la seconde filiale, Térénéo en 2014, en conservant sa spécificité : proposer des bureaux 100% bois et économes en matériaux. N'est construit que ce qui est nécessaire, pour obtenir un bâtiment plus léger qu'un immeuble traditionnel : par exemple, on y trouvera peu de faux-plafonds. Originaire de la métropole lilloise, Térénéo y compte la plupart de ses réalisations, mais nous avons déposé un permis de construire à Lyon, et d'autres projets sont en cours, notamment à Nantes.

Le bois sera-t-il central pour l'avenir de Nexity ?

Nous avons vocation à rester un gros producteur d'immeubles en bois, d'une part car maintenant, nous savons proposer toute une gamme de produits immobiliers avec ce matériau, et d'autre part car la demande va être croissante. Il est certain que la part de bois dans notre production ne va pas baisser, ce qui ne veut pas dire qu'il ne faut pas inventer d'autres choses. Un champ énorme d'innovations s'ouvre, pour les promoteurs, les architectes, les urbanistes et le BTP. On ne pourra pas se contenter du bois pour faire des projets bas-carbone.

Quelle place pour le bas-carbone dans vos projets ?

Le projet le plus important, c'est la Porte de Montreuil, à Paris [60.000m² mixtes]. Les exigences des donneurs d'ordre étaient très fortes, c'est un concours lancé dans le cadre du C40, réseau mondial de villes engagées pour le climat. Nous l'avons remporté en faisant un gros travail sur les matériaux, qui sont en circuit court et proviennent à 80% d'Ile-de-France : pierres issues de carrières franciliennes, terre crue issue des excavations des chantiers du Grand Paris Express, chanvre de la région… et le bois sera français. C'est notre démonstrateur en matière de bas-carbone, où nous essayons différentes techniques.
Mais ce n'est pas un hasard si nous avons remporté les trois consultations publiques les plus exigeantes en Ile-de-France en matière de bas-carbone, à savoir Réinventer Bruneseau (Paris 13e), un lot du Village olympique (Saint-Denis - Saint-Ouen) et la Porte de Montreuil. Cela montre que nous sommes vraiment engagés, et en capacité d'apporter des solutions. C'est l'avantage des grands concours publics : ils agissent comme des accélérateurs de recherche, et permettent d'inventer de nouvelles façons de faire la ville. Les collectivités montrent le sens de l'histoire en acceptant des prix fonciers plus bas pour encourager le bas-carbone.

Justement, serez-vous en mesure de proposer de telles solutions dans des projets plus classiques, sur des fonciers privés par exemple ?

Ces opérations très vertueuses sont plus chères à produire, certes. La baisse des coûts viendra de la montée en compétence des équipes, de l'industrialisation de la production et des volumes. Mais le sens de l'histoire est clair. Par ailleurs, je pense que les investisseurs vont être de plus en plus contraints par les attentes en termes de performances et de bilan carbone des actifs. Ils sont déjà fortement engagés dans la réhabilitation de leur patrimoine existant. Aujourd'hui j'ai la certitude de vendre les immeubles que nous construisons, même sur les opérations pilotes.
L'association BBCA nous a désignés l'année dernière premier promoteur bas-carbone. Tout le monde n'est pas au niveau dans la course. Ce n'est pas simple, nous avons une courbe d'apprentissage. Mais c'est le moment d'y aller.

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