INSOLITE. Plus de peur que de mal lors de l'effondrement d'un (petit) pont routier dans la province du Saskatchewan (Canada). L'ouvrage était pourtant flambant neuf. L'absence d'études géotechniques serait en cause.

Sa durée de vie aura été encore plus courte que celle du fameux pont de Tacoma, inauguré en juillet 1940 et détruit en novembre suivant par un phénomène oscillatoire non anticipé. Le Dyck Memorial Bridge, petit ouvrage routier lancé au-dessus de la rivière Swan (centre du Canada), n'aura tenu que 6 heures, ce vendredi 20 septembre 2018, entre son entrée en service et son effondrement. Heureusement, aucun blessé n'est à déplorer dans cette malencontreuse affaire.

 

 

La municipalité rurale de Clayton (Saskatchewan) n'en revient pas, alors que le pont précédent avait tenu bon pendant 50 ans et vu passer entre 50 et 60 véhicules par jour. Duane Hicks, le préfet local, explique que tout était normal au matin, mais qu'il a reçu un appel du contremaître de la ville vers 14 heures, lui annonçant que le pont avait une drôle d'allure. Peu de temps après, ce sont les pompiers qui l'avertissent que l'ouvrage s'est affaissé. A la presse canadienne, Duane Hicks explique : "Il semblerait que quelque chose sous le lit de la rivière ait lâché et qu'une rangée de piles a coulé". En tout, cinq piles métalliques se seraient enfoncées de plus d'un mètre, entraînant la ruine du tablier.

 

Dyck Memorial Bridge
Le pont de Clayton sur la rivière Swan, au moment de son ouverture à la circulation. Les entretoises en X sont bien au-dessus du niveau de la rivière. © Duane Hicks

Spoiler alert : ne jamais mégoter sur les coûts des études préalables

Mais comment cela est-il possible, en 2018, dans un pays riche, en l'absence de tout phénomène exceptionnel de type crue ou tempête ? L'édile admet toutefois une erreur : aucune étude géotechnique n'a été menée dans le cours d'eau. Selon lui, il ne serait pas possible de percer sous l'eau et d'y prélever des échantillons de sol… Duane Hicks ajoute que les entreprises concernées lui auraient assuré que la pratique standard consistait à faire des prélèvements sur les deux berges et à considérer que la composition du sol sous le cours d'eau était probablement la même. Interrogé par CBC, Paul Gavreau, expert des ponts de l'université de Toronto réagit : "Je pense qu'il est anormal de ne pas avoir procédé à une étude géotechnique appropriée pour les piles dans l'eau. Et il est incorrect de dire que cela ne peut pas être fait dans une rivière. Nous le faisons tout le temps. Peut-être que pour des petits ouvrages est-il possible de réaliser un programme moins étendu, mais généralement vous aurez au moins un forage d'essai à l'emplacement de chaque pile, y compris dans l'eau". L'association des ingénieurs et géo-scientifiques du Saskatchewan aurait déjà démarré une enquête afin de mieux comprendre les causes de ce fiasco.

 

 

La société de construction devrait prendre en charge le coût de construction d'un nouveau pont, alors que le premier marché était d'environ 213.000 euros, somme importante pour la petite communauté de moins de 800 habitants. Mais un montant qui évidemment ne prenait pas en compte une étude sérieuse des sols. Ce que Paul Gavreau ne manque pas de pointer du doigt : "Une étude géotechnique n'est pas chère par rapport au coût global du pont. C'est faire des économies de bouts de chandelles que de ne pas faire en faire". Le nouvel ouvrage, aux fondations sans doute beaucoup plus profondes, ne sera achevé que dans cinq à six semaines, au plus tôt. L'important sera qu'il dure plus longtemps...

 

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