On s'en doutait, mais cette fois, c'est "officiel". Le rapport remis par la sénatrice Claire-Lise Campion à Jean-Marc Ayrault ce vendredi 1er mars le confirme : la France ne tiendra pas le rendez-vous de 2015 en matière d'accessibilité. Désormais, l'heure est à l'action, rappelle l'auteure, afin de "réussir 2015". Détails et réactions.

Le très attendu "rapport Campion" sur l'état des lieux de l'accessibilité en France, rédigé par la sénatrice de l'Essonne Claire-Lise Campion, a été remis vendredi 1er mars au Premier ministre. La conclusion est sans surprise : la France ne respectera pas le rendez-vous de 2015. En référence à la loi du 11 février 2005 pour l'égalité des droits et des chances qui comprend, notamment, un volet accessibilité destiné à rendre l'ensemble des établissements recevant du public (ERP), neufs et existants, accessibles.

 

Intitulé "Réussir 2015", le rapport dresse un bilan mitigé. Si la sénatrice reconnaît que la dynamique est lancée, elle admet toutefois que "le résultat est loin d'être atteint". Du côté du logement, la grande majorité des bâtiments neufs sont accessibles. En revanche, le gros point noir pèse sur les ERP, où "le mouvement est plus lent", principalement dans l'existant. Concernant les transports et la voirie, là encore, l'impulsion est "très progressive". Encore du chemin à parcourir, malgré les nombreux investissements d'ores et déjà consentis, déplore-t-elle.

 

Une mesure phare pour les ERP
"L'heure n'est pas aux excuses, elle est à l'action", a insisté Claire-Lise Campion. D'où une vague de 40 propositions "pour mobiliser et progresser" qu'elle a présentées à Jean-Marc Ayrault. La principale mesure concerne les ERP existants, avec la création d'Agendas d'accessibilité programmée (Ad'AP). "Il s'agit de documents de programmation et de financement qui seraient élaborés par les gestionnaires ou propriétaires des ERP publics ou privés en application d'un processus différencié selon la nature et la taille du maître d'ouvrage", précise le rapport. Qui ajoute : "Leur durée de mise en œuvre s'inscrirait dans une fourchette de l'ordre de 3 ou 4 ans, pouvant être reconduite de 2 ou 3 ans". Et la sénatrice de signaler que la réussite de ces Ad'AP repose sur "une impulsion politique forte et l'ajustement de celle des règles qui après application, se révèlent peu opérationnelles ou entraînent des coûts de mise en œuvre excessifs".

 

"Ce qui me choque, c'est la façon dont le message est rendu flou, réagit Jean-Marc Maillet-Contoz, président du salon Urbaccess. On parle de rééchelonnement, de dérogations encore, en disant 'ce n'est pas si grave, finalement, si 2015 n'est pas atteint". Et de renchérir : "Encore une fois, on ne parle pas, par rapport à ces nouveaux calendriers, d'obligations et de contrôles. Les bons élèves, ceux qui ont respecté le calendrier, ne sont encore pas récompensés !". Et d'évoquer des "pénalités de principe" qui pourraient être appliquées…

 

Le gouvernement doit donner l'impulsion
Si le maintien de l'échéance est acté, il n'empêche en effet que la volonté est maintenant "d'enjamber 2015", comme le souligne Claire-Lise Campion. "C'est un report déguisé de l’échéance d'accessibilité !", s'insurge l'Association des paralysés de France (APF) dans un communiqué. Et de déplorer : "Après une première loi en 1975, puis la loi de 2005 prévoyant l'échéance d'une France accessible en 2015, ce rapport propose maintenant une accessibilité pour 2022, sans sanctions financières et fiscales automatiques pour les acteurs privées et publics ne respectant pas ce délai !".

 

Afin de mobiliser tous les acteurs, Claire-Lise Campion propose notamment la tenue d'une table ronde nationale. "Si ça pouvait aboutir à un cahier des charges national équivalent pour tous, ce serait une avancée", note Jean-Marc Maillet-Contoz.

 

Pour une accessibilité raisonnée
Le rapport prône le maintien des règles structurantes, mais "(…) certaines d'entre elles méritent d'être revues ne serait-ce parce que leur rapport accessibilité/prix est inapproprié", explique le rapport. Il est ainsi proposé d'engager "une démarche concertée privilégiant la qualité d'usage et la conception universelle". En matière de logement, la sénatrice estime qu'il faut passer en revue les normes afin que l'accessibilité des appartements de petite dimension, des salles de bains, des couloirs et des pièces à vivre soit obtenue davantage par obligation de résultat plutôt que par obligation de moyens. Et dans les ERP, il est conseillé d'appliquer une "accessibilité raisonnée", en prenant exemple sur ce qui est fait dans les établissements scolaires et les universités. "Je suis complètement pour une accessibilité raisonnée, comme cela se fait beaucoup à l'étranger, mais il faut qu'elle soit encadrée", clame le président d'Urbaccess.

 

Le Premier ministre a indiqué d'un plan d'actions gouvernemental soit élaboré d'ici à la fin du premier semestre 2013. "On attend de voir. Ce qu'on aimerait entendre de la part du Gouvernement, c'est 'on ne lâche rien' !", conclut-il.

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