DÉVELOPPEMENT DURABLE. En amont du Sommet mondial des Nations Unies sur le climat du 23 septembre 2019, plusieurs organisations publient un rapport sur la place des énergies renouvelables dans la production mondiale d'électricité et sur le montant des investissements qu'elles brassent. En 2018, ces derniers ont atteint 272,9 milliards de dollars américains, pour générer 12,9% de l'électricité planétaire. Détails.

En amont du Sommet mondial des Nations Unies sur le climat qui doit avoir lieu le 23 septembre 2019, un rapport intitulé "Les tendances mondiales en matière d'investissements dans les énergies renouvelables de l'année 2019" a été publié par l'Ecole de finance et de management de Francfort, en collaboration avec la société de recherche BloombergNEF et le Programme des Nations Unies pour l'environnement (PNUE). Son objet : chaque année depuis 2007, analyser les investissements réalisés pour développer les filières d'énergies renouvelables à l'échelle planétaire, et esquisser les perspectives pour l'année à venir. D'après ce document, les sommes consacrées aux capacités d'énergies renouvelables durant la décennie actuelle (de 2010 à 2019 compris) devraient atteindre les 2.600 milliards de dollars américains (environ 2.355 milliards d'euros), avec une prédominance du solaire sur les autres sources de production. Cette enveloppe, pour le moins colossale, pourrait ainsi multiplier par quatre les capacités en énergies renouvelables - hormis les grandes centrales hydroélectriques -, passant de 414 GW à la fin de l'année 2009 à 1.650 GW à fin 2019.

 

 

A elle seule, l'énergie solaire aura capté la moitié de ces investissements, soit 1.300 milliards de dollars américains (environ 1.177 milliards d'euros), au cours de cette décennie, ce qui aura permis à sa capacité de production de passer de 25 GW au début de 2010 à 663 GW d'ici la fin 2019. Soit la consommation d'électricité annuelle de 100 millions de foyers aux États-Unis. Pour l'heure et d'une manière générale, les énergies renouvelables ont produit 12,9% de l'électricité mondiale en 2018, contre 11,6% en 2017. Une hausse qui a en outre évité l'émission de deux milliards de tonnes de dioxyde de carbone au cours de l'année dernière ; un chiffre non-négligeable quand on sait que les émissions mondiales de CO2 ont atteint 13,7 milliards de tonnes en 2018.

 

Le coût des énergies renouvelables est de plus en plus compétitif depuis le début de la décennie

 

D'après le rapport commandé par le PNUE, la décennie sur le point de s'achever verra "une capacité nette d'installation installée" (sic) de 2.366 GW, toutes technologies de production confondues (énergies fossiles comme énergies propres). Dans le détail, le photovoltaïque occupe là encore le haut du podium, avec 638 GW, suivi par le charbon (529 GW), puis l'éolien (487 GW) et le gaz (438 GW). Les spécialistes notent par ailleurs que le coût des énergies renouvelables est de plus en plus compétitif depuis le début de la décennie : par exemple, le coût de production de l'électricité pour le solaire s'est effondré de 81% depuis 2009, tandis que celui de l'éolien terrestre a chuté de 46%. Pour la directrice exécutive du PNUE, Inger Andersen, ces chiffres témoignent de l'excellent rendement des énergies propres.

 

"Investir dans les énergies renouvelables, c'est investir dans un avenir durable et rentable, comme l'a montré l'incroyable croissance des énergies renouvelables au cours des dix dernières années. Mais nous ne pouvons pas nous permettre d'être satisfaits de nous. Les émissions mondiales du secteur de l'énergie ont augmenté d'environ 10% au cours de cette période", nuance-t-elle. "Il est clair que nous devons accélérer rapidement la transition mondiale vers les énergies renouvelables si nous voulons atteindre les objectifs internationaux en matière de climat et de développement."

 

La route est donc encore longue, la prochaine étape étant vraisemblablement la substitution des énergies fossiles par les énergies propres. Et à ce sujet, les faits sont parfois contradictoires : en 2018, les investissements mondiaux dans les capacités d'énergies renouvelables se sont chiffrés à 272,9 milliards de dollars américains (soit environ 247,2 milliards d'euros), ce qui représente un recul de 12% en comparaison à 2017. Malgré cela, l'enveloppe de 2018 a été trois fois plus conséquente que celle dédiée, la même année, à la production de charbon et de gaz. De même, il faut noter qu'un nombre record de 167 GW de nouvelles capacités d'énergies renouvelables a été achevé en 2018, contre 160 GW en 2017 et ce, malgré un changement de politique intérieure qui a impacté les investissement en Chine au cours du second semestre. Car s'il constitue l'un des plus gros polleurs de la planète, l'Empire du Milieu est aussi le plus gros financeur de projets d'énergies renouvelables : en 2018, en dépit d'une diminution de 38%, il a tout de même consacré 88,5 milliards de dollars américains (environ 80,1 milliards d'euros) à cet effet. Au total, Pékin a débloqué 758 milliards de dollars américains entre 2010 et le premier semestre 2019. Mais les causes du recul observé à l'échelle universelle sont multiples.

 

"Les baisses importantes du coût de l'électricité d'origine éolienne et solaire au cours des dernières années ont modifié le choix des décideurs", analyse Jon Moore, le directeur général de la société de recherche BloombergNEF. "Ces technologies étaient toujours sobres en carbone et relativement rapides à construire. Désormais, dans de nombreux pays du monde, l'énergie éolienne ou solaire est l'option la moins chère pour la production d'électricité."

 

L'Europe devance les États-Unis en termes d'investissements

 

Ce principe "gros pollueur-gros investisseur" est de mise pour bien d'autres pays, si l'on en croit le rapport. Au-delà de l'exemple chinois cité plus haut, les États-Unis ont engagé 356 milliards de dollars dans la transition énergétique, et le Japon 202 milliards, ce qui en fait respectivement les 2e et 3e plus gros investisseurs en énergies renouvelables. Quant à l'Europe, le montant des investissements de l'ensemble de ses pays-membres s'élève à 698 milliards de dollars, soit environ 633 milliards d'euros, ce qui en fait de ce point de vue la 2e puissance mondiale en termes d'investissements, après la Chine. Mais par pays, la plus grande contribution européenne revient à l'Allemagne, avec à peu près 162 milliards d'euros. Le Royaume-Uni arrive dans la foulée, en ayant consacré environ 110 milliards d'euros. S'agissant de la France, on retiendra qu'elle a fléché environ 3,7 milliards d'euros vers les énergies renouvelables en 2018, une enveloppe en retrait de 8% par rapport à 2017. D'autres chiffres s'avèrent impressionnants : l'Espagne, avec à peu près 6,7 milliards débloqués l'année dernière, enregistre un décollage fulgurant de... 859%. Cependant, les observateurs notent un dispersement des investissements durant l'année 2018 : 29 pays ont dépensé chacun plus de 1 milliard de dollars américains, contre 25 en 2017. A noter : les analystes de BloombergNEF tablent sur 1,2 GW de nouvelles installations pour l'éolien maritime d'ici 2030 ; une énergie pour laquelle les deux marchés les plus importants devraient être la France et le Japon.

 

Bref, la conclusion de ce rapport onusien pourrait se résumer à "bien mais peut mieux faire".

 

"Les technologies permettant d'utiliser l'énergie éolienne, solaire ou géothermique sont disponibles, elles sont compétitives et propres. Nous savons que les énergies renouvelables ont un sens pour le climat et l'économie", relève Svenja Schulze, ministre fédéral allemand de l'Environnement. "Cependant, nous n'investissons pas assez pour décarboniser la production d'énergie, le transport et les systèmes de chauffage à temps pour limiter le réchauffement climatique à 2°C ou idéalement à 1,5°C. Si nous voulons un avenir sûr et durable, nous devons faire beaucoup plus maintenant en créant un environnement réglementaire propice et une infrastructure qui encourage les investissements dans les énergies renouvelables."

 

 

De son côté, Nils Stieglitz, le président de l'Ecole de finance et de gestion de Francfort, souligne la prise de conscience des investisseurs et acteurs de la finance dans la transition énergétique qui doit s'opérer à l'échelle mondiale.

 

"Il est important que les énergies renouvelables deviennent le premier choix dans de nombreux endroits. Mais nous devons maintenant aller au-delà de la production à grande échelle des énergies renouvelables. Désinvestir du charbon n'est qu'un des aspects du domaine plus large de la finance durable. Les investisseurs se soucient de plus en plus de la pertinence de leurs activités dans le contexte d'un avenir durable à faible émission de carbone."

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