HUMOUR. Une association d'architectes parisiens vient de lancer le concours parodique "Réinventer pourris". Un moyen d'alerter les acteurs du secteur sur la culture du travail gratuit et l'omniprésence de la novlangue du "greenwashing".

Faire passer un coup de gueule tout en "se marrant". C'est l'objectif du concours "Réinventer pourris", une parodie du désormais célèbre "Réinventer Paris", créé en son temps par la mairie de Paris. L'initiative, lancée fin avril sur Facebook par l'association d'architectes Copra (comme "collective practice"), basée à Paris, a déjà un certain succès puisqu'elle a récolté 500 "likes", à la surprise de ses promoteurs.

 

L'idée est simple : les architectes sont invités à proposer les projets les plus loufoques ou absurdes pour des sites parisiens, d'ici le 18 juin 2017, à l'adresse contact@reinventerpourris.fr. "Nous avons déjà reçu plusieurs réponses", explique à Batiactu Yann Legouis, architecte chez Copra (qui avait candidaté à "Réinventer Paris"). Derrière ce vrai-faux concours, les professionnels ont cherché à faire passer plusieurs messages. "Nous souhaitons alerter les maîtres d'ouvrage et les architectes sur l'extension de la culture du travail gratuit", nous explique l'architecte. Un sujet qui avait déjà fait polémique en mars 2016 lors de "Réinventer Paris".

 

"Un système génial de contournement de la loi Mop"

 

"Nous ne revendiquons pas grand chose et nous ne sommes pas totalement désespérés par cet état de fait", précise Yann Legouis. "Mais nous estimons qu'au-delà de faire des coups politiques, ces méthodes ne donnent pas une bonne image de notre métier." Les architectes dénoncent également le "cynisme" avec lequel des programmes tels que "Réinventer Paris" sont présentés comme des initiatives mettant en avant le travail de l'architecte. Plus récemment, dans le même ordres d'idées, a été mis sur pied le concours "Faire Paris". Pour les initiateurs de "Réinventer pourris", ce genre de dispositifs est surtout un "système génial de contournement de la loi MOP permettant de faire un coup de communication sans égal, sans débourser un centime d'argent public".

 

La Copra regrette également que cette tendance à la généralisation du travail gratuit profite surtout aux grandes structures, les seules en mesure de financer des études sans que cela ne débouche nécessairement sur du concret. A propos des lauréats de Réinventer Paris, les architectes commentent : "On applaudira alors nos édiles d'avoir, en cohérence, innové jusqu'à faire le pari fou de l'émergence d'une toute nouvelle génération d'architectes, anonymes triés au milieu des 815 candidatures : Jean-Jacques Ory (retenu sur 2 sites sur 23 !), David Chipperfield, Manuelle Gautrand, X-TU, Sou Fujimoto, Jacques Ferrier, ou encore TVK..."

 

Le "greenwashing" est du "marketing appliqué à l'urbain"

 

Un autre objectif de "Réinventer pourris" (ou, comme il avait été un temps envisagé, "Réinventer pour rire") est de moquer la novlangue du "greenwashing", dont l'emploi est devenu obligatoire dans la présentation et la conception des projets. "Ce 'greenwashing', c'est du marketing appliqué à l'urbain", observe Yann Legouis. "Le critère écologique est bien sûr important dans un projet mais de là à baser dessus toute une politique urbaine... Cela finit par être plus important que la qualité architecturale."

 

Une restitution des résultats du concours "Réinventer pourris" devrait être organisée avant l'été, ainsi qu'un "apéro-débat" permettant d'échanger sur ces sujets dans la bonne humeur, à en croire Yann Legouis. "Nous ne sommes pas dans un acte militant, nous souhaitons surtout rire un peu de notre époque", explique-t-il. "Nous sentions que les architectes, à la suite de la multiplication de ce type de concours, cherchaient un exutoire."

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