ÉNERGIE. La députée Marjolaine Meynier-Millefert a tenu une conférence sur le thème de la décarbonation du bâtiment à l'École des Ponts ParisTech. Elle a appelé les acteurs du bâtiment à se rassembler et à favoriser la formation, alors que la demande de rénovation explose.

"Au milieu de cette crise majeure qu'est le réchauffement climatique, le bâtiment est le secteur qui réconcilie le mieux l'environnement et la justice sociale", a assuré Marjolaine Meynier-Millefert, présidente d'Alliance HQE - GBC, députée LREM et vice-présidente de la Commission développement durable et de l'aménagement du territoire à l'Assemblée nationale, membre du CSCEE France, lors d'une conférence sur la décarbonation du bâtiment en France ce vendredi 16 avril pour l'Ecole des Ponts ParisTech. "Un Français sur cinq dit avoir froid à son domicile en hiver. La rénovation énergétique des bâtiments a pris une grande place au sein des préoccupations des Français et s'est renforcée avec la crise du covid, alors que les citoyens étaient confinés."

 

Des professionnels qui se sentent "stigmatisés"

 

Pour la députée, la rénovation des bâtiments est essentielle, notamment pour "le confort des habitants, la vigueur de l'économie locale et la balance énergétique. On sait que le secteur du bâtiment représente un quart des émissions de gaz à effet de serre." Le sujet de la décence énergétique avait été mis en avant par les parlementaires en 2018 avec la loi ELAN, "mais l'idée a fait consensus avec les gilets jaunes. Aujourd'hui, la loi Climat et résilience est toujours à l'étude et nous avons réuni un consensus pour interdire à la location dès 2025 les passoires thermiques d'un diagnostic de performance classé G."

 

Marjolaine Meynier-Millefert a également noté que l'interdiction de l'installation de nouvelles chaudières au fioul en 2022 a agacé les experts de la filière. "J'ai pu rencontrer des gens qui se disaient en colère, non pas par rapport à la décarbonation de leur secteur d'activité mais par la brutalité de la décision [politique, ndlr]. Ils se sont sentis stigmatisés alors qu'ils travaillent avec les ménages pour proposer des options plus vertueuses. Ils m'ont raconté avoir constaté que des ménages se sont rué sur l'achat de vielles chaudières après l'annonce de cette interdiction, ce qui est contre-productif."

 

1 Français sur 3 se dit prêt à passer aux énergies renouvelables

 

La présidente d'Alliance HQE-GCB appelle tous les acteurs de la filière du bâtiment à se rassembler pour réussir la transition énergétique. "La stratégie de lutte contre le changement climatique doit être partagée par tous pour qu'elle soit transparente et lisible sur le long-terme. Faisons en sorte que la chaîne de valeur de stratégie du bâtiment soit bien répartie et résiliente, et qu'elle ne bénéficie pas uniquement à quelques-uns. Les élèves des écoles et les artisans sont aussi des décideurs politiques." Mais la condition sine qua non pour réussir cette transition passe, selon elle, "obligatoirement par l'adhésion des citoyens".

 

La Convention citoyenne pour le climat a démontré l'implication des citoyens sur ces enjeux environnementaux. "Ils ont compris les sujets, les ont acceptés et les ont poussés encore plus loin. Si les parlementaires avaient fait les mêmes propositions, on serait passé pour de dangereux radicaux." Elle rappelle que 87% des Français se disent prêts à s'engager dans des actions individuelles pour permettre la transition écologique. Un tiers des habitants se dit prêt à passer aux énergies renouvelables pour son chauffage et 23% choisiraient de vendre leur surplus d'électricité. La députée propose même de créer des partenariats entre citoyens dans leurs commandes énergétiques. "Par exemple, on peut imaginer un groupe de personnes en Bretagne qui lancent au même moment une machine à laver, afin de créer une souplesse énergétique."

 

Refaire confiance à la filière

 

Elle constate du moins que la confiance de certains habitants s'est érodée après l'affaire des contrats à un euro. Un contrat qu'elle juge "vertueux sur le papier" mais qui peut être en réalité "contre-productif" et devenir "un scandale démocratique". L'accompagnement des travaux entre les énergéticiens, les électriciens et les habitants doit être systématique, selon elle, qui considère qu'il faut "refaire confiance aux acteurs de la filière".

 

Concernant l'énergie, elle remarque que les experts "préfèrent une production électrique centralisée. Les installations de petites tailles sont plus coûteuses selon eux. Mais il a été démontré que les communautés d'énergie partagée permettent aux habitants de mieux gérer leur énergie, dans une logique de sobriété des usages. Cela ne peut arriver qu'en acceptant une décentralisation. "

 

Des accompagnateurs travaux "essentiels" pour les ménages

 

 

Interrogée sur le rapport Sichel, la vice-présidente de la Commission développement durable et de l'aménagement du territoire à l'Assemblée nationale a expliqué que plusieurs accompagnateurs de travaux sont essentiels. "Un accompagnateur social aidera les ménages en leur expliquant les problématiques de leur logement, étape par étape. C'est une vraie compétence sociale, du type de celle de l'Agence nationale de l'habitat (Anah). Cela serait dangereux de laisser cette partie sociale être gérée par d'autres acteurs." La députée imagine un second type d'accompagnement, celui pour les ménages qui "peuvent se débrouiller seuls mais qui ont besoin de conseils techniques et budgétaires."

 

"L'emploi va exploser avec la rénovation énergétique", a-t-elle avancé, d'où l'importance de favoriser la formation. "S'impliquer dans cette filière, c'est sauver la planète. C'est dommage que certains parents aient toujours une vision passéiste des métiers du bâtiment. On doit remettre de la fierté dans les gestes de la main et inciter à se former."

 

Elle s'inquiète néanmoins de voir la demande sociale de plus en plus importante alors que "le nombre de professionnels installé dans les territoires n'augmente pas. C'est une vraie problématique. L'autre souci, c'est que la commande publique s'est arrêtée pour les bâtiments neufs, ce qui mine les professionnels concernés. Et de l'autre côté, ceux spécialisés dans la rénovation énergétique voient la demande exploser et n'ont pas les moyens de s'arrêter pour recruter. Ils se demandent aussi si cet engouement va durer ou s'il est dû au plan de relance du gouvernement et aux confinements successifs."

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