La Cour de cassation, dans un arrêt daté du 18 février, juge que les toitures végétalisées ne sont pas un élément essentiel de la construction. A ce titre, la garantie du maître d'œuvre ne peut être engagée. Une décision qui fait réagir les professionnels du secteur.

Alors que la végétalisation des bâtiments est en vogue, un arrêt de la Cour de cassation vient semer le trouble sur le secteur. Cette dernière juge, dans un arrêt daté du 18 février 2016, qu'une toiture végétalisée n'est pas un élément essentiel de construction. A ce titre, ses défauts ne sont couverts par aucune garantie. A l'origine de cette décision : une plainte opposant un syndicat de copropriétaires, qui se plaignait d'une insuffisance de végétation sur ses toitures végétalisées, au constructeur de l'immeuble. Dans cette affaire, les propriétaires entendaient faire jouer la garantie du maître d'oeuvre.

 

Mais la 3e chambre civile de la Cour de cassation estime que "la garantie de bon fonctionnement ne s'applique pas à des végétaux qui ne sont pas destinés à fonctionner". Cette toiture est considérée essentiellement comme un décor par les juges. Elle n'est pas un "ouvrage" auquel serait lié la solidité de l'immeuble et son mauvais résultat ne rend pas l'immeuble "impropre à sa destination", c'est-à-dire inutilisable. Elle n'est pas non plus "un élément d'équipement" qui ferait "indissociablement corps" avec un élément essentiel de l'ouvrage comme l'ossature, le clos ou le couvert, précise l'arrêt.

 

En conséquence, expliquent les juges, elle n'est pas garantie automatiquement durant dix ans comme une construction. Elle n'est pas non plus garantie automatiquement durant deux ans comme tous les équipements liés à l'ouvrage, dont un bon fonctionnement est attendu puisqu'elle ne "fonctionne" pas.

 

"Cela va nous obliger à clarifier"

 

Une décision qui "jette un pavé dans la mare", estime un professionnel du secteur. "Cela va impacter les règles sur lesquelles nous nous appuyons", estime ce dernier. Le président de l'association ADIVET, association qui a notamment corédigé les règles professionnelles françaises pour les terrasses et toitures végétalisées, Raphaël Lamé, est plus mesuré : "Cela va nous obliger à clarifier les synergies entre le bâtiment et le végétal". "Il faut penser le végétal et son entretien comme un système à part entière", explique-t-il.

 

Au-delà de ce besoin de clarifier les choses, Raphaël Lamé regrette que cet arrêt ne présente la toiture végétalisée que comme une simple protection de l'étanchéité. Il craint que cette décision n'engendre un amalgame entre les différents types de toitures végétales. En effet, nous explique-t-il, il existe trois sortes de toitures végétales : celles qui agissent en protection de l'étanchéité, celles purement esthétiques et celles, non prises en compte dans l'arrêt de la Cour de Cassation, qui ont des fonctions (gestion des eaux pluviales, biodiversité, rafraîchissement du bâtiment, captation du CO2, etc…). Ces dernières sont d'ailleurs en plein essor, il ne faut donc pas les ignorer. "Les considérer comme simplement esthétiques, signifie qu'elles ne seront pas soumises à assurance décennale ou biannuelle (liée à la fonction). Or, leur fonctionnalité est clairement prise en compte dans les labels HQE, Leed et Bream", précise le président de l'ADIVET. Et d'ajouter : "Cela va donc nous obliger à clarifier la relation entre le végétal et le bâtiment". Raphaël Lamé constate en effet que "trop d'acteurs ne prennent pas en compte les deux dimensions" aujourd'hui. Une synergie entre les deux secteurs reste donc à trouver. Affaire à suivre…

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