JUDICIAIRE. La circulaire de lutte contre l'habitat indigne signée en janvier dernier par les ministres Julien Denormandie et Nicole Belloubet a été rendue publique le 14 février. Le document prône une coordination plus étroite entre administration et justice, et un renforcement du volet pénal en direction des propriétaires indélicats et des marchands de sommeil.

Pour rappel, cette circulaire avait été conjointement signée par le ministre du Logement Julien Denormandie et la Garde des sceaux Nicole Belloubet, à l'issue d'une visite d'une division pavillonnaire à Pierrefitte-sur-Seine le 21 janvier dernier.

 

Le document, rendu public le 14 février dernier, rappelle que "la lutte contre l'habitat indigne doit demeurer une préoccupation constante des parquets", invités "à assurer la poursuite et la répression des infractions en la matière avec une particulière fermeté".

 

Cette circulaire, visant à mieux coordonner l'action de la justice avec les services de l'Etat en charge de la lutte contre l'habitat indigne, appelle à y associer "les pôles départementaux de lutte contre l'habitat indigne" (PDLHI) et à installer des "groupes locaux de traitement de la délinquance dédiés".

 

Les PDLHI, interlocuteurs privilégiés

 

Ces pôles sont cités dans la circulaire en tant qu'interlocuteurs à privilégier pour coordonner les informations et échanges entre acteurs de la justice et de l'administration. Créés par décret au début des années 2010, les pôles départementaux de lutte contre l'habitat indigne ont notamment pour mission "d'améliorer la connaissance réciproque des compétences et activités respectives des services de l'Etat et des parquets dans le domaine de la lutte contre l'habitat indigne".

 

Ces instances doivent être pilotés par un sous-préfet "référent en matière de lutte contre l'habitat indigne", comme exigé depuis le 15 mars 2017. La circulaire rappelle aux préfets "de procéder à cette nomination lorsqu'elle n'a pas encore eu lieu". Ces derniers constitueront ainsi une forme de binôme aux côtés des magistrats référents nommés au sein des différents parquets.

 

Ces deux chefs de files doivent ainsi conduire une coopération plus étroite entre justice et services de l'Etat, avec pour objectif de "faciliter le repérage des logements indignes et l'identification de potentiels marchands de sommeil". Parmi les outils mis à leur disposition, certaines mesures de la loi Elan qui concernent les copropriétés dégradées, ainsi qu'un plan départemental pluriannuel de lutte contre l'habitat indigne.

 

Un plan de lutte pour chaque département

 

Au-delà de la mission du PDLHI, la loi Elan prévoit une nouvelle implication des agents immobiliers et des syndics, désormais dans l'obligation de signaler des copropriétés pouvant abriter des faits d'habitat indigne. La loi du 23 novembre 2018 prévoit par ailleurs une "systématisation" des astreintes "imposées aux propriétaires afin de les amener à exécuter les prescriptions de travaux demandés par le maire, le président de l'EPCI ou le préfet".

 

A ces mesures déjà en vigueur, le 30 avril prochain prévoit la mise en place d'un plan départemental pluriannuel de lutte contre l'habitat indigne déposé par tous les PDLHI. Sur une période allant de 2019 à 2021, ce document prospectif doit dérouler "les actions prioritaires (…) et des objectifs annuels" qui porteront sur le suivi des arrêtés, des travaux d'office menés en cas de défaillance du propriétaire, ou des procédures de relogement. Ces plans seront orientés en fonction des stratégies nationales de lutte contre l'habitat indigne, du dispositif "Initiative copropriétés", du programme national pour la rénovation urbaine et d'Action cœur de ville.

 

6 départements prioritaires

 

Dans les départements où les enjeux d'habitat indigne sont les plus prégnants, la circulaire crée des "groupes locaux de traitement de la délinquance dédiés à la lutte contre l'habitat indigne"(GLTD-HI). Les ministères de la Cohésion des territoires et de la Justice ont annoncé le 21 janvier dernier six départements prioritaires pour l'installation de ces groupes: la Seine-Saint-Denis, le Val-de-Marne, l'Essonne, le Nord, les Alpes-Maritimes et les Bouches-du-Rhône.

 

Ces sous-groupes ont les mêmes prérogatives que les pôles départementaux, mais se focalisent sur toutes les situations qui relèvent d'un traitement judiciaire, et sont présidés par le procureur de la République. Ils auront aussi pour mission de veiller à ce que les acteurs ayant un pouvoir de police de lutte contre l'habitat indigne "exercent l'ensemble de leurs prérogatives dans le respect des directives de politique pénale".

 

Quelle réponse pénale ?

 

Concernant le volet juridique, la circulaire indique que la réponse à apporter doit "être adaptée à la variété et à la gravité des situations susceptibles de relever des qualifications pénales applicables en matière de lutte contre l'habitat indigne".

 

Parmi les peines pouvant être prononcées et relevant du code pénal, un emprisonnement pouvant aller jusqu'à cinq ans et assorti d'une amende de 150.000 euros pour des faits de soumission de personnes vulnérable à un hébergement indigne, ou la mise en danger d'autrui.

 

A contrario, un propriétaire indélicat ayant régularisé la situation de son logement (travaux, relogement) peut éventuellement bénéficier d'un classement sans suite ou se voir appliquer une peine complémentaire comme la confiscation du bien, ou l'interdiction d'acquérir un bien immobilier pour une durée maximale de 10 ans.

 

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