SOLUTION TECHNIQUE. La startup française Accenta teste depuis plus d'un an une chaudière bas carbone intelligente. Le système stocke de la chaleur en été pour la restituer en hiver, ce qui permet de réduire l'empreinte carbone et la facture énergétique. Explications avec Pierre Trémolières, le p-dg de l'entreprise.

Que faire de la chaleur perdue des climatiseurs ? Pourquoi ne pas la capter et la réutiliser plus tard, lorsqu'elle sera utile, plutôt que de la laisser venir contribuer à la création d'îlots de chaleur ? Telle est l'idée de la "chaudière bas carbone intelligente" développée par Accenta. "On entend parler de stockage de l'électricité, mais au fond, même s'il a du sens pour la mobilité durable, ce stockage a des inconvénients", nous explique Pierre Trémolières, le président-directeur général de la startup. "Il est encore très cher et très carboné : les batteries lithium-ion sont lourdes à construire, à transporter et à recycler… D'où l'idée d'activer deux leviers pour réellement décarboner les bâtiments : d'abord grâce à leur conception, en les construisant à l'aide de matériaux biosourcés, puis ensuite lors de leur exploitation en préférant des énergies décarbonées, mais intermittentes. Et c'est alors le stockage qui permet de maximiser leur utilisation".

 

 

Plus pertinent que la chaudière gaz : la chaudière EnR

 

Mais comment stocker de l'énergie thermique sur des périodes relativement longues et sans un investissement prohibitif ? "Grâce à la technique 'Borehole thermal energy storage' qui utilise des sondes géothermiques et utilisent le sol comme réservoir, à des conditions thermodynamiques excellentes en été et à un coût très faible, très inférieur à 1 centime d'euro par kWh thermique", résume le p-dg. Ces calories, issues du fonctionnement des groupes climatiseurs qui tournent à plein régime en été, sont récupérées par un échangeur thermique. Elles peuvent également provenir d'autres sources, comme le photovoltaïque, qui lui aussi fonctionne au maximum durant la saison estivale. Là, il n'est pas encore question de récupérer la chaleur en sous-face des capteurs solaires. Pierre Trémolières nous confie : "Les systèmes ne sont pas encore économiquement pertinents". En revanche, il est possible d'utiliser l'excédent d'électricité produite, par exemple pendant les weekends où un bâtiment tertiaire n'est pas utilisé, pour faire tourner une pompe à chaleur dans des conditions thermodynamiques avantageuses et injecter la chaleur dans le terrain. Une fois l'hiver venu, elle sera ressortie pour réchauffer le bâtiment, via une pompe à chaleur. "La consommation énergétique sera très faible, et cela permettra de décarboner très fortement les activités de chauffage du bâtiment", assure le dirigeant.

 

Un seul kilowattheure de photovoltaïque permettrait de récupérer entre 6 et 7 kWh d'énergie thermique. Une aubaine pour certaines grandes centrales de toiture où la surproduction d'été est valorisée : "On assiste à une diminution des coûts de rachat de l'électricité photovoltaïque non autoconsommée, qui n'est plus que de l'ordre de 6 centimes/kWh, alors que leur coût de production est de 11 centimes/kWh en moyenne en France. Une perte qu'il est possible d'éviter en transformant ce courant en chaleur stockée". Techniquement, les sondes de faible diamètre dans lesquelles circule un fluide caloporteur - dont les forages seront réalisés par des entreprises spécialisées - descendront à 100 ou 150 mètres de profondeur. Quelques sols ne seront pas compatibles car trop difficiles à forer ou ne présentant pas suffisamment d'inertie. "Mais c'est une solution quasi-universelle, qui ne s'appuie pas sur un aquifère et qui fonctionne à des températures basses, de l'ordre de +/- 5 °C au-dessus de la valeur nominale du sol. Ce qui n'a aucune incidence mécanique ou environnementale", précise le p-dg d'Accenta.

 

 

Une touche d'intelligence artificielle pour doper le tout

 

Côté régulation, la société a développé une "box" de pilotage qui vient mesurer les besoins réels du bâtiment et ajuster le stockage de façon optimisée. Car de nombreux facteurs interviennent dans la consommation énergétique : usage des locaux variable suivant les périodes et les occupants, météorologie différente d'une année sur l'autre, surévaluation chronique de la performance par les bureaux d'études pour aider à l'obtention de labels ou financements… "Le système a la capacité d'anticiper et de récupérer la chaleur dans les meilleures conditions thermodynamiques et économiques", résume-t-il. La solution de chaudière bas carbone intelligente fonctionne déjà dans trois installations différentes, deux en Île-de-France et une dans le sud-ouest, depuis un peu plus d'une année et les performances seraient au rendez-vous : "Il y a une réduction de 90 % de l'empreinte carbone et de 50 % des consommations énergétiques sur les fonctions thermiques". Le modèle a été validé par des études avec le CSTB et devrait pouvoir être intégré dans les simulateurs thermiques dynamiques à l'avenir. Plusieurs grands comptes sont donc intéressés : promoteurs, foncières et industriels pour installer la solution dans des entrepôts, des écoquartiers ou de l'habitat social. Pierre Trémolières analyse : "Il y a une demande incroyable de la part des foncières et des propriétaires, y compris les grandes entreprises engagées dans une démarche RSE. D'autant que la chaudière bas carbone intelligente est idéale pour un contrat de performance énergétique grâce à sa régulation qui s'appuie sur la réalité des besoins du bâtiment". Sur l'investissement, le dirigeant précise qu'il est très inférieur à celui d'une installation géothermique classique mais qu'il reste encore quasiment deux fois supérieur à celui d'une chaudière gaz basique. "Mais les coûts de l'énergie ne vont cesser de croître. Notre solution a un temps de retour sur investissement très rapide, de l'ordre de 4 à 5 ans, après quoi il n'y a que du gain". La prochaine étape pour Accenta sera de s'adresser au marché de la rénovation, potentiellement très intéressant. Le président-directeur général conclut : "Fini le greenwashing. Maintenant les entreprises demandent de vraies solutions aux performances vérifiées".

actionclactionfp