Comment capter le soleil le plus longtemps possible avec des panneaux solaires ? En les installant sur des ballons captifs à hydrogène de grandes dimensions qui seraient placés à plusieurs kilomètres d'altitude, au-dessus des nuages. Avantage supplémentaire : ils génèrent leur propre gaz de sustentation afin de stocker l'électricité et la redistribuer pendant la nuit. Explications.

Le photovoltaïque est une source d'électricité intermittente : le taux d'utilisation des cellules solaires n'est que de 15 % et il est variable, suivant les conditions météorologiques et les saisons. Jean-François Guillemoles, directeur de recherche au CNRS et directeur du laboratoire franco-japonais NextPV, détaille les solutions existantes : "Pour que ce taux d'utilisation soit meilleur, le stockage est un élément important. De nouvelles technologies avec des cellules à haut rendement, supérieur à 30 %, peuvent être installées dans les modules, mais elles ne sont pas prêtes commercialement. Pour capter le soleil plus longtemps, on peut également placer les cellules sur des trackers ou faire du solaire à concentration. Mais le mieux est de les placer au-dessus des nuages". Tout simplement.

 

 

L'idée ressemble au projet Zephyr, mais en beaucoup plus grand. Le spécialiste dévoile des chiffres extraordinaires : non seulement l'intensité lumineuse est plus élevée en altitude (+20 %) puisque l'atmosphère raréfiée diffuse moins les rayons et qu'il n'y a pas d'ombres portées, mais en plus le facteur de capacité est multiplié par trois pour atteindre les 50 %. "À 5.000 ou 6.000 mètres, tout devient plus rentable. Et la ressource est distribuée de façon à peu près égalitaire à la surface du globe", poursuit-il. La solution consiste donc à concevoir et réaliser des ballons captifs de 30 mètres de diamètre, partiellement recouverts de capteurs photovoltaïques et ressemblant à s'y méprendre à un globe oculaire géant. "Un ballon correspondrait à une centrale de 1 MW et disposerait d'un stockage équivalent à une semaine de production", révèle Jean-François Guillemoles. Car c'est là l'élégance de cette idée : le ballon se remplirait lui-même d'hydrogène - gaz plus léger que l'air qui le maintiendra en altitude - en réalisant l'électrolyse d'une réserve d'eau embarquée.

 

Réduire les coûts et convaincre les décideurs

 

 

Concrètement, en journée, l'électricité produite par le rayonnement solaire sera acheminée au sol via le câble de rétention. Une partie de ce courant servira également à la recharge de la pile à combustible, qui décompose l'eau (H2O) en hydrogène (H2) et oxygène (O2). L'hydrogène, stocké dans l'enveloppe de l'aérostat, servira ensuite, la nuit, à continuer à produire de l'électricité grâce à la pile à combustible qui recombinera les deux composants en eau. Plusieurs projets sont aujourd'hui à l'étude, dont le Stratobus de Thales, le Loon de Google ou le Havoc de la Nasa. Le directeur du laboratoire NextPV avoue : "Ces ballons captifs sont techniquement faisables mais ils ne sont pas bon marché". Des progrès doivent donc être réalisés dans la production de matériaux polymères, légers, résistants et à faible contenu énergétique, tout en restant faciles à industrialiser. Autre difficulté, réglementaire celle-là : l'hydrogène demeure prohibé dans les ballons et remplacé par de l'hélium - pourtant plus lourd et plus rare - depuis les années 1930 et la catastrophe du Hindenburg.

 

Cependant, la promesse de rendements plus élevés, de ressource abondante et prédictible, d'emprise au sol extrêmement réduite, et de possibilités de déploiement rapide et réversible, pourraient convaincre les autorités et les industriels à explorer cette piste. L'équipe franco-japonaise travaille désormais à la réalisation d'un premier démonstrateur. Seul problème : la présence de fermes photovoltaïques flottantes dans les airs conduira à une augmentation sidérante de témoignages de pilotes de ligne affirmant - de bonne foi - avoir observé quelque chose d'étrange dans le ciel…

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