COLÈRE. La situation au sein de certains espaces conseil Faire semble se dégrader, au point que le Cler, réseau pour la transition énergétique, a décidé de se retirer des rencontres digitales du réseau Faire. Explications avec Etienne Charbit, responsable de projets efficacité énergétique du Cler.

C'est visiblement une "première" : le Cler, réseau pour la transition énergétique, vient d'annoncer sa décision de se retirer des rencontres digitales du réseau Faire. Un geste de colère destiné à sensibiliser les pouvoirs publics à la question de la "surchauffe" des espaces conseil Faire, qui réunissent notamment les ex-espaces info énergie, agences locales de l'énergie et autres plateformes territoriales de la rénovation énergétique. Celles-ci ne disposeraient plus des moyens humains et techniques nécessaires pour prodiguer un bon accompagnement auprès des ménages, à l'heure où, au vu du succès de MaPrimeRénov, le nombre de particuliers intéressés augmente rapidement. Plusieurs de ces organismes ont ainsi sollicité par courrier le ministère de la Transition écologique, en régions Bretagne, Occitanie, ou encore au sein de la Métropole de Grenoble. Le Cler, qui affirme compter parmi ses adhérents 110 espaces conseil Faire, alerte par ailleurs "depuis des années" sur le caractère court-termiste du financement de ces plateformes, qui auraient pourtant besoin de visibilité. Résultat, dans certaines zones, les risques de "débrayage" serait réels, ce qui ferait tache alors que le gouvernement vient d'annoncer un "big-bang" de la rénovation énergétique.

 

Le ministère assure que le dialogue n'a jamais été rompu

 

Le ministère de la Transition écologique a souhaité réagir aux propos du Cler au sujet des espaces conseil Faire. "La ministre est consciente d'un certain nombre de sujets soulevés par le Cler", assure-t-il auprès de Batiactu, notamment du cas spécifique de la Bretagne. "Le communiqué du Cler nous a un peu étonné, car le dialogue existe." La réunion du 4 mai avec l'ensemble des conseillers Faire a ainsi été l'occasion d'échanges directs entre Emmanuelle Wargon et les opérateurs de terrain. Les pouvoirs publics vont notamment simplifier le fonctionnement du dispositif en faisant de l'Anah le seul organisme référent pour le parcours de rénovation des ménages. "L'État doit simplifier son mode de fonctionnement de manière à ce que cela simplifie la vie des acteurs." Le ministère est par ailleurs conscient du fait qu'au succès de MaPrimeRénov il y a un "revers de la médaille", qui peut se matérialiser par une hausse de la charge de travail sur certains territoires. "Nous devons améliorer le système, ce sont des questions légitimes, et certains sujets sont en partie traités."

 

Le Cler sera reçu par la ministre fin mai

 

"Il ne faut pas prendre notre retrait comme une volonté de rupture du dialogue", assure Étienne Charbit, responsable de projets efficacité énergétique du Cler, contacté par Batiactu. "Nous souhaitons surtout alerter le ministère sur l'urgence de la situation à très court terme." L'appel de l'organisation semble avoir été entendue, la ministre déléguée au Logement Emmanuelle Wargon ayant programmé une rencontre à ce sujet à la fin du mois de mai.

 

 

En septembre 2019, les pouvoirs publics avaient décidé de soutenir financièrement ces espaces via le programme "Sare" (comme service d'accompagnement à la rénovation énergétique), financé par les certificats d'économie d'énergie. Mais, d'après le Cler, cette solution n'a pas porté ses fruits. "Cela a fait évoluer le paradigme de fonctionnement de ces entités : ce programme instaure une tarification à l'acte, ce qui incite les conseiller à faire du quantitatif plutôt que du qualitatif : par exemple, l'information est à 8 euros par acte, le conseil est à 50 euros, l'accompagnement à 800 euros..." Ces évolutions, conjuguées au succès récent de MaPrimeRénov, nécessiteraient visiblement une réorganisation interne de ces agences, dont les moyens n'ont visiblement pas évolué ces derniers temps. "Depuis six mois nous remontent de manière très régulière des alertes sur la surchauffe du réseau, des cas d'épuisement professionnel, une perte de sens du métier de conseiller en raison notamment de systèmes d'aides non stabilisés et de bugs sur la plateforme MaPrimeRénov."

 

"Arrêtons cette communication positive autour de MaPrimeRénov"

 

Le Cler demande ainsi une sortie de la logique de tarification à l'acte pour deux gestes en particulier, l'information et le conseil personnalisé. Par ailleurs, les espaces conseil manqueraient toujours d'outils techniques, numériques et humains. "Arrêtons également cette communication positive autour de MaPrimeRénov, qui finance surtout des gestes uniques de rénovation ; et n'oublions pas que, même si cela semble aujourd'hui derrière nous, la plateforme a connu de nombreux ratés."

 

Conseillers Faire et accompagnateurs rénov seront-ils compatibles ?

 

La loi Climat et résilience va instaurer un accompagnateur rénov dont le rôle sera, comme son nom l'indique, d'accompagner les particuliers engagés dans des travaux de rénovation énergétique conséquents, et ce de A à Z. Comment ce nouvel acteur pourrait-il s'accorder avec le dispositif de conseillers Faire ? "Nous allons veiller à ce que soit trouvée une bonne articulation entre les espaces conseil Faire, qui représentent la neutralité du service public, et les accompagnateurs rénov", assure Étienne Charbit. "Il ne doit pas être possible d'à la fois recommander le type de travaux à faire, et de les faire réaliser ensuite. La distinction entre assistance à maîtrise d'ouvrage et maîtrise d'œuvre devra être maintenue." Le Cler estime quoi qu'il en soit que l'idée d'intégrer le maximum d'acteurs dans ce rôle d'accompagnateur est bonne, les conseillers Faire n'ayant pas les moyens de réaliser des dizaines, voire des centaines de milliers d'accompagnements complets.

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