Le feuilleton Schneider - Legrand se poursuit avec la décision du Tribunal de première instance de la Cour européenne de justice (CEJ) d'annuler le veto de la Commission européenne au mariage des groupes français d'appareillage électrique. En théorie, la reprise de Legrand par Schneider est donc à nouveau possible.

L'arrêt, particulièrement sévère, de la CEJ est un sérieux revers pour les services du commissaire européen chargé de la Concurrence, Mario Monti. Pour la deuxième fois en un peu plus de quatre mois, le commissaire est désavoué sur le veto à une fusion, alors qu'en un peu plus de douze ans, ces services n'avaient jamais été contredits sur une interdiction de concentration.

"L'analyse économique réalisée par la Commission est affectée d'erreurs et d'omissions qui la privent de valeur probante sauf en ce qui concerne les marchés sectoriels français", a estimé le tribunal dans son arrêt. En outre, "la Commission a surestimé la puissance économique de l'entité fusionnée en appréciant les parts de marché du groupe au regard de celles sous-estimées de ces deux principaux concurrents (Siemens et ABB) sans y intégrer les ventes internes de composants pour tableaux électriques que ces derniers réalisent avec leurs filiales spécialisées". Ainsi, " à l'égard des marchés sectoriels français, tout en admettant les effets anti-concurrentiels de l'opération, le Tribunal retient une violation sérieuse des droits de la défense qui le conduit à annuler la décision d'interdiction" , précise le communiqué.

Rappelons que le 10 octobre 2001, Bruxelles avait bloqué le rapprochement de Schneider Electric et Legrand qui devait donner naissance au numéro un mondial de l'appareillage électrique de basse tension. Les services de M. Monti avaient reproché aux groupes ne pas avoir présenté des remèdes suffisants pour régler les très sérieux problèmes de concurrence posés par l'opération, en particulier en France, mais aussi sur plusieurs marchés européens (Danemark, Espagne, Grèce, Italie et Royaume-Uni). Le commissaire européen n'avait également sans doute pas apprécié que les deux groupes concrétisent leur fusion sans attendre le feu vert de la Commission.

Si Schneider maintient sa volonté de racheter Legrand, la décision devra à nouveau être examinée par la Commission. Schneider détient en effet toujours 98% du capital de Legrand, mais Bruxelles lui interdit d'en faire usage. Le tribunal précise à ce sujet que "la procédure devrait recommencer par la mise au point d'une communication des griefs précise et ne porter que sur les marchés français seuls à avoir été identifiés comme étant affectés par la mise en oeuvre de la fusion ".

Reste à savoir quel va être le montant réel de la facture issue de cet aller et retour. Une chose est sûre, s'il veut garder Legrand, Schneider devra déjà commencer à débourser quelque 180 millions d'euros d'indemnité de rupture au consortium Wendel-KKR qui s'est engagé à racheter Legrand.

Jean-Philippe Defawe

Les premières réactions

"Le groupe va analyser les décisions et leurs conséquences éventuelles", s'est contenté de déclarer à l'AFP un porte-parole de Schneider. De son côté, le groupe Legrand n'a pas souhaité commenter la décision de la Cour européenne de justice.
En revanche, les milieux financiers ont été plus rapides à réagir et, mardi matin, le titre Schneider se redressait fortement à la Bourse de Paris.
A 11 heures, l'action Schneider, qui avait débuté la séance en baisse, gagnait 5,06% à 48,20 euros dans un marché en hausse de 0,91%.
"les options dont dispose Schneider ne sont pas encore tout à fait claires mais elles sont forcément meilleures qu'une vente forcée" a commenté un opérateur cité par l'AFP. "A mon avis, ils pourraient garder Legrand", a-t-il poursuivi, soulignant que "le prix de la compagnie avait été fortement baissé pour obtenir une vente, maintenant au lieu de supporter un coût de plusieurs milliards, tout ce qu'ils ont à faire c'est de rembourser 180 millions d'euros à Wendel et KKR".
Selon cet opérateur, l'action Schneider devrait probablement se situer à moyen terme autour de 55 euros, à peine un peu moins que lors de l'achat initial de Legrand.

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