Nicolas Mouchnino, chargé de mission énergie à l'UFC-Que Choisir, analyse les causes de cet échec : "Les principaux problèmes ? La formation des professionnels qui ne dure que trois jours et reste très théorique pour appréhender l'évaluation thermique du bâtiment. Est-ce suffisant ?". La qualification RGE, serait presque "distribuée automatiquement", selon l'association, à raison de 100 entreprises par jour (51.000 entreprises qualifiées depuis 2014). "Et les contrôles sont aux abonnés absents", renchérit-il. "Combien d'artisans ont-ils été expulsés de la démarche ? Il y a une opacité des organismes de qualification", évoquant une absence de réelle montée en compétence de la filière depuis 2014. L'UFC estime préjudiciable l'absence de réel coordinateur de l'offre globale, même en dépit de la mise en place de groupements d'artisans. "Il n'y a pas d'acteur comparable au maître d'œuvre du neuf dans la rénovation, qui accompagnerait le consommateur de bout en bout", poursuit Nicolas Mouchnino.

 

 

Un problème de confiance

 

L'UFC-Que Choisir estime dès lors que les consommateurs ne peuvent pas avoir confiance et tempête : "RGE signifie Risque Généralisé d'Enfumage. Il faut réfléchir à deux fois avant de suivre les conseils des professionnels… La qualification est disqualifiée". L'association donne plusieurs pistes pour sortir de cette situation. Tout d'abord en appeler à la responsabilité des pouvoirs publics pour mener des contrôles et assainir le marché. Ensuite, faire la promotion d'une filière de chef d'orchestre indépendant des travaux de rénovation, sorte d'architecte-énergéticien. Puis faire de l'obligation de résultats un engagement ferme de la part de l'entreprise. Enfin, responsabiliser les banquiers-prêteurs, sans qui aucun chantier ne peut se faire : "Ils constituent le dernier garde-fou pour empêcher le montage d'opérations non viables. Ils doivent vérifier la solvabilité des professionnels et leurs capacités".

 

"10.000 contrôles effectués par an"

 

Qualibat, qui délivre le label RGE, a tenu à réagir rapidement. Un porte-parole explique : "Autour de 10.000 contrôles ont été réalisés depuis le début de 2015 et ce nombre est en hausse. Et l'attribution de qualification n'a rien de systématique : ce sont 100 commissions qui travaillent avec beaucoup de rigueur sur tout le territoire". L'organisme assure que, depuis trois ans, le nombre de refus qu'elle oppose est en hausse : "Rien qu'en 2016, 18 % des demandes ont été refusées et 18 % sont en période probatoire de deux ans. Et 5.000 retraits de qualification ont été effectués". Mécaniquement, le nombre croissant de dossiers de demandes entraîne une hausse du nombre de refus, mais le porte-parole explique : "Si les chantiers de référence présentés par l'entreprise ne sont pas conformes, nous pouvons estimer qu'elle n'a alors pas le niveau, ni les compétences. On évalue également le sérieux de l'entreprise : elle doit remplir toutes les obligations administratives pour conserver sa qualification. Faute de quoi elle peut lui être retirée". Qualibat rappelle que le contrôle est effectué dans les 24 mois qui suivent l'attribution de la qualification et que 2017 sera une année importante sur ce sujet, étant donné que 2015 a été l'année où le maximum de mentions RGE ont été décernées.

 

 

"Il faut lutter contre ceux qui font n'importe quoi"

 

Patrick Liébus, le président de la Capeb, a également tenu à réagir : "C'est une enquête à charge pour démonter un système, alors que des travaux se font par milliers, et qu'ils sont bien faits. Ce n'est pas avec 10 devis qu'on peut juger de la réalité des choses. Pourquoi ne pas s'intéresser à ceux qui travaillent bien ?". Il s'insurge contre la méthode utilisée : "Il est scandaleux de dénoncer nommément les entreprises. C'est une atteinte à la probité. Et je note que cette enquête est signée par un spécialiste de l'auto-consruction qui souhaite que tout le monde construise sa propre maison... mais dans ce cas là, il faudra s'asseoir sur les normes". Interrogé sur les problèmes rencontrés sur la globalité des devis, il nous répond : "Je me bats contre ce problème ! Justement pour lutter contre ceux qui font n'importe quoi. Un devis doit être complet et détaillé c'est important. Il faut que l'assurance soit identifiée. Les contrevenants je ne les soutiens pas, ce sont eux qui nous font perdre de l'activité". Le président de la Capeb estime également que les clients doivent être vigilants et qu'ils devraient favoriser les entreprises de proximité qui présentent des références locales. Concernant les aides, complexes à appréhender pour les consommateurs, il souligne : "Il existe un numéro d'appel gratuit de l'Ademe, qui les informe sur toutes les aides". Sur la formation, il insiste : "Il faut que les artisans se forment à travailler ensemble. On ne va pas leur apprendre leur métier, mais à réaliser des économies d'énergie en priorisant les travaux à faire". Contactée, la Fédération Française du Bâtiment (FFB) n'a pas souhaité réagir aux conclusions de cette enquête de l'UFC-Que Choisir.

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