La Morgan Library, discrète dépositaire de trésors de l'art rassemblés par une célèbre famille, rouvre samedi, transformée en spectaculaire musée par l'architecte italien Renzo Piano, qui signe là sa première oeuvre new-yorkaise.

Pierpont Morgan, collectionneur et magnat de la finance de la fin du 19e siècle, aurait sans doute du mal à reconnaître sa maison.

Au bord de la prestigieuse Madison Avenue, 46.500 tonnes de schiste ont été sortis de terre pour construire en sous-sols un ensemble culturel, tandis qu'à la surface, le créateur du Centre Pompidou de Paris a érigé un pavillon de verre et d'acier entre la maison d'origine et ses annexes de 1906 et 1928.

«Le plan préserve le charme unique et la taille intime de la Library. Mais l'expérience (de la visite) est renforcée», explique l'architecte, depuis la «piazza» vitrée reliant les bâtiments.

Le musée alterne avec aisance entre ancien et moderne, intimité et ouverture, lumière de l'extérieur et ombre du sous-sol. Autour de la piazza, les gratte-ciel de New York s'offrent à la vue des visiteurs.

«Nous voulions créer un endroit ménageant un équilibre entre le calme et la présence au coeur de la ville. Ce n'était pas facile... Architecte est un drôle de métier. Vous rêvez, puis vous croisez les doigts», commente Renzo Piano, visiblement soulagé du résultat.

Le Génois, qui a déjà réalisé aux Etats-Unis la Menil Collection de Houston, a encore plusieurs projets new-yorkais: le siège du New York Times, l'expansion du Whitney Museum, celle du campus de l'université de Columbia.

La Morgan, à côté de sa partie bibliothèque, souhaitait étendre sa partie musée et son ouverture au public. Après trois ans de travaux et 106 millions de dollars de budget, elle voit son espace de galeries doublé.

Le sous-sol accueille notamment une salle de concert de 300 places. Dans le pavillon de verre, une salle de lecture baignée par une lumière naturelle filtrée permet aux chercheurs, artistes ou toute personne ayant pris rendez-vous, de consulter les précieux manuscrits.

«Des manuscrits de la Renaissance, des partitions de Mozart, Beethoven, Schubert, Mahler, et même Bob Dylan!», énumère le directeur, Charles Pierce, pour qui cette expansion «souligne comme jamais les deux missions de la Morgan».

Toute sa vie, Pierpont Morgan amassa avec passion des milliers de trésors, parmi lesquels des enluminures du Moyen-Age, des gravures antiques du Moyen-Orient, des dessins de Canaletto ou Raphaël, des lettres de présidents, des éditions rares.

Une collection telle que son fils décida d'en faire dès 1924 une bibliothèque publique, qui s'est depuis étoffée de dons (par exemple le manuscrit de «Blowin' in the wind» de Dylan, ou les archives de Pierre Matisse, fils d'Henri).

Dès samedi, quelque 300 «Chefs-d'oeuvre de la Morgan» seront présentés dans une exposition inaugurale.

Comme la Frick Collection ou la Cooper-Hewitt (Musée du design) sur la 5e Avenue, la Morgan est aussi une occasion rare pour le public de jeter un oeil dans une grande maison patricienne new-yorkaise.

La salle à manger de la famille Morgan accueille ainsi le restaurant du musée, la salle de bal le magasin de souvenirs, tandis que la librairie a été installée dans une salle de réception d'origine aux boiseries provenant d'un château français.







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