LÉGISLATIF. En pleine discussion du projet de loi d'accélération des énergies renouvelables à l'Assemblée nationale, la ministre de la Transition énergétique Agnès Pannier-Runacher a annoncé avoir signé une circulaire destinée aux architectes des bâtiments de France pour "encadrer la manière d'instruire ces projets". L'éventuelle suppression de leur "avis conforme" avait fait réagir.

Lors des discussions sur le projet de loi d'accélération des énergies renouvelables (ENR) à l'Assemblée nationale, les députés et le Gouvernement ont abordé l'un des points de crispation du texte : le maintien ou non de "l'avis conforme" des architectes des bâtiments de France (ABF) pour lancer les projets d'ENR dans des zones patrimoniales.

 

 

Ce 9 décembre, l'exécutif a finalement accepté de sauvegarder cette prérogative des ABF, tout en leur demandant, par le biais d'une circulaire, d'être plus ouverts sur la question, d'après l'AFP. La ministre de la Transition énergétique Agnès Pannier-Runacher, qui porte ce projet de loi, a en effet expliqué devant les parlementaires avoir signé une circulaire "assez précise", destinée à ces architectes spécialisés, pour "encadrer la manière d'instruire ces projets", notamment pour l'installation de panneaux photovoltaïques.

 

Une circulaire pour "guider les travaux" des ABF

 

"On a un objectif de déploiement des ENR et c'est conciliable avec un certain nombre de précautions, avec la protection du patrimoine", a-t-elle assuré au sujet de cette circulaire qu'elle "vient de signer" avec sa collègue de la Culture, Rima Abdul-Malak. De leur côté, les députés ont voté un amendement "d'équilibre" du parlementaire de la majorité Bastien Marchive.

 

Ce texte maintient "l'avis conforme des ABF sur les projets architecturaux en zones protégées" tout "en intégrant les objectifs de développement des ENR et de rénovation énergétique des bâtiments aux critères qu'ils doivent prendre en compte dans la rédaction de leurs avis". Agnès Pannier-Runacher a apporté son soutien à cet amendement, évoquant au passage sa circulaire pour "guider les travaux" des ABF afin "qu'ils prennent en compte l'évolution des technologies, comme les tuiles solaires".

 

Le rapporteur Pierre Cazeneuve, appartenant lui aussi à la majorité, a d'ailleurs regretté qu'un "certain nombre d'ABF" tiennent encore "une position un peu dogmatique sur le sujet et bloquent un nombre important" de projets "photovoltaïques en toitures". Le consensus semble avoir malgré tout été au rendez-vous puisque l'amendement en question a été adopté.

 

Valorisation des déchets et "droit de préemption urbain" des collectivités

 

La suite des débats a cependant valu deux défaites au camp présidentiel : deux amendements de La France Insoumise visant à faciliter la saisine de la Commission nationale du débat public (CNDP) sur les projets d'ENR pour une meilleure "concertation" avec les citoyens ont été adoptés.

 

L'Assemblée a également voté en faveur de l'intégration à ce projet de loi, dédié aux ENR, la "valorisation des déchets", un "gisement d'énergie utile" d'après la députée macroniste Danielle Brulebois. LFI, les écologistes et une élue LIOT (Libertés, indépendants, Outre-mer et territoires) se sont prononcés contre, en soulignant que les déchets ne relevaient pas des ENR et qu'une telle mesure pourrait s'avérer contre-productive en incitant à produire davantage de déchets et à développer les incinérateurs.

 

Enfin, les parlementaires ont ratifié une mesure LFI pour étendre le "droit de préemption urbain" des collectivités territoriales dans les zones d'accélération des ENR que prévoit le texte. Une mesure sur laquelle pourrait toutefois revenir le Gouvernement, qui s'est trompé en donnant son avis. L'exécutif a en effet confondu cet amendement avec un autre, celui déposé par le socialiste Dominique Potier et également adopté, qui veut faire des zones d'activités économiques (Zac) des zones prioritaires pour l'essor des ENR.

 

Perspective "effrayante"

 

 

L'éventualité d'un amendement supprimant l'avis conforme des ABF avait suscité de l'inquiétude chez les architectes et les défenseurs du patrimoine. La présidente du Cnoa (Conseil national de l'ordre des architectes), Christine Leconte, ou encore l'animateur de télévision Stéphane Bern, à la tête de la Mission patrimoine, en avaient notamment appelé à Emmanuel Macron au travers d'une lettre ouverte publiée début novembre.

 

Les signataires y avaient rappelé que les secteurs placés sous contrôle des ABF "ne représentent que 6% de l'espace national" et que, par conséquent, "ne pourraient [y] être exposés que des équipements mineurs". Une perspective "effrayante" selon eux, à la fois "purement symbolique" sur le plan de la production énergétique et "dramatique" sur le plan culturel et esthétique.

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