ÉCONOMIE. Dans une analyse consacrée aux Prêts garantis par l'État, la direction générale du Trésor confirme que les entreprises bénéficiaires du dispositif ont certes augmenté leur endettement mais ont dans le même temps fait bondir leur trésorerie. Les différentes projections sur le sujet ne laissent donc pas craindre de difficultés majeures liées au remboursement. Au final, les opportunités du dispositif l'emporteraient même largement sur ses risques.

Les craintes formulées sur le remboursement des Prêts garantis par l'État seraient-elles relativement infondées ? Depuis quelques temps, un certain nombre de projections officielles, comme celles émanant de la Banque de France, estiment qu'un nombre infime d'entreprises se retrouveraient réellement en difficulté pour rembourser ce dispositif, mesure-phare de la batterie d'aides déployée par le Gouvernement pour soutenir les entreprises lors de la crise sanitaire.

 

 

Dans une analyse consacrée au sujet et publiée en ce mois de mars, la direction générale du Trésor (rattachée au ministère de l'Économie) rappelle que les PGE ont été lancés, à l'origine, pour apporter un besoin urgent de liquidité aux entreprises. D'après les données compilées et arrêtées à fin 2021, 145 milliards d'euros - sur les 300 milliards approvisionnés pour l'occasion par Bercy - de prêts ont été octroyés à plus de 700.000 entreprises. Plus des trois quarts de ce volume ont été attribués entre mars et juin 2020, soit au plus fort du premier confinement qui avait grandement paralysé le pays.

 

Le Trésor affirme également que les PGE ont principalement bénéficié aux plus petites structures "sans pour autant que les entreprises qui étaient les plus fragiles avant la crise y aient eu particulièrement recours". Très petites, petites et moyennes entreprises (TPE-PME) représentent en effet 99% des bénéficiaires et 77% des montants accordés. Grands groupes mis à part, le montant moyen des prêts accordés est de 180.000 euros, et 77% des sociétés bénéficiaires ont touché un prêt inférieur à 100.000 euros. Seuls 48 grandes entreprises se sont vus accorder un PGE, pour un montant total de 17 milliards d'euros.

 

Moins de 20% des entreprises du BTP ont souscrit un PGE

 

Le secteur de la construction a représenté 13,1% du total des bénéficiaires et 8,6% du montant total accordé. D'après des chiffres de BPI France (Banque publique d'investissement) et de l'Insee (Institut national de la statistique et des études économiques) recalculés par la direction générale du Trésor, 18,8% des entreprises du bâtiment et des travaux publics ont reçu un PGE, lequel a contribué pour 3,7% dans le chiffre d'affaires global de la filière.

 

Les statistiques sont plus faibles du côté des activités immobilières, qui n'ont pesé que pour 2,5% dans le total des bénéficiaires et 1,2% du montant total accordé. Selon les mêmes sources, 7,8% des entreprises du secteur ont souscrit un prêt, qui a représenté 2,2% du chiffre d'affaires total de l'immobilier.

 

On notera au passage que le secteur de l'énergie (électricité et gaz) n'a quasiment pas eu besoin de recourir au dispositif : les très rares prêts accordés aux 0,8% d'entreprises de cette filière qui en ont fait la demande représentent 0,1% du montant total accordé, pour une part dans le chiffre d'affaires sectoriel de 0,1% également.

 

Épargne de précaution

 

Si des critiques ont effectivement avancé que certains prêts avaient pu servir d'apport financier à des sociétés loin d'être en péril, d'autres voix ont rétorqué que les sommes avancées avaient permis d'éviter un trou d'air et avaient même, dans quelques cas, facilité des investissements. Une enquête menée par BPI France et l'institut d'études économiques Rexecode en mai 2021 a montré que 48% des sociétés interrogées ont utilisé leur prêt comme réserve de liquidité, 47% comme financement de leur fonds de roulement, 21% comme remboursement de dettes déjà contractées et 14% comme financement pour des investissements.

 

Et encore, tous les souscripteurs de PGE ne s'en sont pas forcément servi : en novembre 2021, 52% des structures sondées par une autre enquête ont déclaré avoir utilisé moins de la moitié de leur prêt, et 29% la quasi-totalité.

 

Les liquidités ont plus augmenté que les dettes sur le même laps de temps

 

 

Il s'avère en outre que plusieurs enquêtes ont démontré qu'un "grand nombre" d'entreprises ont demandé un PGE "par précaution" et n'ont, au final, consommé qu'une "faible proportion" du crédit qui leur avait été octroyé. Selon les données communiquées par la Fédération bancaire française, le taux de refus des dossiers éligibles ne s'est élevé qu'à 2,9%, preuve du succès rencontré par le dispositif.

 

"Par ailleurs, la substitution à d'autres dettes bancaires semble avoir été limitée", peut-on aussi lire dans le document du Trésor. Certes, l'endettement des bénéficiaires a inévitablement augmenté, mais leur trésorerie a bondi dans le même temps, stabilisant de fait leur niveau d'endettement net : "le poids médian des dettes dans le passif" est passé de 61% à 67%, mais parallèlement "la part médiane de liquidités dans l'actif" a doublé, passant de 12% à 24%.

 

Encore peu de remboursements

 

A priori, pas d'inquiétude donc pour les capacités de remboursement : "Seulement 5% des entreprises pensent qu'elles auront des difficultés à les rembourser. Par ailleurs, les estimations menées avec la Banque de France aboutissent à l'heure actuelle à un taux de pertes brutes attendues de 3%", précise le Trésor.

 

Jusqu'à présent, les remboursements sont néanmoins encore rares : à fin 2021, sur 647.000 PGE "pour lesquels les données relatives au choix de remboursement étaient disponibles", le Trésor indique que 11% ont été intégralement remboursés dès la première année, mais que 72% ont vu leur remboursement étalé sur 5 ans. Sur le total, plus de la moitié (57%) des prêts accordés ont été différés d'une année supplémentaire. "Ces choix de remboursement dépendent du secteur et de la taille des entreprises", nuance toutefois Bercy : 11% des sociétés employant moins de 50 salariés ont honoré leur dette dès la première année ; un chiffre qui monte à 16% pour les structures de plus de 50 salariés.

 

Impact très limité pour les caisses de l'État... et pour les fraudes

 

Quoi qu'il en soit, les entreprises ont encore jusqu'au 30 juin prochain pour demander (et donc se voir octroyer) un PGE. Mais au bout du compte, ce dispositif qui suscite encore méfiance voire inquiétude n'aurait pas un coût très élevé pour les finances publiques. La dernière estimation en date réalisée sur le sujet, en janvier 2022, prévoit un taux de perte brut de 3,1%, soit 4,6 milliards d'euros de pertes pour un encours final de 150 milliards. "Ces pertes brutes sont compensées par des gains, liés au paiement des commissions sur la garantie octroyée par l'État. Selon les prévisions, ces gains s'élèvent à 3,2 milliards d'euros, soit une perte nette de 1,4 milliard pour 150 milliards d'encours final", explique le Trésor.

 

Quant aux fraudes, il y en aurait eu finalement très peu. Renvoyant au rapport d'activité de Tracfin (service de renseignement de Bercy en charge de la lutte contre la fraude fiscale et le blanchiment d'argent) pour l'exercice 2021, le ministère rappelle que seuls six cas de fraudes ont été avérés sur la totalité des prêts octroyés, dont cinq pour la seule année 2021. Ce chiffre, "beaucoup plus faible que dans d'autres pays", témoignerait de "l'efficacité des garde-fous prévus dans le dispositif", à savoir le délai de carence de deux mois avant d'avoir la possibilité d'effectuer un appel en garantie, ainsi que le plafonnement de l'indemnisation à 90% du prêt.

 

En comparaison, l'administration britannique a estimé dans un rapport daté de décembre 2021 que les "bounce back loans", l'équivalent des PGE outre-Manche, avaient généré 4,9 milliards de livres sterling de fraude, soit environ 5,9 milliards d'euros.

actionclactionfp