ECONOMIE CIRCULAIRE. A l'aune de la future réglementation environnementale et du projet de loi sur la lutte contre le gaspillage, le réemploi des matériaux fait de plus en plus sens dans la construction. Comment les bailleurs sociaux s'en emparent-ils ?

S'il donne lieu à de plus en plus d'expérimentations, le réemploi de matériaux dans la construction neuve ou la réhabilitation représente encore une part minoritaire. Pour les bailleurs sociaux, cela tient entre autres aux limites posées par la réglementation, notamment auprès des assureurs. Mais aussi à un partage d'expériences qui émerge lentement.

 

Pour les bailleurs sociaux qui s'y mettent, les chantiers sont vus comme des démonstrateurs d'économie circulaire, mais également un moyen d'appréhender la future réglementation environnementale en terme de stockage du carbone. Lors du Congrés HLM, des bailleurs tels que Paris Habitat et la Meta, ou encore le promoteur Pierres et territoires affilié à Procivis, ont fait état de quelques retours d'expérience.

 

A La Caserne de Reuilly, vaste projet de 582 logements au cœur du 12e arrondissement, Paris Habitat a considéré que "la réhabilitation était déjà une forme de réemploi", affirme Isabelle Quet-Hamon, responsable du service Habitat durable auprès du bailleur parisien. Dans cette ancienne caserne, le projet mêlant réhabilitation et construction neuve a d'abord demandé une identification des matériaux qui pourraient éviter de passer par la filière déchets.

 

Mise en place d'outils spécifiques

 

C'est ainsi que les parquets, les ardoises mais aussi les radiateurs, portes et luminaires se sont réincarnés dans d'autres objets et espaces des nouveaux logements et espaces communes. Le bois massif des portes a par exemple été réutilisé dans les portes de placard ou charnières de la résidence étudiante. "Nous avons également récupéré tous les pavés de la Place d'armes, qui ont été envoyés en centre de reconditionnement et recoupés pour permettre l'accessibilité mais également la gestion de l'eau pluviale avec des pavés enherbés", précise Isabelle Quet-Hamon.

 

Afin d'élargir ces initiatives à d'autres opérations, Paris Habitat a "du mettre en place des outils spécifiques" notamment l'instauration des cahiers de clauses techniques et administratives particulières (CCTP et CCAP) et de bordereaux de suivi des matériaux.

 

Pour qu'une telle initiative de réemploi soit réussie, il faut que celle-ci soit anticipée avant même la déconstruction ou la réhabilitation, comme le souligne Yann Leclercq, chef de projet Innovation et développement à La Meta, un groupement d'intérêt économique basé dans la métropole lilloise.

 

300.000 tonnes de ressources issues de la déconstruction

 

Au sein de ce périmètre, le volume de matériaux exploitables a été estimé à plus de 300.000 tonnes, dans lequel le béton occupe une place écrasante (83%), loin devant la brique (13%), le plâtre, le bois ou le verre. Mais l'organisme co-détenu par Vilogia et Lille Métropole Habitat lorgne également si "les matériaux et matériels que l'on peut récupérer dès le déménagement des locataires, et qui peuvent soit repartir dans le circuit en l'état, soit faire l'objet d'une réparation simple pour être réutilisé dans un circuit de vente".

 

Preuve de l'actuelle mainmise du béton sur le secteur du réemploi, le projet résidentiel "Le Onze" à Chartres. Cet immeuble collectif de 12 logements abrite un projet pilote de mixité énergétique et de matériaux, mais surtout l'intégration de granulats de béton recyclé (GBR) dans la structure de l'édifice. Pour l'heure, la société fabricante de prémurs Spurgin Leonhart, ne peut injecter que 20% de GBR dans ses éléments. Mais les acteurs du bâtiment souhaitent que cette proportion soit revue à la hausse, en vue de promouvoir davantage le réemploi des matériaux, et d'emboîter le pas sur les futures exigences de la RE2020.

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