Conçue par les New-Yorkais comme un symbole de cohésion face au terrorisme, la reconstruction du World Trade Center est devenue une véritable foire d'empoigne.

Quatre ans après les attentats du 11 septembre, le site des tours jumelles demeure pour l'essentiel un trou béant qui semble adresser un reproche permanent aux planificateurs et aux hommes politiques.
Le Wall Street Journal résumait la situation dans un récent éditorial, en évoquant «la mort d'un rêve».

Dès sa conception, dans l'émotion créée par l'immense traumatisme subi par les Etats-Unis, l'effort de reconstruction, marqué par de nombreux faux départs, s'est enlisé dans les intérêts contradictoires et une rhétorique politique souvent creuse. Et le rêve a viré au cauchemar.
Le 4 juillet de l'an dernier, lors d'une cérémonie solennelle riche de symboles patriotiques à l'occasion de la fête nationale américaine, le gouverneur de New York, George Pataki, posait la première pierre de la «Tour de la Liberté», qui devait être le gratte-ciel phare du nouveau site.
«Que cette Tour de la Liberté montre à tous que le symbole de ce que nos ennemis ont voulu abattre ? notre démocratie, notre liberté, notre mode de vie ? s'élève encore plus haut qu'avant», s'était-il exclamé.
Mais, depuis cette date, les travaux n'ont même pas commencé et la conception de la tour a dû être complètement revue, la police new-yorkaise ayant fait remarquer, en mai, que l'édifice pourrait être vulnérable à une attaque au camion piégé.
Le simple fait qu'un défaut aussi fondamental n'ait pas été repéré et corrigé plus tôt témoigne du nombre et des intérêts parfois diamétralement opposés des organismes et individus impliqués dans le projet.
Parmi les principaux participants figurent la Lower Manhattan Development Corp., les autorités portuaires de New York et du New Jersey, la police de New-York, le détenteur du bail du site Larry Silverstein et le gouverneur Pataki, sans oublier les familles des 2.749 personnes ayant perdu la vie dans les tours jumelles.
Perdu au milieu de cette jungle commerciale et bureaucratique se trouve l'architecte Daniel Libeskind, dont le projet de reconstruction de "Ground Zero" avait été choisi à l'issue d'un concours international en 2003.
Mais l'architecte américain d'origine polonaise s'est trouvé de plus en plus marginalisé et son projet devenu quasiment méconnaissable.
Ses premiers plans avaient été bien accueillis, mais rejetés par M. Silverstein pour qui ils ne prévoyaient pas assez d'espaces de bureau.
Depuis le début, un débat oppose ceux qui souhaitent un lieu de mémoire et ceux pour qui ce qui se dressera à la place du World Trade Center doit être un lieu de travail en même temps qu'un symbole de renaissance.
M. Silverstein a imposé son propre architecte, David Childs, et un nouveau plan a dû être élaboré en décembre 2003, non sans acrimonie entre les deux concepteurs.
Le projet est retourné à la table de dessin une troisième fois, après la mise en garde de la police en mai, afin d'habiller la tour d'une protection d'acier et de titane contre les bombes.
Devant cette confusion, le milliardaire Donald Trump s'est invité dans le débat, proposant de tout reprendre au début et de reconstruire des tours jumelles, promettant bien à sa manière et sans modestie excessive, qu'elles seraient «plus élevées, mieux conçues et plus solides».
Les divergences ne portent pas seulement sur la Tour de la liberté, mais aussi sur le projet de complexe culturel qui doit comprendre un mémorial aux victimes du 11 septembre.
Des membres des familles ne souhaitent pas que ce complexe puisse aussi abriter des expositions sur les droits de l'homme ou l'esclavage.
«Les gens viendront pour le 11 septembre, pas pour s'instruire sur la démocratie en Ukraine ou le courage des moines tibétains», s'emporte Michael Burke, frère d'un pompier qui a perdu la vie au World Trade Center.


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