CHAUFFAGE. Quelles seraient les conséquences, en matière de choix d'équipements de chauffage, des nouveaux arbitrages favorisant l'électricité dans la future réglementation environnementale 2020 ? L'organisation Uniclima a planché sur le sujet pour avancer quelques tendances chiffrées et faire passer un message aux pouvoirs publics.

Alors que de nombreux acteurs s'alertent depuis quelques mois d'un possible retour en force de l'effet joule (ou convecteurs électriques) à l'occasion de l'entrée en vigueur de la future réglementation environnementale 2020, Uniclima apporte au débat des simulations réalisées par Valérie Laplagne, chargée de la chaleur renouvelable au sein de l'organisation. Elle les a présentées lors de la cinquième journée de la pompe à chaleur, ce 10 mars 2020, à Paris, en présence d'Emmanuel Acchiardi, sous-directeur de la qualité et du développement durable dans la construction à la DHUP, qui copilote la conception et la mise en place de la RE2020 avec les acteurs de la construction.

 

Deux messages passés pour éviter la massification de l'effet-joule

 

Uniclima s'est ainsi proposé à évaluer les conséquences concrètes de la modification de deux seuils, annoncée en janvier dernier par l'administration : la baisse du coefficient d'énergie primaire de l'électricité de 2,58 à 2,3, et celle du contenu carbone du chauffage électrique, passé de 210gCO2/kWh à 79g. L'organisation professionnelle a profité de la présence d'un responsable de l'administration pour faire passer deux messages : si l'on veut éviter la massification de l'effet joule en résidentiel, il faut muscler le seuil énergétique et imposer un niveau minimal de chaleur renouvelable.

 

 

Pour effectuer les simulations et parvenir à des résultats chiffrés, Uniclima est parti d'un modèle standard d'habitat en zone médiane (H2B), et a utilisé le moteur de calcul de l'expérimentation E+C-, censée préfigurer la RE2020, en évaluant les évolutions permises par la modification des deux facteurs. Pourquoi s'appuyer sur le moteur d'E+C- ? Car les simulations pour la future RE2020 sont en cours, et le moteur de calcul n'est pas encore disponible pour les acteurs - ce qu'Uniclima a d'ailleurs récemment déploré. Les résultats qui suivent ne traduisent donc pas ce qui se présentera concrètement avec la RE2020, mais constituent un avertissement à l'égard des pouvoirs public dans le souci de maintenir un "équilibre des solutions", autant pour la partie énergie que pour la partie carbone. "Avant les résultats des groupes modélisateurs, nous allons dévoiler quelques tendances", a précisé Valérie Laplagne. Les usages mobiliers de l'énergie ont été supprimés, puisque visiblement ils ne seront plus pris en compte dans la RE2020.

 

L'effet joule passe sous la barre du seuil 'énergie 2'

 

Sur la simulation en maison individuelle, Uniclima a choisi de se concentrer sur le seuil 'énergie 2' (E2) de l'expérimentation E+C-, qui correspond à la RT2012 -10%. Résultat des courses, toutes choses égales par ailleurs, la modification des deux facteurs avantagerait sans surprise les solutions électriques, notamment avec de l'effet joule. La solution "Pac air-air + effet joule + chauffe-eau thermodynamique + photovoltaïque", qui n'atteignait pas le seuil E2 avec les anciens critères, devient recevable en E2 avec les nouveaux (coefficient d'énergie primaire et contenu carbone du chauffage électrique). "Si l'on veut garder l'équilibre des solutions, et si l'on souhaite éviter d'avoir de l'effet joule dans toutes les zones, il faut bien sûr que le seuil énergie soit renforcé du rapport du facteur d'énergie primaire", commente Valérie Laplagne. Ce qu'Uniclima chiffre à un niveau 'énergie 2' renforcé de 11%.

 

En matière d'impact carbone sur la même maison individuelle, que disent les calculs ? Sans surprise, avec les nouveaux arbitrages, les solutions électriques sont favorisées : -37% pour l'effet joule sur le bilan exploitation, -27% avec la Pac double services air-eau. "Si l'on regarde le bilan carbone total, l'impact est plus mesuré, avec -9% pour la solution effet joule et -6% avec la Pac", détaille Valérie Laplagne.

 

Une exigence en chaleur renouvelable jugée importante

 

En logements collectifs, la tendance est bien sûr la même : en énergie, la solution effet joule passe en 'énergie 2' du fait des nouveaux arbitrages. En impact carbone sur l'exploitation, ils permettent également de diminuer le bilan de 41% pour la solution effet joule, et de 24% pour une pompe à chaleur double services eau de nappe-eau (respectivement -14% et -5% pour le bilan carbone total). "Si l'on voulait mettre l'exigence sur le carbone exploitation à la place d'une exigence de chaleur renouvelable, on aurait un problème", assure Valérie Laplagne. "Il faudrait que les solutions renouvelables passent toutes, et il faudrait éviter qu'une part importante soit apportée à l'effet joule. Notre sentiment est qu'il y a nécessité d'instaurer une exigence en chaleur renouvelable."

 

"La Pac hybride a des atouts indéniables"

 

L'idée de passer au tout électrique en chauffage est une donnée qui questionne d'ailleurs de nombreux acteurs de la filière du chauffage, y compris Eric Bataille, président de l'association française de la pompe à chaleur (Afpac). "Il peut être embêtant de se mettre à chauffer l'ensemble des logements à la Pac, dans la mesure où il faudra être capable de gérer le réseau électrique, il faudra qu'il tienne, et que l'on puisse assurer le confort des usagers", a-t-il observé durant l'évènement. "Il faut aussi rappeler que pour cela, la Pac hybride a des atouts indéniables, il faut peut-être, au niveau réglementaire, trouver le moyen de pousser ce type de solutions."

 

Un point de vue appuyé par celui de Marjolaine Meynier-Millefert, députée LREM et copilote du plan de rénovation énergétique des bâtiments, également présente. "Nos politiques ont tendance à beaucoup soutenir les solutions électriques, avant de songer à l'efficacité énergétique : c'est une réalité budgétaire", a-t-elle posé. "Je ne crois pas que cela ait vraiment du sens pour les ménages d'avoir cette priorité mise sur la production par rapport à la sobriété. Nous devons basculer vers plus d'économie d'énergie et des factures de chauffage moins élevées." Pour la parlementaire, passer au tout électrique pour le chauffage posera problème. "Il faudrait plutôt instaurer un système permettant de remplacer les anciens équipements électriques par de nouveaux systèmes plus performants comme les Pac." Mais aussi, pour ce qui est non-électrique à la base, soutenir les solutions de chaleur renouvelable. "Nous pourrions ainsi répondre à l'appel de puissance, surtout en période de pointe."

 

Autant d'arguments qui seront une nouvelle fois avancés lors de la prochaine séquence de concertations avant la mise en place des seuils définitifs de la RE2020, dans quelques mois.

 

Pour Élisabeth Borne, le coefficient d'énergie primaire est "anormalement favorable au gaz"
C'est un phrase d'Élisabeth Borne dans son récent entretien au quotidien Libération : "Dans la future réglementation environnementale 2020, nous corrigeons un coefficient anormalement favorable au gaz qui, lui, émet des gaz à effet de serre." Questionné au sujet des inquiétudes de l'association Négawatt, elle réagir en disant trouver "surprenant que des gens qui veulent réduire les émissions de gaz à effet de serre soient contre l'électricité" - l'association en question se disant surtout opposée au retour massif des convecteurs électriques dans les logements, non à l'électricité en tant que telle. "L'électricité est largement décarbonée : le nucléaire et les énergies renouvelables ont pour point commun de ne pas émettre de GES", observe la ministre.

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