CRITIQUES. La réunion plénière du Conseil supérieur de la construction et de l'efficacité énergétique (CSCEE) a débouché, ce 26 janvier 2021, sur un vote favorable au projet qui avait été soumis par le président de l'organisme, Christophe Caresche, contacté par Batiactu. Malgré tout, l'opposition de plusieurs acteurs majeurs reste forte.

La réunion plénière du Conseil supérieur de la construction et de l'efficacité énergétique (CSCEE) de ce jour a donné lieu à un vote favorable. Les acteurs devaient se prononcer sur le projet d'avis RE2020 rédigé à la suite d'une première réunion plénière qui s'était tenue le 12 janvier dernier. Ce projet contenait notamment 13 propositions d'amendements qui ont été, d'après nos informations, maintenues. Mais l'opposition reste forte, comme en témoigne la distribution des votes : 13 favorables, 11 défavorables, 2 abstentions. C'est donc à présent au Gouvernement de se montrer, ou non, à l'écoute de la profession en intégrant, ou non, ces amendements au projet réglementaire.


L'État veut "aller au bout de la concertation"

 

Christophe Caresche, président du CSCEE, voit dans ce vote une étape "positive" dans la négociation entre les acteurs et les pouvoirs publics, comme il l'explique à Batiactu. Il constate toutefois que l'inquiétude reste présente au sein des fédérations professionnelles. "L'avis qui a été voté insiste sur le fait que les acteurs partagent l'ambition de la RE2020. Mais le vote a été obtenu à une courte majorité, et l'avis contient les 13 amendements que nous demandons au Gouvernement, qui reprennent à mon avis l'essentiel des points de discussion, visant notamment à rendre l'application du texte plus progressive." Le Gouvernement devrait à présent se prononcer sur cet avis, et éventuellement prendre en compte certaines demandes de la profession. Christophe Caresche se dit "optimiste" sur ce plan-là. "Les ministres ont reçu de nombreuses organisations, ces dernières semaines, en bilatéral. Il y a de la part de l'État une volonté d'aller au bout de la concertation." Les ministres sont toutefois, on le sait, contraints par les objectifs nationaux de la stratégie bas carbone. "Le Gouvernement apportera des réponses sans dénaturer l'ambition de sa réglementation", résume le président du CSCEE, qui espère également l'introduction d'une clause de revoyure, qui permettra d'ajuster au fil du temps le dispositif.

 

 

Alors même que le CSCEE procédait au vote, un communiqué de presse a été diffusé, signé conjointement par plusieurs des acteurs majeurs du secteur : promoteurs constructeurs tout (FFB, Capeb, Fédération des promoteurs immobiliers, Union sociale pour l'habitat), mais aussi les architectes (représentés par leur syndicat, l'Unsfa), et les économistes de la construction (Untec). Intitulé "Pour une RE2020 véritablement ambitieuse, humaine, abordable et durable", le communiqué déplore notamment une concertation inaboutie, l'absence d'étude d'impact sérieuse et dont la crédibilité ferait l'unanimité. Les professionnels concernés en appellent ainsi à une "concertation technique", assurant qu'une "adhésion massive" du secteur était impossible au vu des dispositions actuelles.

 

Des filières menacées d'exclusion du marché du neuf

 

En effet, d'après les signataires, la RE2020 envisagée entraînerait un "inconfort d'été", le blocage d'opérations "condamnées par le poids carbone des infrastructures imposées par les PLU", mais verrait aussi la fin du recours au gaz en chauffage et de radiateurs électriques à effet joule "performants, fut-ce d'appoint". En structure, les filières maçonnerie et acier seraient également menacées d'exclusion du marché.

 

"Nous ne souhaitons pas échapper à la RE2020, mais un petit temps d'adaptation", Marianne Louis (Union sociale pour l'habitat)

 

Marianne Louis Assises
Marianne Louis, directrice générale de l'USH aux Assises du Logement le 24 juin 2019. © Anouar Hendrixx / Contre-jour

 

Batiactu : Le Conseil supérieur de la construction est censé rendre un avis, ce 26 janvier, sur les projets de texte RE2020. Comment l'USH se positionne-t-elle à ce sujet ?

 

Marianne Louis : Nous sommes prêts à aller chercher un compromis avec le Gouvernement, et nous sommes convaincus qu'il faut aller vers la RE2020 et la prise en compte du carbone, dans le cadre de la stratégie nationale bas carbone. Mais nous sommes aussi maîtres d'ouvrage, qui devons répondre à une demande très forte de logements sociaux (deux millions de demandeurs aujourd'hui). Or, la production de logements sociaux est très encadrée, il existe une contrainte financière forte avec la fixation de loyers à un niveau bas. Si le coût de construction augmente, c'est simple, nous devrons construire moins, et la liste des demandeurs continuerait de croître. C'est notamment sur ce point que nous alertons les pouvoirs publics.

 

Batiactu : Que demandez-vous, concrètement ?

 

M.L. : Nous souhaitons le report de l'entrée en vigueur de la RE2020 douze mois après la publication des textes, soit en mars 2022. Les professionnels doivent se préparer. Nos projets de construction s'anticipent trois, quatre ans à l'avance. Si l'application de la RE2020 arrivait trop tôt, nous devrions, sur un certain nombre de projets, faire marche arrière. Notre posture est pragmatique : nous voulons que la RE2020 marche.

 

Une autre demande importante concerne le besoin bioclimatique (Bbio), que nous souhaiterions voir aménagé (vingt points plutôt que trente points) ; sur les autres indicateurs, nous souhaiterions, non pas revoir l'objectif ou baisser l'ambition, mais rendre l'obligation plus progressive, que cela soit pour les consommations d'énergie primaire (renouvelable et non renouvelable) et les seuils carbone. Nous ne souhaitons pas échapper à la RE2020, nous souhaitons un petit temps d'adaptation. On nous parle d'installer des pompes à chaleur : mais trouverons-nous dans l'immédiat les installateurs pour le faire ? Idem pour la construction bois, filière que les bailleurs sociaux aident à se structurer depuis des années - nous avons été très engagés dans l'expérimentation E+C-. Si les filières ne sont pas prêtes, cela risque d'accélérer la hausse des coûts par un déséquilibre entre l'offre et la demande. Dans ce cas, les premières victimes seraient des projets de logements sociaux, n'en doutons pas. Et, si la RE2020 entraîne un surcoût, eh bien mettons-nous autour de la table, objectivons-le. Nous nous tournerons ensuite vers nos financeurs pour trouver des marges de manœuvres.

 

Batiactu : Avez-vous fait passer ces messages au Gouvernement ?

 

M.L. : Notre présidente Emmanuelle Cosse [qui a lancé l'expérimentation E+C- lorsqu'elle était ministre, NDLR] a rencontré Barbara Pompili la semaine dernière pour lui faire part de nos demandes. Il ne faut pas oublier que les bailleurs sociaux détiennent leurs logements pour cinquante ans au minimum. Nous sommes ainsi tout à fait conscients du fait qu'ils nous faut les bâtir dans la trajectoire bas carbone. Nous avons un intérêt de long terme sur notre patrimoine. Il faut donc que la RE2020 impose des règles réalistes. Bien sûr, la ministre affirme une ambition forte, et c'est son rôle ; mais le Gouvernement devrait s'appuyer sur les professionnels. Il est important de fixer un cap, mais il faut aussi faire confiance aux gens dont construire est le métier.

 

(1) Union sociale pour l'habitat, Fédération promoteurs immobiliers de France, Pôle habitat (FFB), Fédération française du bâtiment (FFB), Fédération Scop BTP, Capeb, Unsfa, Untec.

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