L'objectif de suppression de certaines qualifications n'a pas été abandonné, y compris pour le secteur du bâtiment, assure Bercy ce mercredi. Or, la FFB croit savoir que le bâtiment serait épargné... Le projet de loi Sapin II, présenté en Conseil des ministres, a encore du chemin à faire. Réactions.

Le projet de loi Sapin II -baptisé en référence à un premier texte de loi anticorruption porté en 1993 par le ministre des finances, Michel Sapin- dévoilé, mercredi 30 mars en Conseil des ministres entre en scène quelques jours après la présentation de la loi de réforme du code du travail défendue par Myriam El Khomri.

 

 

Ce projet de loi relatif à la "Transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique" prévoit la création d'un service chargé de la prévention et de l'aide à la détection de la corruption ainsi que l'obligation, pour les grandes entreprises, de mettre en place un dispositif de prévention de la corruption, rappelle le Conseil des ministres dans un communiqué. Mais, cette feuille de route englobe aussi une série de mesures qui s'inspire de la stratégie pour les "nouvelles opportunités économiques", acronyme de "#Noé", dévoilée le 9 novembre dernier par Emmanuel Macron, à Bercy.

 

Niveau de qualification, stage de pré-installation, assouplissement des seuils de la micro-entreprise et délais de paiement. Voici les principales mesures qui concernent l'artisanat du bâtiment.

Qualifications professionnelles

"Quand on regarde le numérique partout dans le monde, il se développe en créant des opportunités pour les qualifications les plus faibles", avait expliqué Emmanuel Macron le 9 novembre dernier dans son discours à Bercy. En France, nous avons encore beaucoup trop de rigidités." Et de citer l'obligation "d'avoir un local pour développer une activité de garde à domicile, d'avoir tel diplôme alors que ce qu'on fait n'est pas couvert par ledit diplôme".

 

Dans ce nouveau projet de loi, l'objectif de suppression de certaines qualifications n'a pas été abandonné, y compris pour le secteur du bâtiment, a précisé Michel Sapin ce mercredi à Bercy. Le texte ne contient toutefois pas une liste exhaustive des professions visées.

 

"C'est par la concertation avec les représentants des secteurs concernés, que la liste sera déterminée, avant d'être présentée par décret en Conseil d'Etat", a précisé Bercy. La réponse n'a pas changé pour le ministère depuis novembre dernier : "Tenir compte des risques que l'activité présente pour le consommateur en termes de santé et de sécurité."

 

"La raison est revenue", se réjouit pourtant Jacques Chanut, président de la FFB, ce mercredi. Selon lui, le bâtiment serait épargné par "cette fausse bonne idée." Toujours selon ses sources, seul le métier de ramoneur figurerait dans la liste au titre du bâtiment. "Mais quid des assurances ?", s'étonne-t-il.

 

De son côté, Patrick Liébus, président de la Capeb, s'interroge sur ce texte : "Je crains surtout que certaines professions soient saussiçonnées. Sans oublier que cela passera par décret ! Si le Gouvernement continue dans ce sens, il se prépare des jours mauvais dans l'artisanat du bâtiment."

 

Rappelons que François Hollande a officiellement soutenu le 18 janvier dernier au Cese, la volonté d'Emmanuel Macron d'assouplir les qualifications requises pour exercer certains métiers. "Développer le travail indépendant ce n'est pas remettre en cause le travail salarié, avait-il indiqué. Le Gouvernement compte alors ouvrir dès cette année des "modalités de justification de la qualification artisanale pour permettre au maximum de personnes d'y accéder."

Stage préalable à l'installation

Comme l'a également précisé François Hollande au cours du même discours aux acteurs de l'emploi et de l'entreprise, les règles du stage préalable à l'installation (SPI) sont remaniées. Les nouveaux artisans pourront désormais suivre ce stage après l'immatriculation de leur entreprise, "dans le cas où le stage proposé débuterait plus d'un mois après le dépôt de la demande d'immatriculation". Ce stage est ainsi imposé par la loi ACTPE Artisanat-Commerce-TPE, dite Loi Pinel du 18 juin 2014.

 

Par ailleurs, de nouveaux cas de dispense sont instaurés. Ils concernent les "créateurs d'entreprise artisanale ayant bénéficié d'un accompagnement à la création d'entreprise délivré par un réseau d'aide à la création d'entreprise certainement labellisé par l'Etat ou ayant déjà bénéficié de formations à la gestion suffisantes", poursuit Bercy.

 

Effets de seuils et micro-entreprise

Selon le projet de loi, un micro-entrepreneur dépassant le seuil de chiffre d'affaires de la micro-entreprise pourra continuer à bénéficier de ce régime pendant deux ans. Par ailleurs, le régime micro sera ouvert "aux EURL qui respectent les limites de chiffre d'affaires des micro-entreprises". Enfin, les entrepreneurs ayant choisi un régime réel d'imposition pourront décider chaque année de rester sur cette option ou de revenir au forfait micro. Rappelons que l'option "réel" peut être réactivée ou désactivée tous les deux ans seulement.

Délais de paiement

Outre la lutte contre la corruption, les abus de marché, le renforcement de la sécurité et de la transparence des opérations sur produits dérivés et le passage de un an à six mois du délai d'encaissement des chèques, le texte du Gouvernement durcit les sanctions au sujet des délais de paiement. Concrètement, le plafond par amende passe de 375.000 euros à 2 millions d'euros. De plus, les amendes seront cumulables, ajoute le texte. A noter également que "toutes les amendes infligées aux entreprises dans le cadre des contrôles de la DGCCRF" seront désormais publiées.

 

L'UPA voit rouge le projet de loi Sapin II
L'UPA, organisation patronale des artisans et des commerçants, a vivement critiqué ce mercredi ces mesures y voyant surtout une "façon de brader l'artisanat et le commerce de proximité".

 

A propos du futur décret sur le nombre d'activités soumises à l'obligation de qualification, l'UPA refuse "totalement que les savoir-faire professionnels soient relégués au rang d'activités subalternes."

 

L'organisation déplore par ailleurs "la volonté d'assouplir les règles de stage préalable à l'installation (SPI), obligatoire pour pouvoir démarrer son activité, en permettant de suivre ce stage après l'immatriculation au répertoire des métiers de l'entreprise." Enfin, le syndicat patronal se dit "inquiet" de la mesure sur le régime des micro-entrepreneurs (anciennement auto-entrepreneurs), qui leur permet de continuer à bénéficier du régime fiscal simplifié au forfait encore deux ans après le franchissement d'un seuil. Cela "prépare de manière déguisée le doublement du plafond de chiffre d'affaires de la micro-entreprise".

 

 

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