Dans un contre-rapport publié, jeudi 4 septembre, les notaires toujours dans la ligne de mire de Bercy répondent aux réformes proposées par le Gouvernement. Au-delà des "erreurs de méthodologie ou de calcul", le document pointe la survalorisation par l'IGF de la rentabilité des actes immobiliers ainsi que la rémunération moyenne annuelle du métier. Ainsi, les 9.500 notaires français sont appelés à se rassembler le 17 septembre à Paris.

Professions réglementées, acte 2. Après avoir appris en juillet dernier, qu'ils figuraient bien dans le viseur de Bercy, - à l'instar de 37 autres autres professions comme les architectes ou les artisans - les notaires ont décidé de contre-attaquer le rapport de l'Inspection générale des finances (IGF) et les projets de réforme de l'exécutif, perçus comme une sérieuse menace pour leur profession. Une riposte qui se traduira par une manifestation, le 17 septembre prochain à Paris*, une première dans l'histoire de la profession.

 

 

"D'autant que le nouveau ministre de l'Economie, Emmanuel Macron, a dit dès sa prise de fonction qu'il souhaitait poursuivre le travail de réforme annoncé par son prédécesseur sur les professions réglementées", nous indique Laurent Mompert, porte-parole du Conseil supérieur du notariat (CSN).

"Le droit n'est pas une marchandise comme les autres"

Avant de pointer du doigt le Gouvernement : "Or, la méthode est plus que condamnable car on nous présente comme des rentiers dans ce document, ce qui est faux. Le seul véritable rentier dans cette histoire, c'est l'Etat, qui s'octroie 6 % des droits d'enregistrement sur les transactions immobilières. On parle de restituer du pouvoir d'achat aux Français, mais si l'Etat baissait ne serait-ce que d'un point et demi ces droits d'enregistrement - qu'il vient d'augmenter au mois de mars 2014 -, ce serait 1,5 milliard d'euros qui pourraient être redistribués aux Français. Je le répète : le droit n'est pas une marchandise comme les autres."

 

Pour les notaires, qui ont rédigé un "contre-rapport" de 127 pages, le texte de l'IGF "ne peut servir de fondement à une réforme de la profession, de son organisation, de son tarif, et de ses domaines d'intervention", poursuit Laurent Mompert.

 

Alors que le rapport de l'IGF propose de faire baisser de 20% la tarification des actes immobiliers, le CSN répond dans sa note de synthèse que la "charge de travail liée aux modifications de législation a augmenté et que cette baisse n'est pas justifiée."

 

"La modification de la législation de la fiscalité, du logement et de l'urbanisme a augmenté considérablement la charge de travail dans les études depuis quatre ans, année retenue par l'inspection pour déterminer les prix de revient", explique-t-il également. Par ailleurs, d'après l'IGF, la rentabilité d'une vente immobilière serait atteinte en Île-de-France pour un prix de 50.000 euros, le CSN corrige ce chiffre à 270.000 euros.

70 % des actes non rentables

Le CSN conteste également la rémunération moyenne de la profession avancée par l'IGF, qui s'élèverait à 190.812 euros par an (Ndlr : Source fisc 2010) pour un notaire titulaire, soit 13.284 euros par mois. Et au CSN d'ajouter: "Depuis la crise économique sévit et aujourd'hui 10 % des études n'ont pas réalisé de bénéfices depuis le début de l'année."

 

De plus selon l'instance du CSN, si certains actes sont effectivement très rémunérateurs, ils compenseraient selon les notaires le fait que "la majeure partie des ventes est réalisée à perte pour le notariat [...] et notamment les plus modestes".

 

"Notre travail est parfois plus compliqué pour la vente d'une cave que pour un appartement, reconnaît Laurent Mompert. Nous donnons souvent des conseils gratuitement et 70 % des actes réalisés par les notaires ne sont pas rentables. Ils sont du coup compensés par d'autres actes plus rémunérateurs. Il faut bien se rendre compte qu'il y a deux logiques dans ce choix politique, une logique de marché défendu dans le document de l'IGF, qui comptabilise tout et où c'est celui qui a le plus de moyens qui sera le mieux servi. Et une logique de service public, que nous défendons, avec un tarif redistributif qui permet de sous-facturer certains actes pour les plus démunis en le compensant par ailleurs."

 

10.000 emplois menacés dans la profession ?

Autre point de tension : la "libre installation" proposée par le rapport. "Nous la refusons car elle serait synonyme d'anarchie dans le maillage territorial que nous assurons. Nous ne sommes pas contre une augmentation maîtrisée du nombre de notaires. 1.000 notaires pourraient être nommés rapidement et ceci permettrait aux notaires assistants d'accéder à la profession", souligne Laurent Mompert. Près de 400 installations sont recensées par an pour 1.000 nouveaux diplômés en moyenne. Aussi pour le CSN, la libre installation n'est pas compatible avec les garanties de contrôle et les contraintes de service public qui s'imposent à la profession. Au final, la profession, est menacée : "Près de 10.000 collaborateurs sont visés. Si la loi est votée dans les prochains mois, il y aura forcément de la casse !"

 

*15.000 professionnels sont attendus le 17 septembre à Paris lors d'un rassemblement "digne et solennel"
Pour mieux faire passer "l'exaspération des notaires", les 9.500 notaires français sont appelés à se rassembler le 17 septembre prochain à Paris, à 14 heures sur la place de la République afin de protester contre les projets de libération de leur métier. "Ce sera un rassemblement digne et solennel où l'on attend près de 15.000 notaires et collaborateurs ce jours-là, nous confie Laurent Mompert. Des notaires de la République venus de toute la France exprimeront ainsi leur mécontentement."

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