RÉNOVATION ÉNERGÉTIQUE. L'État se montre très intéressé par le déploiement de l'auto-rénovation, où les ménages réalisent eux-mêmes leurs travaux de rénovation énergétique.

En mai dernier, l'Agence nationale de l'habitat (Anah) proposait de creuser l'idée d'encourager les ménages à l'auto-réhabilitation. L'organisme qui gère MaPrimeRénov' (MPR) envisageait même d'inclure ce type de public dans le champs d'application de l'aide financière. C'est à présent le ministère du Logement, ce 3 octobre 2023, qui vient de faire part de son intérêt marqué pour cette forme de rénovation. "Le Gouvernement juge pertinent de s'intéresser au phénomène d'auto-rénovation, et en particulier à celui de l'auto-rénovation accompagnée (ARA), correspondant aux rénovations réalisées par le propriétaire lui-même, accompagné et conseillé par un professionnel du bâtiment", peut-on ainsi lire dans une réponse écrite ministérielle, à la suite d'une sollicitation sur le sujet de la députée LR Marie-Christine Dalloz.

 

L'État envisage la création d'aides financières

 

En effet, pour les pouvoirs publics, cette technique a le potentiel pour répondre à de nombreux freins rencontrés sur le terrain : "contrôle de la qualité des travaux, sécurité des non-professionnels, intégration des artisans locaux, etc." Cela pourrait par ailleurs décupler le nombre de projets de rénovation énergétique en mobilisant une nouvelle population sur le sujet. Le ministère ferme toutefois la porte à ce que ces particuliers bénéficient de MPR, comme l'envisageait l'Anah, pour la bonne et simple raison que cette aide financière est conditionnée à l'obtention du label RGE. Mais la porte est ouverte à un autre type de soutien financier public, précise le ministère.

 

"Ce ne sont pas les particuliers qui nous permettront d'atteindre les objectifs", J-Ch.Repon (Capeb)

 

L'idée de développer l'auto-réhabilitation accompagnée (ARA) fait, logiquement, l'objet de critiques de la part de la Confédération de l'artisanat et des petites entreprises du bâtiment (Capeb). "Ces propos du ministère du Logement sont inaudibles", réagit Jean-Christophe Repon, son président, auprès de Batiactu. L'organisation professionnelle estime avoir fait, ces derniers mois, des propositions permettant d'attirer en masse les artisans sur le marché de la rénovation énergétique, tout en assurant la qualité des interventions (mise en place d'un système de contrôles post-chantier et RGE "chantier par chantier", notamment).

 

"Sur plus de 1.000 chantiers étant passés par l'expérimentation du RGE au coup par coup, il n'y en a quasiment pas sur lesquels a été constatée un écart de qualité", assure-t-il. Preuve, selon lui, de la bonne compétence des artisans, y compris ceux qui ne sont pas RGE. "Est-ce que l'on veut atteindre les objectifs environnementaux que l'on s'est fixés ? Si oui, ce n'est pas avec les particuliers que nous allons y parvenir, c'est avec les artisans, dont c'est le métier. Pourtant, aujourd'hui, nous nous retrouvons avec d'un côté des artisans qui peuvent faire les travaux, mais qui sont contraints par le RGE ; et d'un autre, on aurait des particuliers qui pourraient réussir là où l'artisan a échoué ?"

 

Il pointe enfin le paradoxe qu'il y aurait à demander à des artisans d'accompagner des particuliers, alors même que les pouvoirs publics semblent mettre en doute les compétences de ces mêmes artisans en matière de rénovation énergétique.

 

L'État fait également savoir qu'une expérimentation avait été menée par l'Anah avec l'association des compagnons bâtisseurs, faisant l'objet d'une analyse actuellement. Objectif : trouver des "moyens" permettant de "lever les obstacles actuels au développement de l'auto-réhabilitation accompagnée". Cette pratique est aujourd'hui relativement répandue. D'après l'enquête Tremi de 2020, citée par le ministère, 29% des travaux de rénovation énergétique réalisés entre 2017 et 2019 ont fait intervenir de l'auto-rénovation. Par ailleurs, selon l'Ademe, les années de crise sanitaire ont "fortement accéléré" cette pratique, qui s'est traduite avec une hausse des ventes de matériels dans les magasins de bricolage. Une dynamique sur laquelle l'État envisage donc de surfer, au vu des centaines de milliers de rénovations performantes qu'il faudra réaliser dans les années à venir.

 

Il ne faut pas "promouvoir l'amateurisme", O. Salleron (FFB)

 

La Fédération française du bâtiment (FFB), par la voix de son président Olivier Salleron, appelle à ne pas "promouvoir l'amateurisme dans un domaine où plus que jamais nous avons besoin de compétences acquises et mises régulièrement en pratique". L'organisation professionnelle, à la suite de la publication de notre article, a réagi par communiqué de presse. "Qui assurera les propriétaires en cas de travaux mal réalisés ? Pour développer le marché, il serait plus judicieux d'élargir les critères d'éligibilité de MaPrimeRénov' à un plus grand nombre de Français."

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