BOIS. Le groupe Gipen, spécialiste dans la fabrication de charpentes et de structures bois, s'inquiète des difficultés d'approvisionnement en bois. Ces perturbations sont liées à la crise du coronavirus, comme l'explique à Batiactu Luc Charmasson, président du comité stratégique de la filière bois.

Le groupe Gipen s'inquiète. Dans une lettre ouverte à ses clients et partenaires publiée mi-mars sur les réseaux sociaux, le leader de la construction bois constate les difficultés de s'approvisionner en bois et en pièces métalliques. Des tensions qui durent depuis septembre dernier et qui ne font que s'accroître, sous l'effet de chaînes de production et de circuits logistiques internationaux perturbés par la crise sanitaire. "Nos fournisseurs ont été incapables de reconstituer les stocks de sciage non réalisés durant le confinement et tous les approvisionnements sont réalisés aujourd'hui à flux tendu", souligne dans ce texte le président du groupe Gipen, Thomas Charmasson.

 


Pénuries : le risque de "chantiers systématiquement à perte" pour les entreprises

 

La fédération française du bâtiment, lors d'une conférence de presse qui s'est tenue ce 23 mars 2021, a également alerté sur les diverses situations de pénurie. "La nouvelle menace que l'on connaît depuis le début de l'année, c'est le déséquilibre entre l'offre et la demande, et donc l'envolée des coûts, d'abord pour le cuivre et l'acier (+45% sur le prix de l'acier !), et maintenant pour le bois, le PVC, le polyuréthane et le polystyrène", a ainsi assuré Olivier Salleron, son président. Cette situation concerne aussi visiblement des matériels plus techniques, électriques, avec des composants en silicium, arrivant "aussi quasiment au point de rupture de stock". Pour la FFB, le danger serait d'en arriver pour les entreprises à "des chantiers systématiquement en pertes". Les éléments de bois structure sont également concernés, d'après la fédération. "Nous avions déjà mis en garde sur ce point - et on s'était fait tancer pour cela - lors des arbitrages de la RE2020 sur la place accordée au bois", remarque Olivier Salleron. "Les constructions bois, aujourd'hui, représentent entre 6 et 10% des chantiers, mais c'est avéré : ça va bloquer ! Dans quelques semaines, des chantiers pourraient être bloqués, et cela risque de durer plusieurs mois et d'entraîner des pénalités de retard."

 

"La situation s'aggrave de jour en jour et nous risquons dorénavant des arrêts matières ou pénuries dans nos cycles de fabrication qui peuvent à tout moment impacter nos délais de fabrication. Face à cette situation, nous ne pouvons plus garantir les délais de livraison", a-t-il ajouté.

 

Des usines à l'arrêt

 

À l'origine de cette crise, celle du coronavirus, qui a poussé les usines à arrêter de produire durant deux mois. "Les perturbations qu'on observe sont à l'échelle mondiale", atteste Luc Charmasson, président du comité stratégique de la filière bois, contacté par Batiactu. "Le fait que l'ancien président des États-Unis Donald Trump ait arrêté de commercialiser avec le Canada a perturbé le marché. Les entreprises américaines se fournissent en Europe et, de ce fait, l'Europe doit se fournir au Canada." En outre, la demande de bois en France a augmenté, avec l'engouement des Français pour l'aménagement intérieur, l'ameublement ou encore le bardage. "Les Français consomment davantage pour refaire leur maison", constate Luc Charmasson.

 

 

À tout cela, s'ajoutent des problèmes de distribution. "Les délais ont été multipliés par dix", s'exclame le président du comité stratégique de la filière bois. "Ils sont désormais de 10 à 12 semaines pour tous les bois, qu'ils soient lamellé collé, contre collé, KVH, bois massifs en sections hors standards, bardages en section hors standard ou essence particulière." Inévitablement, ces retards entraînent une hausse des prix des matières premières. "Entre 10 et 30% selon les bois", estime Luc Charmasson. "La pénurie est davantage liée aux produits d'ingénierie semi-transformés, comme le contre-plaqué. Des produits intermédiaires nécessaires aux industriels, qui étaient déjà parfois difficiles à trouver." De son côté, le groupe Gipen évalue l'augmentation du m3 entre 20 à 50 euros, selon les essences de bois. Le prix des accessoires métalliques et conducteurs bondit, lui, de 8 à 12%.

 

Retard dans les chantiers

 

Ces ralentissements impactent forcément les chantiers et entraînent parfois des pénalités de retard pour les entreprises. "J'ai saisi récemment monsieur Bruno Le Maire à ce sujet, pour demander à lever les pénalités de retard, du moins, pendant un ou deux mois", ajoute Luc Charmasson.

 

Ces pénuries s'ajoutent à la demande croissante de s'approvisionner en bois, conformément à la prochaine réglementation environnementale 2020, qui entrera en vigueur en 2022. "C'est une belle initiative de l'État et la demande en bois va augmenter annuellement de 10% ces prochaines années, mais la France doit investir pour développer la filière du bois semi-transformé. Il nous faut du bois séché, contre collé, si nous voulons éviter les importations demain."

 

En attendant, le président du comité stratégique de la filière bois table sur une crise qui durera encore plusieurs semaines. Ce n'est pas le seul secteur à connaître une pénurie sévère. Les prix de nombreux métaux, matériaux, produits de construction ont flambé depuis le début de l'année. Le secteur du bâtiment observe notamment de fortes perturbations du côté de la plasturgie et de celle de la fabrication de mélanges chimiques (peintures, vernis, adhésifs…) dans le secteur de la parachimie.

actionclactionfp