En bonne santé physique mais souffrant de fatigue morale, voire de stress, tel est le bulletin de santé des artisans du bâtiment en 2015. La 2e édition de ce baromètre publié par la Capeb, la CNATP et l'Iris-ST, dévoile la fragilité de l'état psychologique des professionnels du BTP. Découvrez les conclusions de cette enquête nationale.

Les artisans du bâtiment sont surinvestis dans leur travail, ce qui est facteur de mal-être au quotidien. Selon le baromètre "ARTI Santé BTP 2015", la moitié des dirigeants de petites entreprises du secteur se disent fatigués et stressés, éprouvant "un sentiment d'isolement très marqué". Si la fatigue physique n'est pas forcément en cause, 8 artisans sur 10 s'estimant en bonne santé, c'est l'épuisement moral qui semble les guetter.

 

Moins de bobos physiques, plus de douleurs psychiques

 

Première constatation, le suivi médical est encore insuffisant : 43 % des artisans interrogés déclarent qu'il est irrégulier ou même inexistant. Faute de temps, les professionnels ne consultent que très rarement, et uniquement dans une démarche curative, des médecins. L'enquête relève toutefois qu'un effort a été entrepris sur l'hygiène de vie, qu'il s'agisse de la pratique d'activité physique et sportive (35 % des sondés en pratiquent), qui agit comme prévention, et d'une baisse des consommations d'alcool et de tabac (33 % ont arrêté de fumer), deux facteurs aggravants.

 

Physiquement donc, les artisans se considèrent comme étant en bonne forme, dans une proportion très proche de ce qu'elle était en 2014 (-2 %). Cependant, ils sont encore nombreux à souffrir de douleurs musculaires et articulaires (79 %). Un peu moins d'un quart des professionnels du bâtiment vivent avec des problèmes de vue (23 %), tandis que 16 % sont victimes de problèmes d'audition. Mais le véritable mal se cache dans l'anxiété que les artisans ressentent. Ils sont ainsi 53 % à se sentir fatigués, 43 % à expérimenter des troubles du sommeil et à connaître une fatigue importante, et 24 % à déclarer souffrir de troubles émotionnels : nervosité, irritabilité, angoisses… Et ce sentiment de stress s'est accru entre 2014 et 2015 : 23 % des interviewés sentent qu'il a "nettement augmenté" par rapport à l'année précédente, et 30 % qu'il a "un peu augmenté". A contrario, ils ne sont que 8 % à sentir qu'il a "un peu baissé" et 1 % qu'il a "nettement baissé".

 

La conjoncture économique renforce le sentiment d'insécurité

 

En cause, un trop plein de charges (62 %) et le poids du travail administratif (54 %), devant la succession de périodes d'activité intenses et faibles (52 %) et la faible visibilité sur l'avenir (51 %). Ils sont également 40 % à déclarer avoir des problèmes de trésorerie et 33 % à connaître des soucis dans la gestion de leur affaire (recrutement, planning). Bien qu'ils bénéficient de facteurs "protecteurs" face à ce stress (notamment la passion de leur métier, leur grande autonomie ou une certaine reconnaissance sociale), l'intensité du rythme de travail, les délais à tenir, le déséquilibre entre vie professionnelle et personnelle, font que les artisans s'épuisent. Patrick Liébus, le président de la Capeb, explique : "Dans le contexte économique que nous connaissons, la pression accrue pèse sur les épaules des chefs d'entreprises artisanales du BTP". Ils font face à "des clients de plus en plus exigeants", des lois "de plus en plus compliquées", ce qui mène à une situation parfois "plus tolérable", avoue-t-il à l'AFP.

 

Une souffrance au travail qui peut les mener à un syndrome d'épuisement professionnel (le fameux "burn-out"), dont 7 % des sondés déclare avoir été victimes, voire à la dépression nerveuse, avec une occurrence de 6 % au cours des cinq dernières années pour les artisans… Patrick Liébus poursuit : "[En 2014] on en parlait un petit peu", mais désormais "des artisans reconnaissent qu'ils ont pu le vivre". Le président de la Capeb, inquiet pour ses collègues, recommande que les chefs d'entreprises artisanales se tournent "vers une structure professionnelle" afin d'y rechercher des conseils. Car le sentiment de solitude frappe 39 % des personnes interrogées. Une très large majorité de ces dernières (89 %) déclarent avoir besoin de soutien.

 

 

Quant à leur avenir entrepreneurial, les dirigeants se montrent pessimistes (40 %) plus qu'optimistes (28 %), en raison de la situation financière. Pourtant, ils sont plus nombreux à avoir ressenti une évolution positive de leur activité entre 2014 et 2015 (40 % estiment qu'elle a progressé, un peu ou nettement) qu'à l'avoir vu décliner (31 % estiment qu'elle a ralenti, un peu ou nettement).

 


Méthodologie de l'enquête : questionnaire administré en ligne, entre septembre et octobre 2015, auquel 2.783 chefs d'entreprises artisanales du BTP de 0 à 20 salariés ont répondu. Seuls les questionnaires complets ont été analysés, et l'échantillon a été raisonné de façon à se rapprocher d'une représentativité du secteur.

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