RENOUVELABLE. Avec moins de 850 MW raccordés en 2018, l'énergie solaire n'atteint pas son objectif de 1 GW/an. Même si sa production augmente chaque année avec un parc en croissance constante, des difficultés continuent de s'opposer à un développement plus vif. France Territoire Solaire organisait, ce 26 mars 2019, une table ronde sur le bilan et les perspectives de la filière.

L'année 2018 a finalement été en demi-teinte pour le solaire photovoltaïque en France. Il s'est certes maintenu au niveau de raccordements atteint en 2017, avec +841 MW de puissances nouvelles (-1 %), amenant le parc total au-delà des 8,6 GW installés. Chaque trimestre, environ +200 MW de nouvelles installations ont donc été inaugurés. Le think tank France Territoire Solaire analyse : "La part du photovoltaïque dans la production croît mécaniquement, avec 475 TWh produits il couvre 2,2 % de la consommation électrique". En été, le phénomène est évidemment plus marqué, avec un ensoleillement maximal (le taux de charge est grimpé à 82 %) et une consommation moins forte qu'en hiver. La proportion grimpe alors, pour atteindre à certains moments 15 % de toute l'électricité française. En décomposant le panorama des installations solaires, France Territoire Solaire distingue tout un spectre allant du petit système dédié à l'autoconsommation du particulier aux grandes centrales au sol, en passant par celles de toiture de dimensions intermédiaires.

 

Sur l'autoconsommation, les experts notent : "Les chiffres sont peu élevés en termes de puissance, avec 144 MW installés. Mais ce segment est en phase de croissance avec 20.000 installations recensées à la fin de 2018". Les objectifs français de 65.000 à 100.000 installations individuelles d'autoconsommation seraient, à les en croire, atteignables avec le rythme actuel de leur développement. Pour le marché résidentiel avec réinjection, plus classique, et pour les toitures moyennes, les exploitants bénéficient d'un guichet avec des tarifs d'achat du courant qui baissent régulièrement. Les prix du kWh racheté sont aujourd'hui en dessous de 16 centimes d'euro pour le résidentiel, de 11 cts €/kWh pour les puissances intermédiaires et de 9 cts €/kWh pour les plus grandes toitures. Les rythmes de raccordements s'établissent entre 20 et 40 MW/trimestre. Christophe Thomas, de France Territoire Solaire, note : "Ce segment est en appel d'offres depuis 2012. Les volumes alloués, depuis cette date, sont de 572 MWc. Mais seulement 485 MW ont bien été installés, soit un taux de réalisation d'environ 60 % des appels d'offres à date". Le spécialiste ajoute que la 4e vague des appels d'offres de la CRE devraient commencer à arriver : "Les projets se font en différé, avec une part de casse et une part de retard". Pour les plus puissantes installations, très grandes toitures et centrales au sol, les segments ont vécu à la fois avec les tarifs d'achats (très bas) puis avec des appels d'offres épisodiques, qui donnent un fonctionnement par cycles. L'appel CRE3 serait ainsi concrétisé à seulement 60 %, notamment à cause de la faillite de deux fabricants de modules solaires, posant des soucis de fourniture.

 

Une file d'attente interminable

 

 

La file d'attente des projets s'allonge donc en France et n'a jamais été aussi longue, avec près de 4 GW de puissance à installer. Un phénomène qui peut être diversement interprété : d'une façon positive, en considérant que le nombre d'entrées est élevé, ou d'une façon négative, en estimant qu'il y a peu de sorties effective de cette file… Chez Enedis, on enregistre plus de 20.000 demandes par an, tandis que chez RTE (pour les hautes tensions) le nombre est beaucoup plus faible, de l'ordre de 70 études et propositions techniques et financières en 2017-2018. Mais, depuis le début de l'année, 30 demandes ont déjà été formulées, indiquant une progression de ce type d'installations de très grandes dimensions, principalement dans la moitié sud du pays. France Territoire Solaire fait remarquer que les objectifs de la PPE en 2018 (10,2 GW raccordés) n'ont pas été atteints. Le retard pourrait venir des évolutions réglementaires intervenues en 2016 et 2017, avec l'attente de nouveaux mécanismes de soutien et le lancement des appels d'offres pluriannuels.

 

Sur le coût du soutien public à cette énergie, les experts soulignent que les montants sont finalement très faibles : 17 M€ pour le résidentiel, 12 M€ pour les toitures moyennes et 21 M€ pour les grandes installations. "Car les volumes sont faibles et que les prix des modules se sont effondrés", expliquent-ils. Le soutien aux renouvelables ne fait d'ailleurs pas augmenter le prix de l'électricité française puisqu'il n'est plus prélevé sur la CSPE mais sur un compte d'affectation spéciale de la taxe sur les produits pétroliers, afin de participer au verdissement des approvisionnements. Christophe Thomas reprend : "Les charges publiques augmenteront jusqu'en 2025 environ, avant de décroître dans les 10 années suivantes". Cet effet sera lié à la réduction progressive du poids des contrats les plus anciens, conclus avant le moratoire et particulièrement avantageux pour les producteurs. Au-delà de 2030, il est même anticipé que l'éolien offshore deviendra l'énergie la plus soutenue par les fonds publics. Daniel Bour, le président d'Enerplan, s'interroge pour sa part sur les coûts de raccordements imposés par Enedis. Il relate : "Leur part augmente au fur et à mesure que le coût de production du kWh descend. Ces coûts pèsent lourdement sur le prix de production de l'électricité et renchérissent le photovoltaïque". Estimant qu'il y a des progrès à faire, il souhaite que le gestionnaire du réseau de distribution prenne en compte la spécificité de l'énergie solaire par rapport aux autres renouvelables. Un frein pourrait ainsi être levé.

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