CONJONCTURE. Très exposés aux évolutions du marché du travail, des prix des matières premières, des taux d'intérêt et de l'accès au crédit, le BTP et l'immobilier n'ont probablement pas fini de connaître des turbulences, selon une note d'analyse de Coface. La situation observable en France se retrouve un peu partout dans le monde.

Les nuages qui se sont accumulés au-dessus de la construction et de l'immobilier en 2023 risquent de ne pas se dissiper en 2024. Considérés comme des secteurs d'activité particulièrement exposés aux cycles économiques, du fait de leur dépendance aux évolutions du marché du travail, des prix des matières premières, des taux d'intérêt et de l'accès au crédit, ils ne vont probablement pas sortir tout de suite de la zone de turbulences qu'ils traversent depuis plusieurs mois.

 

 

Ces prévisions peu optimistes sont avancées par l'assureur Coface dans une note d'analyse qui liste les contraintes auxquelles doivent faire face le BTP et l'immobilier. Il y a d'abord la crise de l'offre et de la demande sur le marché résidentiel, la hausse rapide des taux d'intérêt ayant mécaniquement entraîné une baisse de la demande des ménages, puisque le recul de leur capacité d'emprunt ne peut plus répondre aux prix élevés du marché.

 

Le manque de main-d'oeuvre, "principal obstacle à la construction"

 

S'y ajoute un manque de main-d'oeuvre, qui serait même "le principal obstacle à la construction identifié par les entreprises européennes entre 2021 et 2023", d'après des données compilées par Coface et Ecofin, le Conseil pour les affaires économiques et financières de l'Union européenne. Cette tendance s'observe aussi ailleurs dans le monde, comme aux États-Unis, "où les offres d'emploi dans la construction sont près de 30% plus élevées qu'avant la pandémie, et au Japon, où 60% des entreprises de construction ont mentionné une pénurie de main-d'oeuvre en 2022".

 

La flambée des prix des matériaux, les pressions salariales et l'envolée des coûts de financement ont également participé à cette augmentation générale des coûts de construction. Le secteur de l'immobilier commercial s'est lui aussi retrouvé exposé aux mêmes difficultés, notamment sur le segment des bureaux.

 

Les bureaux n'ont jamais été aussi peu occupés

 

Les confinements sanitaires et la progression du télétravail ont logiquement débouché sur une baisse - et sur une modification - de la demande en espaces de bureaux. "Les taux d'inoccupation des bureaux sont à leur plus haut depuis plus de 15 ans, à 7,5% en Europe et 20,2% aux États-Unis au premier trimestre 2023", souligne Coface.

 

L'assureur pointe par ailleurs le "lien étroit" entre les taux d'intérêt élevés et le ralentissement des transactions immobilières commerciales. Celles-ci ont fondu de plus de 50% sur le Vieux Continent en 2023, atteignant ainsi leur plus bas niveau depuis 2010.

 

Baisse des prix immobiliers

 

Les perspectives 2024 ne sont guère plus réjouissantes. La poursuite de la hausse des taux d'intérêt et l'offre toujours limitée devraient continuer à handicaper le marché immobilier tout en maintenant les prix à un niveau élevé.

 

En cause : "la réticence des vendeurs potentiels à renoncer à leurs faibles taux hypothécaires ou à vendre à un prix inférieur", selon les spécialistes de Coface. L'assureur-crédit estime que des baisses de prix parfois très importantes devraient avoir lieu sur les marchés résidentiels de la plupart des pays développés : -0,1% au Royaume-Uni, -11% aux États-Unis, -18% en France, -26% en Italie et jusqu'à -31% au Japon et -34% en Allemagne.

 

 

"Fortunes diverses"

 

S'agissant de l'immobilier commercial, les tarifs ont déjà chuté de 25% début 2024, du fait d'une conjoncture difficile qui amène certaines entreprises à prendre des mesures fortes, comme la vente d'actifs. "On a même vu des bâtiments importants vendus avec des rabais de plus de 50%, signe de la situation très difficile dans laquelle se trouvent certaines entreprises", relève la note.

 

D'une manière générale, 2024 devrait donc être "une année aux fortunes diverses", en dépit d'une baisse "bienvenue" des taux directeurs. Mais l'incertitude reste de mise et les secteurs économiques n'ont que peu de visibilité.

 

En résumé, "alors qu'une partie de la dette extérieure est déjà bloquée à des taux fixes et que les marges de prêt pour les nouveaux prêts sont à leur plus bas niveau depuis plus d'une décennie, une question se pose : les baisses de taux prévues seront-elles suffisantes pour soutenir un marché qui montre des signes de faiblesse ?", s'interroge Coface.

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