INQUIÉTUDE. Des difficultés d'approvisionnement en bitume poussent les entreprises routières, via leur organisme Routes de France, à tirer la sonnette d'alarme. Ils attendent des pouvoirs publics de prendre des mesures de correction. Détails avec Pierre de Thé, porte-parole de l'organisation patronale.

Une pénurie de bitume touche ces dernières semaines les professionnels de l'industrie routière. Une situation à l'origine de blocages tels que l'organisation professionnelle Routes de France (RDF) a décidé d'alerter les pouvoirs publics sur ce point en publiant un communiqué de presse le 13 juillet 2018 et en alertant par écrit, le même jour, les ministères de l'Économie et du Transport. "Des chantiers sont arrêtés ou retardés, et le risque est réel de voir nos entreprises payer des pénalités de retard alors que nous sommes face à un cas de force majeure", explique Pierre de Thé, porte-parole de RDF, contacté par Batiactu. "Cette pénurie impacte la réalisation des chantiers routiers, de voiries et d'aménagements urbains", précise le texte écrit par l'organisation.

 

Une situation "très pénalisante"

 

"Cette situation inédite est très pénalisante pour nos entreprises", ajoutent les professionnels. "Elle entraîne des arrêts ou des reports de chantiers et une absence de visibilité pour la programmation des chantiers à venir."

 

Mais quelles sont les raisons de cette pénurie ? "Nous ne les connaissons pas toutes, et nous ne savons pas, notamment, ce qui se passe du côté des fournisseurs auprès desquels nous avons pourtant pris contact", nous explique Pierre de Thé. "Les cinq années de crise et, plus près de nous, les intempéries de mai ont peut-être joué un rôle : la demande a flambé. Mais aujourd'hui les grands groupes n'ont plus de stocks, et ils n'arrivent plus à approvisionner." Les régions les plus touchées sont le Nord et le Nord-est, les moins touchées le Sud et l'Aquitaine puisque des fournisseurs espagnols assurent le ravitaillement. Mais jusqu'à quand ?...

 



Une pénurie peut en cacher une autre ?

 

Un autre facteur envisagé par RDF est celui de la pénurie de chauffeur poids lourds. "La grève SNCF a produit un appel d'air pour les chauffeurs routiers", nous explique-t-on. "Et la reprise générale de l'activité économique a fait renaître des besoins de transports de matière dans tous les secteurs."

 

Routes de France a ainsi saisi les ministères de l'Économie et des Transports afin que des mesures soient prises pour rétablir la situation. "Nous souhaitons tout d'abord que nos entreprises ne paient pas de pénalités de retard alors qu'elles sont elles aussi soumises à cette pénurie", nous explique Pierre de Thé. "Nous souhaiterions ainsi que le ministère de l'Économie fasse passer ce message auprès des maîtres d'ouvrage publics sur tout le territoire, à savoir de ne pas appliquer ces pénalités." Autre doléance de la profession, cette fois-ci auprès du ministère des Transports : étudier la question du manque éventuel de chauffeurs routiers pour lancer, le cas échéant, un plan de formation professionnelle. Enfin, RDF souhaiterait que les pouvoirs publics fassent un travail d'intermédiation entre ses entreprises adhérentes et les instances représentatives des fournisseurs de bitume.

 

"Nous craignons également que le cours du bitume n'augmente du fait de cette pénurie, et que nos coûts de chantiers soient augmentés sans pour autant que nous puissions répercuter cette hausse sur nos clients", assure Pierre de Thé.

 

"Les réseaux routiers et urbains pourraient ne pas être réhabilités avant l'hiver"

 

Les professionnels du secteur estiment que cette pénurie tombe d'autant plus mal que les TP ont déjà souffert, cette année, des conséquences de la grève SNCF et du blocage récent des raffineries par le secteur agricole. Et que le secteur entre dans une phase de l'année bénéficiant d'une météo clémente, toujours très productive dans le BTP. "Après plusieurs années de crise de notre secteur, alors que la reprise s'amorce, nos entreprises sont à nouveau fortement pénalisées et, en corollaire, les réseaux routiers et urbains pourraient ne pas être réhabilités avant l'hiver", insiste Routes de France. Il faudrait donc agir vite. Car il n'est pas impossible que certains acteurs en finissent par avoir recours au chômage technique.

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