HABITAT INDIGNE. Dernière en date, l'Opération de requalification des copropriétés dégradées d'intérêt national (Orcod-IN) du Val Fourré, à Mantes-la-Jolie, est le troisième dispositif lourd de redressement de copropriétés en Ile-de-France, après Grigny et Clichy-sous-Bois. Point d'étape sur l'état d'avancement de ces deux Orcod-IN.

Le 16 décembre dernier, le ministre du Logement se rendait au quartier Val Fourré de Mantes-la-Jolie (Yvelines), pour y signer, avec foule de partenaires, la déclaration d'intérêt national d'une opération de requalification des copropriétés dégradées. Cette signature, suivie de la parution d'un décret paru le 7 janvier 2020, rallonge la liste des Orcod-IN à trois opérations lourdes de redressement des copropriétés dégradées en Île-de-France.

 

Le dispositif né de la loi Alur connaîtra son baptême de feu à Clichy-sous-Bois (Seine-Saint-Denis), lorsqu'en 2015, paraît le décret fixant son périmètre d'action au quartier du Bas Clichy, qui abrite les copropriétés du Chêne Pointu et de l'Etoile du Chêne Pointu. L'État s'engage alors dans une opération de redressement à grande échelle, sur une temporalité qui dépassera la décennie.

 

Au Bas-Clichy, "les grues sont déjà bien installées"

 

Désigné chef d'orchestre par la loi, l'Etablissement public foncier d'Ile-de-France aura à coordonner ses actions avec celles de l'Agence nationale de l'habitat (Anah) pour la partie financements et ingénierie, et l'Agence nationale pour la rénovation urbaine (Anru) pour la définition d'un projet urbain, en articulation avec une vision plus globale intégrée au Nouveau programme national de renouvellement urbain (NPNRU). Dans cette chorégraphie collective, il faut aussi inclure les collectivités, l'Agence régionale de la santé (ARS) mais aussi la justice, appliquant les mesures de lutte contre l'habitat indigne, et les bailleurs sociaux associés aux processus de relogement.

 

Cinq ans plus tard, "les grues sont déjà bien installées", affirme Joëlle Boneu à Batiactu, directrice des Orcod à l'EPF d'Ile-de-France. Signe que malgré un chantier aussi complexe que colossal, le travail partenarial trouve aujourd'hui sa vitesse de croisière, avant la coupure des élections municipales. Sur sa première mission de portage, le bras foncier de la région francilienne affiche "601 logements achetés" au compteur, en novembre 2019. "Nous sommes désormais dans la phase des expropriations après obtention de l'arrêté de déclaration d'utilité publique sur ce territoire en septembre 2019", détaille Joëlle Boneu, ajoutant que "230 ménages ont pu être relogés" au sein du parc locatif social. En 2020, un immeuble de 90 logements ainsi qu'un centre commercial seront démolis.

 

Sécuriser au maximum pour éviter l'hémorragie du relogement

 

Acquisition ne signifie pas relogement immédiat. "On sait que certains immeubles resteront debout et occupés au cours des 8 à 10 prochaines années, il est donc nécessaire de lancer une nouvelle salve de travaux d'urgence pour sécuriser jusqu'à la démolition", dixit Joëlle Boneu. Dans un territoire au patrimoine bâti dégradé, "c'est la course contre la montre de l'acquisition et la sécurisation", image la directrice de l'EPF Ile-de-France pour les Orcod. C'est là qu'intervient l'Anah, qui apporte sa contribution sur le financement des travaux d'urgence, de la rénovation énergétique tout comme l'accompagnement social des ménages à reloger.

 

"Il y a un seuil psychologique à atteindre, passer de propriétaire à locataires, c'est très compliqué et cela met du temps à le faire comprendre aux habitants", précise Sébastien Wagner qui pilote le volet copropriétés de l'Anah. En 2019, l'opérateur de l'Etat pour l'amélioration de l'habitat a conclu les travaux de rénovation énergétique de la copropriété Stamu, un ensemble de 168 logements qui affiche désormais la meilleure performance énergétique du quartier. Cette année, 23 millions d'euros devraient être consacrés au plan de sauvegarde pour les travaux de sécurisation, de mise aux normes incendie et "peut-être quelques dossiers de rénovation énergétique", complète Sébastien Wagner.

 

Grigny 2
Grigny 2 © Google street view

 

A Grigny 2, les partenaires dans l'attente de la validation du projet urbain

 

Petite sœur du Bas-Clichy, l'Orcod-IN de Grigny 2 (Essonne) verra le jour en 2016 avec la publication du décret d'intérêt national en octobre, mais le lancement opérationnel ne débutera qu'en avril 2017. Le travail de dentelle s'annonce désormais long, mais une ébauche importante du devenir de Grigny 2 a été mise sur la table lors du dernier comité national d'engagement de l'Agence nationale pour la rénovation urbaine (Anru) qui s'est tenu en décembre dernier. "Sur l'aménagement, nous sommes parvenus à élaborer un projet cohérent à l'échelle du territoire (…) c'était un moment important qui résulte d'un important travail de coordination avec la ville de Grigny, Grand Paris Sud, l'Etat, Grand Paris aménagement et l'Anru", se remémore Joëlle Boneu.

 

Le cadre global du projet urbain doit encore recevoir la validation de l'Anru, attendu pour la fin du mois de janvier ou février. De son côté, le directeur général de l'agence Nicolas Grivel espère "acter toutes les procédures au premier semestre 2020". "Nous avons stabilisé les premiers arbitrages pour savoir ce qui se fera dans la durée du NPNRU, avec une convention en préparation. 2020 devrait être l'année de l'officialisation du projet, et la définition des éléments de la clause de revoyure", prévoit le directeur général de l'Anru contacté par Batiactu.

 

"Changement de braquet" sur la lutte contre l'habitat indigne

 

Pour certains, le temps peut paraître plus long, notamment pour les collectivités locales. "On aimerait que ça aille plus vite", espère le maire (PCF) de Grigny, Philippe Rio, tout en déroulant le chemin parcouru depuis avril 2017 : dépassement de la barre des 400 logements acquis, mise en place de la gestion urbaine de proximité et effet blast dans la lutte contre l'habitat indigne.

 

Sur ce dernier volet, la copropriété Grigny 2 est devenue le laboratoire d'expérimentation des nouveautés juridiques apportées par la loi Elan, ou la circulaire qui lie le ministère de la Justice à celui du Logement. "Si le ministère de la Justice n'est pas signataire de la convention Orcod-IN, on sent un changement de braquet du parquet avec une progression dans le traitement des dossiers", témoigne l'édile grignois.

 

Contre les marchands de sommeil et les propriétaires indélicats, la ville mène aussi la guerre du chiffre, notamment sur le permis de louer. En 2019, 240 dossiers de demandes d'autorisation ont été déposé, plus du double qu'en 2018 (108 dépôts). La courbe des refus de mise en location, elle, produit un effet ciseaux, avec une réduction de moitié des arrêtés de refus. Cette victoire se savoure plutôt entre les murs des services municipaux, et fait partie de ces actions peu visibles auprès de la population.

 

Gestion urbaine de proximité

 

"Ce sont des choses qui restent assez éloignées de la vie quotidienne des gens. Même si l'on trouve que le lancement de travaux d'urgence est formidable, l'installation d'une porte coupe-feu ne change pas foncièrement leur quotidien", ironise Joëlle Boneu. D'où la nécessité de lancer des actions à plus court-terme, comme la gestion urbaine de proximité, lancée par l'Anah, qui entend l'élargir à d'autres sites de priorité nationale du plan Initiatives copropriétés.

 

"On taille des arbres, on refait de la voirie, on organise la gestion des déchets. Cela peut paraître anecdotique mais pas quand on sait comment cela pouvait être avant. C'est concret", plaide Philippe Rio. Un "retour à la normalité" de vie de quartier où les arbres taillés cacheront peut-être la forêt qui s'annonce pour les partenaires de l'Orcod-IN, celui de la scission du syndicat principal. Pour l'EPF d'Ile-de-France, il s'agit de couper une tête de pieuvre irriguée par 27 syndicats secondaires, voués à devenir autonomes.

 

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