AMENDE. L'Autorité de la concurrence vient de lourdement sanctionner l'Ordre des architectes du fait des pratiques visiblement déloyales de quatre de ses antennes régionales. Elles ont "diffusé et rendu obligatoire" un barème d'honoraires.

A la suite d'une enquête du gendarme de la concurrence, la DGCCRF, débutée en 2015, l'Autorité de la concurrence a décidé de sanctionner à hauteur de 1,5 million d'euros l'Ordre des architectes. Il aurait, "via ses conseils régionaux des Hauts-de-France, du Centre-Val de Loire, d'Occitanie et de Provence-Alpes-Côte d'Azur, mis en œuvre des pratiques anticoncurrentielles", assure l'organisme dans un communiqué de presse du 1er octobre 2019. Concrètement, ces instances locales ont diffusé et fait respecter un barème d'honoraires applicable aux architectes intervenant dans les marchés de maîtrise d'œuvre publics, alors que dans ce secteur la fixation des honoraires est libre. Les faits reprochés ont débuté en 2013.

 

Mise en place d'une "police des prix"

 

L'Autorité va jusqu'à parler de "police des prix" avec l'existence de "mesures de rétorsion à l'endroit des architectes ne respectant pas ces consignes tarifaires" et "d'interventions auprès des maîtres d'ouvrages publics afin de les dissuader de passer des marchés avec des architectes proposant des taux d'honoraires considérés 'trop faibles'".

 

L'Ordre des architectes "conteste cette décision"
"Le Conseil national et les quatre conseils régionaux de l'Ordre des architectes visés par l'Autorité de la concurrence contestent la teneur de la décision totalement à charge et les arguments qui la fondent", a réagi l'organisme dans un communiqué de presse du 1er octobre 2019. L'Ordre assure qu'en aucun cas il n'a souhaité imposer de barème tarifaire, s'étant borné à relayer "l'existence d'un simulateur de calcul d'honoraires qui a été créé et largement diffusé par les pouvoirs publics".

 

Quant aux moyens de pression supposés évoqués par l'Autorité de la concurrence, le Cnoa rappelle qu'il "entre dans les fonctions du Conseil régional de porter plainte devant la chambre régionale de discipline dès lors qu'il estime qu'un architecte a commis une infraction déontologique". Le Cnoa ne compte visiblement pas en rester là et assure que "toutes les voies de droit seront mises en œuvre pour contester cette décision devant les autorités et juridictions concernées".

 

Ces ordres régionaux mettaient également une pression sur les architectes ne pratiquant pas le barème, avec la diffusion d'un modèle-type de saisine des chambres régionales de discipline. "L'Autorité sanctionne également, à hauteur d'un euro, plusieurs sociétés d'architecture ou architectes ainsi qu'une association d'architectes ayant participé à cette entente par le biais de dénonciations à l'Ordre de leurs confrères qui ne respectaient par ce 'barème d'honoraires'."

"Pratique anticoncurrentielle et déloyale vis-à-vis des confrères"

 

Les conseils avaient mis en place ces méthodes dans le but de lutter contre une forme de "dumping" où certaines agences étaient accusées de pratiquer des honoraires trop bas. "Faire un prix trop bas pour être sûr d'avoir un marché est une pratique anticoncurrentielle et déloyale vis-à-vis des confrères", a déclaré le président du conseil régional de l'ordre Centre-Val de Loire pour sa défense. Il avait ainsi été décidé d'utiliser un guide de la Mission interministérielle pour la qualité des constructions publiques (MIQCP) pour le transformer en indicateur de prix. Le conseil régional des Hauts-de-France avait, en plus, "créé une association spécifiquement dédiée à l'identification des irrégularités liées aux taux d'honoraires, dans le cadre des réponses à des appels d'offres".

 


 

Un site internet a ainsi été créé pour permettre aux architectes dont l'offre a été écartée de signaler les taux prétendument trop bas pratiqués par leurs confrères retenus lors de l'appel d'offres. "Les architectes soupçonnés d'avoir proposé des honoraires trop faibles ont fait l'objet de procédures pré-disciplinaires et disciplinaires donnant lieu, dans certains cas, à des sanctions (blâmes ou radiations temporaires)", ajoute l'Autorité. Qui regrette l'existence de ces pratiques "graves" de la part d'un ordre qui "jouit d'une autorité morale indéniable".

 

L'enquête se poursuit dans différentes régions de France

 

Visiblement, l'Ordre des architectes est impliqué dans l'affaire jusqu'au plus haut niveau, le Conseil national de l'ordre ayant, selon les enquêteurs, participé à l'élaboration et à la diffusion du simulateur des honoraires établi sur la base du guide de la Miqcp. L'affaire n'est peut-être pas terminée, dans la mesure où l'enquête se poursuit dans d'autres régions de France.

actionclactionfp