Dans un contexte où le marché des automatismes de régulation et de la gestion technique des bâtiments (GTB) résiste à l'atonie globale du marché du bâtiment, un nouveau métier émerge : le "Building Data Scientist". Décryptage avec Jacques Bourgain, spécialiste et auteur de livres.

D'après une étude récente dévoilée par le bureau d'études Xerfi, le marché des automatismes de régulation et de la gestion technique des bâtiments (GTB) résiste bien à l'atonie globale du marché du bâtiment. Son activité continuera de progresser après une croissance de 0,5% (en valeur) en 2013 indiquent les experts de Xerfi. Et de garantir : "Le chiffre d'affaires du secteur augmentera ainsi de 2,5% en 2015, puis de 3% en 2016 et en 2017. Le marché profitera en effet de plusieurs facteurs de soutien."

De solides soutiens structurels...

La mise en place de systèmes de GTB est ainsi favorisée par la montée de la valeur verte dans l'immobilier tertiaire, précise cette étude. Les critères de performances environnementales et énergétiques sont de plus en plus pris en compte dans l'évaluation des biens, signalent aussi les experts. Aujourd'hui, les mesures en faveur de la valeur verte sont surtout incitatives- insertion du bail environnemental dans les baux de location-, mais tendent à se renforcer. Ce nouveau critère d'évaluation profite donc aux opérateurs de la régulation et de la GTB. Ces derniers deviennent ainsi essentiels dans la construction de projets innovants, tels que les smart buildings par exemple. Pour en savoir plus, découvrez l'interview de Jacques Bourgain, auteur de livres et spécialiste du marché de la GTB.

 

Batiactu : Le besoin d'analyser les données fait évoluer la Gestion Technique du bâtiment (GTB) vers la Gestion Active du bâtiment. Un nouveau métier émerge : le "Building Data Scientist". Quel est son apport dans le marché de la GTB aujourd'hui ?
Jacques Bourgain :
Chaque bâtiment est un prototype piloté par une grande variété de systèmes techniques (électricité courants forts et faibles, CVC, éclairage, eaux usées, froid, irrigation, gestion des fluides, sécurité, incendie…).

 

Ainsi, un système de Gestion des installations techniques apporte la meilleure réponse à une multitude de problèmes : bien-être dans l'entreprise, augmentation de la qualité, évolutivité et optimisation des services et du travail, compétitivité fonctionnelle et énergétique, réactivité, réduction des risques… La GTB rassure. Toutefois, elle vérifie que les hypothèses retenues sont les bonnes, que les algorithmes de contrôle sont corrects ou plus simplement que tout fonctionne. Elle produit justement de plus en plus de données riches en économies potentielles mais seulement 30 % d'entre elles sont plus ou moins bien exploitées et 70 % ne le sont pas du tout par manque de moyens.

 

D'ailleurs, quelques nouveaux systèmes d'analyse savent acquérir et analyser des données produites (Big Data) aux cadences imposées par le M2M (doublement tous les deux ans). C'est dans ce contexte que le nouveau métier de "Building Data Scientist" voit le jour.

 

Batiactu : Quelles sont les particularités de ce métier, les compétences nécessaires, les niveaux de qualification requis pour l'exercer et son avenir ?
Jacques Bourgain :
La recherche d'efficience fonctionnelle et énergétique de chaque système complexifie la gestion de l'ensemble, les bâtiments évoluent, les usages changent (nouveaux équipements, espaces reconfigurés, déménagement d'occupants…). Ces évolutions rendent souvent inadaptés les systèmes et les réglages précédents. Pour l'améliorer, il faut connaitre la réalité du fonctionnement sans perdre son temps à trouver des problèmes difficilement identifiables avec des moyens purement manuels ou les GTB actuelles.

 

Deux questions se posent alors : de quelles données je dispose ? Suis-je prêt et comment commencer à réduire mes coûts d'exploitation ? La plupart des projets réussis démarrent avec seulement des données énergétiques historiques à partir de fichiers Excel ou CSV. Enfin, trouver les zones de gaspillage d'énergie et améliorer l'exploitation nécessitent un outil d'analyse puissant et une expertise multi-métiers pour détecter les problèmes et réaliser rapidement d'importantes économies souvent répétitives. C'est le rôle du "Building Data Scientist".

 

Batiactu : Peut-on parler d'un métier d'avenir ?
Jacques Bourgain :
Comprendre comment fonctionnent les équipements, déceler l'usure prématurée et la dégradation des systèmes, quantifier l'impact financier du problème, trouver pourquoi un événement se produit et comment cela affecte leur budget d'exploitation sont les principaux ingrédients du travail du "Building Data Scientist". C'est donc au final un métier valorisant car l'ingénieur normalise l'information autour du BIM, par exemple, utilise les nouvelles techniques d'analyse, donne un sens aux données opérationnelles et transmet la connaissance des systèmes à un logiciel afin qu'il puisse trouver les défaillances et les dysfonctionnements. Les chiffres de la profession sont encourageants pour les années futures : on estime à 3.000 le nombre de personnes à former (techniciens ou ingénieurs).

 

*Jacques Bourgain, spécialiste et auteur d'un récent livre intitulé "Building Data Scientist" : exploiter la richesse des données des bâtiments pour en améliorer les performances. (68 pages). Collections Analysées données Bâtiment. www.adb-com.com

 

Témoignage de Jean-Louis Lefèvre, ingénieur électronique énergie chez SE3 Consulting
Témoignage ingénieur
Témoignage ingénieur © J-L.Lefèvre.
"Je paramètre des GTB depuis plus de 15 ans, et je me suis rendu compte que les applications classiques ne répondent plus aux besoins de l'utilisateur. Il en veut beaucoup plus", nous signale Jean-Louis Lefèvre, ingénieur et consultant GTB, basé sur Fleurieu-sur-Saône (Rhône). Concrètement, l'utilisateur a besoin de services d'aides pour traiter scientifiquement ses Giga-données". S'agissant de l'avenir du métier, Jean-Louis Lefèvre affiche son optimisme : "Ce nouveau métier de 'Building Data Scientist' me passionne car on travaille en relation étroite avec l'utilisateur pour identifier en temps réel tout problème et ses causes, suivre l'évolution des usages du bâtiment, automatiser des fonctions d'alarmes et de dysfonctionnement pour lui permettre de les corriger rapidement et d'optimiser ses coûts d'exploitation. Les nouveaux outils d'efficience fonctionnelle et énergétique sont apparus, utilisons-les !"

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