Le premier réflexe fut de vouloir reconstruire, pierre pour pierre. Mais il est désormais acquis que les tours du World Trade Center ne renaîtront pas de leurs cendres, les réticences à travailler dans des immeubles aussi hauts étant trop fortes.

Les 110 étages des tours jumelles étaient le symbole de la puissance de New York et de son statut de centre mondial de la finance et des affaires. Leur inconcevable effondrement a semé dans la ville, en particulier chez les cols-blancs, un sentiment jusqu'alors inconnu de doute et d'insécurité, que les professionnels de l'immobilier prennent en compte. La ville a besoin de remplacer les quelque 10 millions de mètres carrés de bureaux partis en poussière le 11 septembre, mais les grandes hauteurs effraient.

"New York adore les immeubles hauts et nous allons continuer à bâtir des gratte-ciel, mais sur ce site des facteurs psychologiques entrent en jeu", reconnaît Warren Wechsler, vice-président de la Chambre des professionnels de l'immobilier de New York (REBNY). Larry Silverstein, grand nom de l'immobilier new-yorkais qui avait signé un contrat de location sur 99 ans des "Twin Towers" pour 3,2 milliards de dollars sept semaines avant l'attentat, a admis le fait que le joyau de son portefeuille ne s'élèvera plus jamais à la même hauteur.

"D'un point de vue pratique, les promoteurs ne vont construire que des bâtiments susceptibles d'être loués, et je ne pense pas que M. Silverstein pense que des locataires vont être intéressés par quelque chose d'aussi haut", a admis le porte-parole du promoteur, Steve Soloman. Il a ajouté que la première idée de son patron était de remplacer les deux tours de 110 étages par quatre de 50, ce qui permettrait de retrouver le compte de mètres carrés tout en laissant de la place pour un spectaculaire mémorial. M. Silverstein a également l'intention de reconstruire l'immeuble du "7, World Trade Center", un immeuble de 47 étages qui s'est écroulé sous le poids des deux tours. Cela devrait se faire plus rapidement, puisqu'il en est aussi le propriétaire, alors que les tours appartenaient à la Port Authority de New York et du New Jersey.

Aucun processus de décision ou commission de reconstruction n'a pour l'instant été mis en place ou même évoqué, alors que les ruines du World Trade Center fument encore, un mois après le drame. Les travaux de déblaiement devraient prendre entre neuf mois et un an, la reconstruction environ cinq ans. Le contrôleur financier de la ville Alan Hevesi estime à 6,7 milliards de dollars le coût de la construction de "bâtiments plus petits".

Le maire Rudolph Giuliani, qui quitte ses fonctoin au début de 2002 et dont le nom circule pour diriger la commission de reconstruction, a lui aussi exclu une édification à l'identique des tours jumelles, et insisté pour que beaucoup de place soit réservée au mémorial des victimes, étant donné que la majorité des quelque 5.200 corps ne sera jamais retrouvée. "Cela devra être beau, plein d'inspiration car nous devons accepter le fait que cela constitue la dernière demeure de beaucoup, beaucoup de gens" a-t-il estimé. Le maire estime que les mètres carrés qui seront perdus à cause du mémorial pourront être récupérés dans d'autres parties de la ville, mais cette opinion n'est pas unanimement partagée. "Le World Trade Center, c'était des bureaux de première catégorie, et on en manque dans le reste de la ville", prévient M. Wechsler. Il estime que des grandes sociétés de Wall Street risquent de confirmer la tendance, apparue au cours des dernières années, de délocaliser leurs bureaux dans le New Jersey voisin et que le World Trade Center devrait être reconstruit sous la forme d'un projet "de prestige" pour attirer des acteurs économiques de premier rang.






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