INTERVIEW. Multiplication de rapports sur la simplification du Code du Travail, normes, gestion du dialogue social dans les TPE... La Branche nationale de l'Architecture en est convaincue : l'avant-projet de loi El Khomri modifiera "en profondeur la relation de travail dans les TPE." Son président Stéphane Calmard s'en explique à Batiactu.

Batiactu : Pourquoi l'avant-projet de loi de la ministre du Travail Myriam El Khomri "sur les nouvelles protections pour les entreprises et les salariés" qui sera présenté en Conseil des ministres le 24 mars prochain, vous préoccupe ?
Stéphane Calmard :
Pour la branche professionnelle nationale des entreprises d'architecture et de maîtrise d'oeuvre, cet avant-projet reste l'expression de la volonté de modifier en profondeur la relation de travail dans les petites entreprises.

 

Une modification qui risque non pas d'instituer de nouvelles libertés, mais d'agrandir le fossé qui se creuse, entre grosses structures et les praticiens de proximité, entre employeurs, salariés, actifs non-salariés et ce au détriment de l'emploi.

 

Pour les entreprises d'architecture et de maîtrise d'oeuvre, rassemblées au sein de la branche, la proximité reste la règle : sur les 9.500 entreprises de la branche, 94 % ont moins de 10 salariés, ce qui représente 3,7 salariés dans les TPE sur les 45.000 salariés qui forment la branche de l'Architecture. Rappelons que depuis 2003, les entreprises d'architecture et de maîtrise d'oeuvre ont une convention collective nationale, complétée chaque année par de nouveaux accords de branche sur les salaires, la santé, l'égalité professionnelle. Ces accords visent à améliorer les conditions de travail et aller au plus près des réalités des entreprises du secteur.

 

Batiactu : Et quels ont été vos résultats ?
Stéphane Calmard :
Depuis la signature d'une série d'accord en juillet 2012, on a pu mettre en place des actions de solidarité comme la prévoyance et la santé. Au final, notre rôle d'informer les salariés, et de protéger la formation comme l'emploi ne serait pas possible sans la volonté de nos membres de se rassembler autour d'une même table.

 

Batiactu : Concrètement, quels sont les points inspirés du rapport Combrexelle qui vous inquiètent davantage ?
Stéphane Calmard :
L'inquiétude majeure vient du fait que bon nombre de nos accords, notamment sur le Pacte de responsabilité, l'élargissement du champs d'application, l'égalité entre les femmes et les hommes, sont restés 'lettre morte' par le ministère du Travail qui refuse aujourd'hui de nous répondre ou de nous expliquer. Qui bloque ces accords? Le Pacte de responsabilité, c'est 7.000 emplois à la clé ! Nous avons saisi les projets du Gouvernement sans aucun retour.

 

En voulant proposer une représentativité en fonction du nombre de salariés, le projet de loi ignore également l'importance des petites entreprises dans l'emploi local, durable et non délocalisable, comme celle des travailleurs indépendants qui seraient évincés de toute négociation salariale.

 

En mentionnant dans l'intitulé du projet les "salariés" et non plus les "actifs", le Gouvernement souhaite en fait signifier qu'il reste du coté des salariés. Ce faisant, il efface la réalité d'un tissu économique où coexistent indépendants, salariés, jeunes en formation, et autoentrepreneurs. A défaut de sécuriser des parcours professionnels, le projet gomme jusqu'à la mention des rattachements à l'activité par des contrats certes actifs, mais plus précaires, qui disparaissent ainsi des négociations comme des statistiques de l'emploi.

 

"Il faut laisser les branches décider de leurs conditions de travail communes."

 

Batiactu : Enfin, l'avenir de la branche architecture est-elle à l'ordre du jour dans ce nouveau projet de Loi ? Craignez-vous sa disparition ?
Stéphane Calmard :
Ce projet s'ajoute à la question de la représentation dans les branches professionnelles, dont le rapprochement est également à l'ordre du jour afin de privilégier le dialogue social, comme soutenu dans le rapport Combrexelle. Rappelons que notre accord de branche, signé en juillet 2012, s'adresse à 70.000 salariés regroupant les métiers de l'architecture, de la maîtrise d'œuvre, des paysagistes et des architectes d'intérieurs.

 

Reste que la question demeure : S'agit-il de privilégier le dialogue et l'emploi dans ces structures, ou bien de favoriser le contrôle à une échelle plus élevée et sans doute moins consciente des enjeux inhérents à toute réflexion territoriale réduite ?

 

Il faut laisser les branches décider de leurs conditions de travail communes. C'est la garantie d'une concurrence moins déloyale. C'est aussi l'état de droit dans l'entreprise et l'ordre social commun à toutes et tous. Ce sont nos droits, employeurs comme salariés. L'économie doit s'y subordonner. Pas l'inverse. C'est pourquoi la branche professionnelle organisera un colloque le 17 mars prochain à Paris sous la coupole Niemeyer, place du Colonel Fabien pour discuter des enjeux du dialogue social au niveau des branches.

 


La Branche nationale de l'Architecture en bref…
Créée en 2003, la Branche produit, par la négociation et le dialogue social, par le travail des différentes organisations constituantes et représentatives (UNSFA et Syndicat de l'Architecture pour les employeurs - SYNATPAU, CGT, FO, CGC, UNSA et CFTC pour les salariés), des textes et accords conventionnels établissant des conditions de travail communes à toutes les entreprises de la branche, notamment la convention collective nationale.

 

Elle est composée d'un président, Stéphane Calmard, secrétaire général du Syndicat national des professions de l'architecture et de l'urbanisme (SYNATPAU) représentant du collège salarié et d'un vice-président, Jean-François Chenais, architecte, représentant le collège employeur et le Syndicat de l'Architecture.

 

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