Le Sénat a doublé la distance minimale séparant les éoliennes des habitations dans le cadre de son examen de la loi de transition énergétique. Une décision, qui doit repousser les lieux d'implantation dans des zones reculées, afin d'éviter les recours de riverains, mais qui risque également de geler l'ensemble des projets dans les régions à habitat dispersé. Explications et réactions des professionnels.

Dans la nuit du mardi 17 au mercredi 18 février 2015, le Sénat a adopté une disposition qui porte à 1.000 mètres la distance entre toute nouvelle installation éolienne et les habitations riveraines, contre 500 mètres jusqu'à présent. Une décision portée par Jean Germain, sénateur d'Indre-et-Loire, et auteur de l'amendement. "Allez donc vous promener près d'une éolienne géante : le bruit est infernal", assure-t-il. "De loin, un citadin qui passe trouvera cela beau et majestueux. Pour les ruraux, ça l'est moins", ajoute le sénateur PS qui invoque des motifs sanitaires : "Pour des raisons médicales, la Grande-Bretagne et l'Allemagne ont fixé une distance minimale de 1,5 km ; les Etats-Unis, qui ne sont guère connus pour appliquer le principe de précaution, 2 km". L'élu du Centre estime que son amendement fera concentrer les éoliennes dans des zones inhabitées. Le rapporteur de la loi, Louis Nègre, estime pour sa part : "Ce qui compte, ce sont les résultats : comment obtenir des éoliennes assez bien acceptées pour éviter l'accumulation de recours".

Pas d'impact avéré sur la santé

Une vision que ne partagent pas les professionnels du secteur. Pour France Energie Eolienne (FEE), la disposition, si elle devait être maintenue, "serait catastrophique" en neutralisant toutes les mesures favorables à l'éolien. Frédéric Lanoë, le président de la FEE, explique : "Dans les zones d'habitats dispersés (comme le Grand Ouest), cela peut grever fortement le développement éolien". Réfutant les nuisances sonores, le Syndicat des énergies renouvelables (SER) rappelle que les machines récentes répondent à une réglementation spécifique en matière d'acoustique dans le cadre de la police d'exploitation ICPE (Installation classée pour la protection de l'environnement). Il souligne que l'Agence nationale de sécurité sanitaire a conduit une étude en 2013 qui révélait que les émissions sonores des éoliennes "ne génèrent pas de conséquences sanitaires directes, tant au niveau de l'appareil auditif que des effets liés à l'exposition aux basses fréquences et aux infrasons. A l'intérieur des logements, fenêtres fermées, on ne recense pas de nuisances ou leurs conséquences sont peu probables au 'vu' des bruits perçus".

 

Les deux mouvements des professionnels de l'éolien réclament le retrait de la nouvelle disposition, "basée sur aucune analyse" et donc "pas fondée scientifiquement". Selon le SER, elle serait "de nature à grever durablement (la) capacité (de la France) à tenir (ses) objectifs de développement en matière d'énergie éolienne alors que celle-ci est incontestablement l'un des points d'appui fondamental de la transition énergétique". Dans le cadre de l'examen du projet de loi, les sénateurs ont également supprimé un article qui concernait un barème d'indemnisation des propriétaires lésés par l'implantation d'éoliennes. Le sénateur Louis Nègre explique : "Tenons-nous en au régime de responsabilité de droit commun prévu par le Code civil". Ce dernier prévoit qu'en "l'absence d'un accord avec l'exploitant, l'indemnisation est déterminée au cas par cas par le juge". Le vote solennel du texte définitif aura lieu le 3 mars prochain.

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